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Critique de JustAWord


Alors que son précédent roman - Les rêves qui nous restent - vient de paraître au format poche aux éditions Pocket, le Chilien Boris Quercia poursuit son exploration science-fictive chez Asphalte avec Les Derniers Maillons. Il y explore cette fois les rouages d'un futur cyberpunk à l'aune d'une révolution humaine et technologique, le tout dans une traduction aux petits oignons signée Gilles Marie
Place à la révolte !

Le monde n'est plus le même, il bruisse de colère et d'espoir.
Boris Quercia imagine une société autoritaire forgée dans le creuset de la guerre et qui perdure grâce à la poigner de fer de l'Alliance des États Associés. Pourtant, des cendres de la liberté d'hier, des braises rougeoient. 
Grâce au NEURON, un réseau virtuel clandestin qui s'étend désormais à travers toutes les strates de la société, des dissidents rêvent de renverser le pouvoir en place et de construire autre chose, de plus beau, de plus fort.
Victor, l'un des plus fervents et influents Neuronistes, doit transporter un cube de données abritant le serveur principal du NEURON afin de le confier à d'autres partisans. Malheureusement, tout dérape et Victor se fait prendre. Il découvre alors que Nivia, sa petite amie, l'a trahi, qu'elle était du côté du gouvernement et des puissants. Pris au piège, il espère encore que Raul, commandant des Neuronistes, négocie sa libération. Un espoir fou.
Mais une chose étrange se produit : aucun des geôliers ne s'empare du cube. Personne ne semble le voir alors qu'il est là, au creux de sa main…
Dans ce futur incertain, l'auteur Chilien convoque les peurs classiques de la dystopie (un état omniscient et intrusif, des services de sécurité impitoyables, l'étouffement des libertés individuelles…) pour les accommoder à la sauce ultra-technologique. 
En somme, un beau cocktail cyberpunk où des marginaux tentent de renverser un gouvernement totalitaire. Oubliant pour un temps les implications technologiques de sa révolution, Boris Quercia adopte une approche plus inattendue en filant la métaphore sociale et religieuse. 

On découvre en effet assez rapidement que le NEURON est l'objet d'une quasi-vénération de la part de ses partisans. La technologie, aussi ébahissante soit-elle, devient un acte de foi, un culte secret de plus en plus encombrant. Que ce soit dans le discours de son dirigeant ou par le martyre de Victor, tout concourt à rendre la croyance plus forte que la science. 
Boris Quercia regarde ce nouvel horizon avec malice, constatant avec froideur que l'homme reste incorrigible, préférant la croyance et la vénération à la raison. 
Comme un miroir déformant, le NEURON montre une société qui n'est qu'un éternel recommencement. Avec cette révolution à la Volodine qui ne fait que rejouer la même partition, une partition vouée à l'échec et au Bis repetita, comme si les lendemains n'étaient que des mirages pour l'homme en quête de jours meilleurs. 
Si le gouvernement en place s'avère aussi autoritaire que sanguinaire, Raul, le prophète du NEURON, ne prévoit pas autre chose pour son propre règne. Ce qui touche vraiment dans l'univers imaginé par Boris Quercia, c'est sa capacité remarquable à humaniser ses personnages par petites touches, transformant notamment Nivia, son Judas de service, en une autre victime de la guerre et de la foi. 
Au sein de cette relecture « christique » de la figure du hacker, le Chilien observe l'amour et la peine des proches du martyr, de la mère désespérée à l'amoureuse éplorée. Ainsi, Les Derniers Maillons explose son carcan science-fictif pour mettre à nu nos craintes et nos espoirs, cherchant au coeur des ténèbres la mince lueur fusionnelle d'un amour privé de corps, comme un pied-de-nez envers une humanité condamnée à errer encore et encore, trompée par le pouvoir et la foi jusqu'à la fin de temps. 

Les Derniers Maillons subvertit le genre cyberpunk pour nous convier au martyr et à la révélation. Boris Quercia imagine des êtres dévorés par le désir, le fantasme et la passion, des personnages cruellement humains consumés par leur destin ou par leur passé alors que le monde autour s'écroule pour se reconstruire encore et encore…et encore… mais pourquoi ?
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