Non seulement l'intelligence dans une foule résolue ne s'additionne pas, mais je pense même qu'elle se divise.
- Pourquoi vous êtes là, alors ?
- Pour tuer des Boches. Pour les buter les uns après les autres jusqu'à satiété, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils se décident à retourner dans leur pays de merde. Les Allemands sont bien les agresseurs, n'est ce pas ? (...) avec la foi en notre patrie et avec l'aide de Dieu, nous finirons par leur botter le cul et les renvoyer d'où ils viennent (...).
- Les gars d'en face pensent aussi que Dieu est avec eux, à ce qu'on dit. Ce Dieu vraiment, c'est une vraie girouette, et on lui fait dire ce qu'on a envie.
Le respect ne se force pas, il se gagne.
On peut forcer l'obéissance des actes, mais on ne peut pas forcer l'obéissance du cœur, il faut en faire notre deuil. Soyons honnêtes un instant : quand notre paternel nous administrait une correction mémorable, fût-elle bien méritée, même si nous courbions l'échine sous les coups de badine, que nous disait notre cœur en cet instant ? De la contrition ? Du regret ? De la reconnaissance ? ... Ou de la haine ? De la défiance ? De l'envie de recommencer à la première occasion, mais sans se faire attraper cette fois, bien sûr, parce que entretemps on serait devenu plus malin, par pur esprit revanchard ? La vérité, c'est que les coups de trique ne nous amendent pas. Tout au plus, ils nous laissent un souvenir cuisant et la trouille d'en ramasser de nouveaux.
Rossinante était bien disposé, ce jour là. Cognard le sentit entre ses cuisses. Dieu que ce cheval pouvait être soupe au lait. Mais il ne lui en voulait pas. Quand il voyait les fantassins râler avant de remonter leur maudit sac à dos sur les épaules, il les comprenait, alors il n'avait aucune raison de ne pas comprendre qu'un cheval pût ne pas avoir envie de porter un humain. C'était contre nature à vrai dire. Le plus étonnant, c'était que les autres chevaux s'exécutassent sans rien dire et fussent d'humeur presque égale.
« Il le voyait à présent: la guerre n’avait rien d’une aventure .
C’était une routine sale et avilissante , malheureusement mortelle pour beaucoup, mais une routine malgré tout » ….
« Ils n’avaient pas fière allure , les Bretons, de la Première Section, 2ème compagnie, du 62e régiment d’infanterie de Lorient .
Dépenaillés, emmitouflés, dans des écharpes , des passe- montagnes, des mitaines , quelques peaux de mouton et toutes sortes de nippes improbables à l’orthodoxie militaire douteuse , ils offraient même un spectacle plutôt bigarré » ..
« Le soldat breton au cœur fort et généreux ne demeura pas inférieur à sa réputation » .
Pierre - Louis Esvelin , maire de Lorient , le 20 juillet 1919 .
Léon admira cette tendresse fraternelle et comprit l'attachement des hommes pour leur petit greffier. Lui était viscéralement incapable de ce genre de démonstration d'affection et il savait que ce n'était pas une question de grade. Cela ne l'empêchait pas de ressentir ces choses, mais elles restaient enfermées en vase clos à l'intérieur de lui et ne pouvaient se traduire en gestes. P. 270
- Allons mon ami, ne faites pas cette tête ! Je n'ai quasiment pas de famille et je suis célibataire, quelle mauvaise nouvelle espérez-vous m'apprendre ?