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Critique de Antyryia



Romain, Romain, Romain ...
Suite à notre échange en mp je modifie mon introduction précédente qui était peu agréable à cause d'un blocage que j'avais fait sur la conclusion de votre roman que je ne parvenais pas à m'expliquer. Je l'avais apprécié de bout en bout et je ne savais plus qu'en penser jusqu'à votre intervention salvatrice.
Désormais je peux vous le confirmer, quel que soit l'angle sous lequel on se place la petite surprise qui attend les lecteurs en fin de roman est réellement divertissante.
Merci beaucoup.

Les Sauveurs.
Si vous êtes familier des séries télévisées post-apocalyptiques, ce nom devrait vous rappeler celui d'une bande de joyeux lurons dans The Walking dead, ces humains dirigés par Negan qui offrent leur protection aux différents groupes de survivants. En échange de fournitures, d'armes et de provisions. Un marché pas du tout équitable qui s'apparente à du chantage et à du pillage.
Des Sauveurs, il y en a également dans ce roman de Romain Puértolas, une communauté qui s'est établie à Saint-Sauveur, en Arizona. Si vous regardez une carte des USA, vous trouverez cette commune à équidistance de Tucson et de Nogales, à la frontière mexicaine. Si du moins elle existait. Qui ne dépouille personne si ce ne sont ses adeptes, comme toute secte qui se respecte. Et qui vit presque en totale autarcie, derrière les murailles qui les séparent des résidents d'une petite ville jusqu'alors sans histoires.
Pas de Negan ni de batte barbelée prénommée Lucille à la tête des Sauveurs ici mais Jésus Christ lui-même, du moins c'est ainsi que se présente le charismatique Emilio Ortega, gourou et prophète.
"La ville était désormais divisée en deux pour qui il n'était qu'un fou ou un charlatan et ceux qui le croyaient."
Son second, l'apôtre Darius Petersson, ancien criminel, immigré suédois, est probablement l'homme le plus détestable du roman.
Et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à une autre série, Hell on Wheels, racontant la construction de la première ligne de chemin de fer transcontinentale, dans les années 1865-1869, au lendemain de la guerre de sécession. Et dans ces épisodes empruntant tant à L Histoire qu'au western il y avait un personnage tout à fait exécrable, Thor Gundersen, de ceux qu'on adore détester. Il était de mémoire immigré norvégien mais tout le monde le surnommait "Le Suédois."

Les ravissantes se déroule quant à lui il y a presque un demi-siècle, en mars et avril 1976.
J'avais alors trois mois et demi, malgré tout ça ne me rajeunit pas. Enfin je suis tout de même cinq jours plus jeune que l'auteur.
Un Romain Puértolas de retour avec un roman au style méconnaissable.
Après de premiers romans à l'humour totalement barge, l'écrivain s'est progressivement assagi et ses deux premiers livres parus chez Albin Michel - La police des fleurs, des arbres et des forêts et Sous le parapluie d'Adélaïde ( indépendants mais formant un diptyque à mes yeux ) - étaient des romans qu'on pourrait qualifier de policiers, avec un mystère assez cocasse à résoudre.
Cette fois il a gardé l'enquête et le mystère sous couvert de littérature générale, continuant à proposer au lecteur de faire fonctionner ses petites cellules grises. Il parvient ( presque ) à garder son sérieux de bout en bout et en profite pour dresser des portraits de personnages féminins forts en nous transportant à une époque pas si lointaine, soignant particulièrement l'ambiance.
"Voilà pourquoi ils devraient tous comprendre aujourd'hui qu'elles n'abandonneraient pas, qu'une femme qui s'est levée ne se remet jamais à genoux."

Trois adolescents aux profils différents se font successivement enlever : Un fan de jeux d'arcades et de bandes dessinées, une jeune femme passant des heures à étudier à la bibliothèque après les cours et un scout ...
La police, dirigée par le shérif Liam Golden, entreprend des fouilles approfondies mais infructueuses. le temps passe, il n'y a aucune demande de rançon, et les chances de retrouver les enfants en vie s'amenuisent.
"L'enlèvement d'un enfant avait déjà une répercussion médiatique immense, l'enlèvement de trois était tout bonnement ingérable. Comme si cette ville ou cette montagne les dévorait tel un monstre affamé."
Aucun indice, parmi tous ceux que l'auteur distille à l'intention des forces de l'ordre ou du lecteur, ne les mène vers la secte. Mais pour la communauté regroupée autour des parents éplorés le doute n'est pas permis. Rien ne va plus à Saint-Sauveur depuis l'installation toute proche des Sauveurs et de leurs adeptes. Ces illuminés qui croient être sauvés de la fin du monde toute proche sont en majorité des hippies, des toxicomanes, d'anciens criminels. Autant de suspects peu reluisants et qu'il ne fait pas bon rencontrer la nuit.
"Rappelez-vous comment était notre ville avant. Un havre de paix, le paradis sur terre ! "

