J'ai beaucoup aimé ce livre pour tout ce qui concernait
Varlam Chalamov, l'écrivain et poète russe rescapé in extremis de la
Kolyma et pour tout ce que l'auteur fait découvrir à ses lecteurs à propos du goulag, de la toute puissance mortelle de Staline, avec des récits d'atrocités que le devoir de mémoire doit obliger à connaître, surtout dans le contexte de cette guerre dévastatrice de la Russie contre l'Ukraine.
Ce voyage documentaire à travers la Sibérie accompli par
Michaël Prazan est riche d'enseignements, écrit dans un style qui n'oublie pas les descriptions de la nature glaciale, des villes aux barres d'immeubles délabrés voire insalubres, de cette route des ossements construite sous les corps de ses ouvriers bâtisseurs, de ces camps où le cannibalisme était devenu une condition de survie, où tous, enfants, adolescents, adultes, vieillards pouvaient être écrasés par les bottes staliniennes.
Michaël Prazan n'omet pas de rappeler les 28 millions de vies détruites par le petit père des peuples, nombre effrayant auquel il faudrait ajouter d'autres millions de russes sacrifiés dans la deuxième guerre mondiale.
Le document de
Michaël Prazan s'avère donc passionnant jusqu'à un certain point, non par le sauvetage d'un chat sauvage auquel il va donner le nom de
Varlam, passe encore, mais par les 50 dernières pages, soit quasiment un cinquième du livre, consacrées au chat, emmené en France, soigné par différents vétérinaires, le livre tournant au reportage animalier qui, à mon sens, n'avait pas sa place dans ce document historique que j'aurais souhaité voir rester sur le terrain des rencontres et de la mémoire, porteuse d'une vérité tellement dure qu'elle ne devait pas être mêlée à autre chose.
Les trois dernières pages sauvent un peu ces errements félins avec une trop courte analyse de l'invasion de l'Ukraine et quelques réflexions sur la scission idéologique de son peuple pris dramatiquement en tenaille par deux totalitarismes qui ont causé tant de martyrs en Europe et dans le monde.