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Critique de SabiSab28


Qu'il est difficile de parler de son père ! Encore plus lorsque celui-ci à tendance à vous humilier, vous renier ... Je dis tendance parce qu'il y a tout de même un jeu de va-et-vient entre eux deux, notamment après le décès de la maman, qui est au coeur du conflit.
Yann Queffelec a décidé de parler de l'amour pour son père, après avoir évoqué celui de sa mère et celui de la Bretagne. La gestation a été plus longue parce que ambivalente, comme il l'explique dans son avant-propos (qui est un des plus abouti que j'ai lu, soit dit en passant ...) :

"Au tournant du siècle dernier, j'eus envie d'écrire un bouquin sur Henri Queffelec, l'auteur de mes jours disparu le 13 janvier 1992. Un hommage? Oui et non. Un portrait-robot mêlant père et fils sur fond de brouhaha familial pas toujours de bon aloi. Je dus renoncer après quelques paragraphes à hue et à dia. Comme disait Gertrude Stein : si je possédais le sirop, il refusait de couler. de plus, j'ignorais quel était mon héros : "mon père" ou "papa" ? Incapable de choisir entre les deux sosies, craignant le syndrome de Buridan, je renvoyai cette écriture à d'autres calendes. On n'est jamais déçu, avec l'écriture. Quand elle a faim, elle ne cesse de vous mordiller comme un chiot rageur, de japper sur la page : écris-moi ! écris-moi ! Repoussez-la, elle va faire un tour et revient avec un appétit redoublé. Elle est revenue ces jours-ci, pour ne rien vous cacher, elle s'en fiche désormais qu'on l'appelle "mon père" ou "papa". C'est juste qu'elle n'en peut plus d'avoir faim. C'est elle ou moi."

Ce besoin d'écrire sur son père était aussi vital que celui d'être aimé par lui. Ainsi, toute sa vie, il a cherché à l'impressionner pour qu'il le regarde. C'est ce qui dur, tout au long de ce livre, de voir cette demande de reconnaissance qui n'aboutit pas (ou si peu). Dans le regard (qui hante toujours l'auteur), les gestes, il recherchait cet amour. Alors, il ira sur son terrain, il fera écrivain comme lui, mais, il n'en fallait pas plus pour aiguiser encore plus la jalousie de son père. Parce que bien sur, il recherche la reconnaissance de son père mais surtout il veut impressionner sa mère, on reste dans un rapport très oedipien jusqu'au décès de cette mère adulée, adorée, partagée.

Et après ? après, les rapports sont difficiles : Yann part sur les mers, où les rapports sont tout aussi tumultueux mais là, c'est lui qui tient les rênes, enfin le gouvernail plutôt ... jusqu'à la révélation : il doit assouvir sa seconde passion, l'écriture.

2ème livre : "Les noces barbares", succès, prix Goncourt, le Graal de l'écrivain ! Avec ça, il va être fier le papa ... et encore râté ! Ni content, ni furieux ... la pire des réactions : l'ignorance

"- Papa ?... Tu ne vas pas y croire, papa.
- Je sais, la femme de ménage m'a prévenu.
- Je viens d'acheter un poisson rouge.
- ...
- En fait, papa, c'est moi qui ai le prix Goncourt cette année.
- J'ai du boulot, p'tit vieux, raccroche."

Il y aura séparation puis réconciliation et entente cordiale ...

Encore une fois, Yann Queffélec a fait un très beau roman, une biographie, qui se termine par le CV de son père (original !). On ressent les émotions face au père, à la mère (même si elle est moins présente dans ce livre), à la Bretagne et à la mer, avec une plume toujours si riche de vocabulaire, de référence et d'humour ; humour grinçant qu'on lui connait bien.

Je dirais pour terminer et qui ressort de cette lecture : chacun aime à sa manière, on voudrait avoir toujours plus de preuves d'attention, d'amour de ses parents, mais lorsqu'on a grandit "à la bretonne", qu'il est difficile de communiquer avec le coeur !
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