Est-ce encore le shérif qui fait la loi quand tous les habitants de sa ville pointent la forteresse du doigt en lui faisant comprendre que c'est dans cette fourmilière qu'il doit creuser, que tout le reste n'est que fausses pistes et temps perdu ?
Alors la secte : coupable ou bouc-émissaire ?
Quand en plus de l'enlèvement de trois enfants il doit gérer une insurrection de sa commune qui lui dit comment exercer ses fonctions.
"Elles criaient tout haut ce que tous avaient toujours pensé chez eux tout bas. La révolution était en marche et rien ne pourrait plus l'arrêter."
"Quand leur laisseraient-elles faire son travail pour intervenir ?"
Quelle piste faut-il privilégier quand une population entière a décidé de l'identité du coupable, que les quelques éléments de l'enquête ne vont pas tous en ce sens et que le maire souhaite quant à lui qu'on laisse tranquilles ces Sauveurs ?

Et puis la vérité est peut-être ailleurs, Roswell ( connue pour ses petits hommes verts ) se situe en l'occurence dans l'Etat voisin, à savoir le Nouveau Mexique.
"Y a des trucs louches qui volent dans le ciel. P'têt ben des ovnis !"
Un enlèvement par de petits hommes verts est-il envisageable ?
En tout cas Romain Puértolas n'hésite pas à inclure quelques éléments d'ordre surnaturel ou biblique pour semer le désarroi et enrichir les possibilités.
Emilio Ortega, grand manitou des Sauveurs, est-il véritablement l'incarnation du Christ ? Ou un nouveau Charles Manson qui se fait passer pour tel.
"Il a même dit que c'étaient des étoiles qui guidaient les âmes soeurs vers sa Communauté, comme l'étoile de Bethléem a guidé les Rois mages vers le Christ."
Une voyante spécialisée en numérologie viendra également ajouter une part de mystère - ou de charlatanisme.
Le roman lui-même s'ouvre sur un paysage d'apocalypse avec des voitures accidentées qui sont comme tombées du ciel sur les route voisines de Saint-Sauveur, en proie aux flammes.
Et puis il est fait une allusion au joueur de flûte de Hamelin, conte des frères Grimm basé sur des faits réels.

J'ai apprécié également les petites touches culturelles, toujours bien amenées. Beaucoup pour nous ancrer dans l'époque des faits, la mentalité, et la géographie des lieux, mais d'autres plus générales, amusantes, instructives.
"Des enfants avaient bel et bien disparu le 26 juin 1284, à Hamelin."
J'ai enfin eu une explication rationnelle sur la façon dont le lac de Tanis ( mais pas la mer rouge ) aurait pu s'ouvrir devant Moïse : "Des vents de cent kilomètres par heure qui ont soufflé pendant douze heures ont creusé les eaux sur deux mètres de profondeur et ont créé un passage qui est resté exposé pendant quatre heures, suffisamment pour permettre aux hébreux de traverser."
Et puis j'ignorais qu'une commune s'appelait Truth or consequences au Nouveau Mexique. Anciennement baptisé Hot Springs, elle changera de nom en 1949 pour celui d'une émission de radio qu'elle accueillera.
- Tu vas où en vacances cet été ?
- Dans une station balnéaire, La valise RTL, et vous ?
- Nous on va dans le Jura, à Stop ou Encore. On en profitera pour visiter le château des Grosses têtes, juste à côté.
Ca fait bizarre non ?
Ils sont fous ces Américains.

Voilà donc une liste non exhaustive des qualités inhérentes au roman. Les ravissantes est mystérieux, féministe, engagé, rythmé, intéressant. L'aspect policier est bien fait, et entre les fausses pistes et les éléments demandant l'attention du lecteur, on peut quand même se laisser balader assez longtemps. Je n'ai pour ma part deviné avec certitude que quelques pages avant les révélations finales. le livre est bien construit également puisqu'il commence par la fin, avec l'interview d'une personne emprisonnée, coupable, pour créer une mise en abîme originale et la création du livre qu'on tient entre les mains.
Et puis le titre est vraiment charmant, n'est-ce pas ?

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