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Critique de ktylauney


« Mademoiselle Albertine est partie », « Mademoiselle Albertine a demandé ses malles, Mademoiselle Albertine est partie »... Ces mots résonnent comme un glas dans le coeur du narrateur. Albertine l'a quitté et il commence à réaliser que sans elle rien ne sera plus comme avant. Surtout ses habitudes seront chamboulées. Mais il ne doute pas que malgré la lettre d'adieu de la jeune fille, et sa décision irrévocable, que le soir même elle sera de retour dans sa chambre. Il croit dur comme fer ce retour imminent.
Mais il est loin de se douter à ce moment précis qu'il ne la reverra ni ce soir ni jamais.
Il envoie Saint-loup en émissaire chez Mme Bontemps. Il rate sa mission et le narrateur est furieux.
Albertine ne reviendra pas, elle lui fait bien savoir qu'il n'avait qu'à lui demander lui-même plutôt que de passer par des intermédiaires.
Comme d'habitude le jeune homme est ambigu. Il voudrait qu'Albertine revienne et puis il se ravise, et change encore d'avis, allant même jusqu'à lui écrire qu'Andrée va venir prendre sa place.

Deux télégrammes se croisent. Dans l'un Albertine lui demande expressément si elle peut revenir auprès de lui. Un autre de Mme Bontemps l'informe de la mort accidentelle d'Albertine.
Le narrateur est choqué par cette annonce brutale. Il s'enferme dans sa chambre, ne voulant plus voir la lumière du jour. Il replonge dans ses souvenirs heureux ou tristes et dans sa jalousie toujours présente. Ses soupçons reprennent toute leur importance et ont pour effet de raviver sa souffrance.
Albertine a t-elle menti et trahi ? Il envoie Aimé faire une enquête qui lui confirme le libertinage d'Albertine qui, effectivement, " avait ces goûts " pour les femmes. Andrée aussi finira par avouer qu'elle était sa maîtresse.

Il faudra du temps et le fameux voyage vénitien avec sa mère pour presque effacer totalement de sa mémoire le souvenir d'Albertine. Et finalement dans ses souvenirs elle est grosse et moche.
Comment peut-on dire avoir aimé une personne pour ensuite ne plus lui trouver aucun charme ? Pour s'éviter la souffrance ?

Je n'ai pas plus apprécié le narrateur dans ce volume-ci que dans le précédent. Plus on le connaît plus ses défauts se précisent. Il est capricieux comme le gamin gâté qu'il est resté, narcissique, manipulateur et rigide. En plus de ça n'aime que les toute jeunes filles qu'il peut mieux contrôler.
Je reste par ailleurs très soupçonneuse par rapport à la scène où il ramène et paye une petite fille chez lui pour la bercer sur ses genoux.
Bref cette scène m'a conforté dans l'opinion que j'avais déjà de lui.

Une autre peine attend le narrateur. le mariage de Robert de Saint-Loup avec Gilberte Swann ( désormais Gilberte de Forcheville, celui-ci ayant adopté Gilberte à la suite de son mariage avec Odette). Robert n'a pas daigné informer son ami de ce mariage - conclu pour l'argent de Gilberte dont il peut disposer à sa guise.
Le narrateur, de surcroît bien naïf, apprend des mauvaises langues que Robert a le même vice que son père et l'oncle Charlus. Il aime les hommes. Morel est son amant. le même Morel qui fut l'amant de Charlus, d'un tas d'autres, d'Albertine aussi. Ce même Morel qui attirait auprès de lui des jeunettes dont disposait ensuite Albertine. Décidément ce Morel fait parler de lui et il a un grand succès !

Robert de Saint-Loup se désintéresse du narrateur après son mariage avec Gilberte. Il ne peut plus être ami avec lui. Est-ce à cause de sa nouvelle situation ou un peu ausssi à cause de la dernière conversation qu'ils ont eu dès son retour de Touraine, Robert ayant failli à sa mission et le narrateur ne lui cachant pas son mécontentement.

« Je suis ennuyé parce que je vois que tu n'es pas content.
– Si, je suis touché, reconnaissant de ta gentillesse, mais il me semble que tu aurais pu…
– J'ai fait de mon mieux. Un autre n'eût pu faire davantage ni même autant. Essaie d'un autre.
– Mais non, justement, si j'avais su, je ne t'aurais pas envoyé, mais ta démarche avortée m'empêche d'en faire une autre. »
Je lui faisais des reproches : il avait cherché à me rendre service et n'avait pas réussi.
( Citation du livre )

A la recherche du temps perdu, tome 6 : Albertine disparue ne fait pas partie de mes préférés. Je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur car il m'a plongée, je ne sais pourquoi dans une profonde mélancolie, peut-être à cause de la mort d''Albertine qui clôt un chapitre de l'histoire. C'est toujours triste de perdre des personnages auxquels on s'était attaché tels Albertine ou le charismatique Swann et de les voir tomber dans l'oubli.
Albertine était un personnage intéressant parce que son charme venait de son côté mystérieux. C'était une femme libre dont l'attitude était dictée par ses désirs et qui n'aurait jamais pu appartenir entièrement à un seul homme ou une seule femme.
J'en suis venue à regretter l'enchantement des premiers volumes, la douceur des nuits estivales de Balbec, la poésie dans les descriptions de Combray. J'ai eu l'impression que toute la beauté des débuts avait disparu, les épines roses défleuries à jamais remplacées par la tristesse, le chagrin, les pensées complexes et contradictoires du narrateur, la mort qui rôde, les personnages coupables de trahisons, la plupart d'entre eux n'étant pas ce qu'ils semblent être en apparence. Ils évoluent donc dans un monde de doute perpétuel.
En tout cas Marcel Proust réussit de façon magistrale à provoquer ainsi des réactions négatives ou positives de ses lecteurs.

Les dernières pages voient le narrateur en séjour avec Gilberte à Tansonville. le charme est rompu, il est déçu de ne pas éprouver plus de plaisir dans ces chemins empruntés plus d'une fois dans son enfance. N'étant pas profondément enfoui dans sa mémoire, le souvenir ne pouvait donc ressurgir et lui provoquer le même plaisir comme celui éprouvé après la madeleine trempée dans le thé. Sans compter que les souvenirs peuvent changer, disparaître ou se raviver.

" Et la troisième fois fut quand Gilberte me dit : « Si vous voulez, nous pourrons tout de même sortir un après-midi et nous pourrons aller à Guermantes, en prenant par Méséglise, c'est la plus jolie façon », – phrase qui, en bouleversant toutes les idées de mon enfance, m'apprit que les deux côtés n'étaient pas aussi inconciliables que j'avais cru. Mais ce qui me frappa le plus, ce fut combien peu, pendant ce séjour, je revécus mes années d'autrefois, désirai peu revoir Combray, trouvai mince et laide la Vivonne."
( Citation du livre )

Gilberte lui confie alors pourquoi elle avait eu, pour attirer son attention, un geste grossier qu'il avait mal interprété dans son enfance. Chose qui lui donnera matière à fantasmer à propos du donjon et des souterrains de Roussainville, de toutes ces choses qu'il a raté par incompréhension.

Avant-dernier volume terminé avec un peu de mal à réaliser que dans ce qui pourrait ressembler à l'ascension d'un sommet, j'en suis arrivée à l'étape de la redescente sans avoir rencontré de difficultés ni d'épuisement... mais que d'émotions !

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