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Isabel Siklodi (Traducteur)Marie Gilles (Traducteur)
EAN : 9782266329729
208 pages
Pocket (11/05/2023)
3.8/5   75 notes
Résumé :
Natalio est un classe 5, les flics les plus méprisés de la City, chargés d’éliminer discrètement les dissidents. Suite à un accident, il doit se procurer un nouvel « électroquant », robot d’apparence plus ou moins humaine qui lui sert d’assistant. Fauché, il se rabat sur un vieux modèle bas de gamme qui se distingue rapidement par l’inquiétante étrangeté de ses expressions et de ses réactions. Mais Natalio n’a pas le temps de s’interroger sur ces anomalies : il a un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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Acteur, réalisateur, scénariste et…romancier ! le Chilien Boris Quercia a plus d'une corde à son arc et c'est peu de le dire !
Davantage connu pour ses récits policiers — notamment avec grâce à sa trilogie Santiago Quiñones récompensée par le Grand Prix de Littérature policière en 2016, excusez du peu — Boris Quercia nous revient aux éditions Asphalte avec un roman de science-fiction quelque part entre Blade Runner et I,Robot dans un univers dystopique qui fait froid dans le dos.
Les rêves qui nous restent, traduit par la regrettée Isabel Siklodi et par son compagnon Gilles Marie, risque bien de faire parler de lui pour cette rentrée littéraire…

La City et le reste du monde
Dans un futur indéterminé, Natalio, un flic de classe 5 (un « sale clébard » qui fait le sale boulot pour museler les dissidents s'attaquant au pouvoir) se retrouve mêlé à une sombre histoire d'usurpation d'identité au sein d'une des méga-corporations de la City, cette ville gargantuesque où réside l'élite et ceux qui les protègent bien à l'abri de la vieille ville au-dehors et de sa misère.
Durement marqué par les évènements d'Oslo qui ont laissé une trace indélébile dans la société ultra-technologique de la City, Natalio se balade avec un « électroquant », sorte d'androïde de compagnie censé ressembler à son propriétaire et l'aider dans la vie de tous les jours. Un assistant de vie 3.0 en somme qui se met à agir bizarrement alors que Natalio s'enfonce dans les rouages grippés d'une société inégalitaire et devenue dépendante de la technologie. Pendant ce temps, la colère gronde dans la vieille ville et le peuple menace de se soulever une nouvelle fois…
On retrouve dans Les rêves qui nous restent pas mal d'éléments classiques des futurs dystopiques de la science-fiction classique avec un gouvernement totalitaire, l'oppression des clases aisées à l'encontre des travailleurs pauvres et démunis, des méga-corporations toutes puissantes et, bien sûr, un vent de révolte.
Roman social autant que politique, Les rêves qui nous restent vaut d'abord pour sa description tout en nuances de gris d'une société où chacun joue son rôle, où le syndicaliste crache sur le corporatiste mais se satisfait pleinement de la situation, où les forces en présence utilisent l'autre à leur guise pour accaparer le pouvoir. Boris Quercia se révèle particulièrement lucide, ne donne le beau rôle à aucun parti et s'interroge sur l'éternel recommencement de l'oppression, où l'opprimé d'hier devient vite le dictateur de demain.
Pour autant, le roman n'a pas que cette carte à jouer.

Votre santé de demain
Alors que le recueil Demain, la Santé échouait totalement à imaginer une médecine de demain avec des enjeux scientifiques pourtant évidents, Boris Quercia nous livre une vision terrifiante de notre santé à l'ère de la technologie de pointe. Les maladies sont résolues à partir de votre code génétique et les médicaments fabriqués sur mesure par des ordinateurs quantiques ultraperfectionnés. Seulement voilà, qu'arrive-t-il si l'un de ces ordinateurs déraille et transforme une partie de la population en psychopathes paranoïaques ? Boris Quercia parle non seulement de l'évolution de le technologie médicale mais aussi de l'influence des organismes privés sur la prise en charge de malades ordinairement délaissées : les patients psychiatriques. Médecine à deux vitesses, difficulté de vivre près d'un proche qui a perdu les pédales, acceptation sociale de la pathologie psychiatrique, le Chilien surprend et donne ainsi de l'épaisseur à son personnage principal, archétype du flic blasé qui n'a plus foi en rien. Natalio reprend un visage humain à travers ses blessures passées et l'histoire tragique de sa femme, Uma. L'autre élément important de cette société science-fictive, c'est le rôle des automates appelés électroquants, employés à tout va dans le soin de la personne âgé démente victime de la solitude ou des patients psychiatriques lourds mis au ban de la société (un peu dans la même idée que le texte Aujourd'hui je suis Paul de Martin L. Shoemaker). Rapidement, on comprend que le roman n'est qu'un prétexte pour parler des démons intimes de son héros, Natalio, et que l'enquête va rapidement dévier sur l'émergence d'une véritable conscience au sein des machines et son influence sur la société.

La machine consciente
L'électroquant de Natalio va finir par avoir ses propres chapitres et à s'exprimer par lui-même, devenant au fil des pages un individu à part entière par un concours de circonstances influencé directement par l'état social de la City. Même si, en soi, l'émergence d'une conscience chez un être artificiel est un thème archi-rebattu de la science-fiction, Boris Quercia s'en tire plutôt bien en tissant un véritable lien intime et émouvant entre Natalio et son électroquant, assumant le rôle de double artificiel qui subit lui aussi les affres du doute dans une société broyant l'individu et sa capacité à rêver, à espérer.
Plus précisément, c'est notre dépendance à la technologie et son rôle central dans nos sociétés qu'étudie Boris Quercia, comment l'omniprésence de la robotique, du quantique et du reste va finalement devenir un paramètre vital pour la pérennité d'une société humaine.
Comment cette technologie et l'avènement d'une conscience artificielle va-t-elle influer sur les rapports de force sociaux ? Une société meilleure n'est-elle pas une société plus humaine ? Pas forcément pour le Chilien qui semble ici condamner l'attitude humaine bassement égoïste d'un monde où le gratuit devient le cheval de Troie de la manipulation et de l'extorsion, où l'on fuit la réalité au sein d'une société appelée « Rêves Différents » qui vampirise nos rêves pour en faire profiter des ultra-riches obsédés par la vie éternelle et se fichent bien des pauvres compilateurs crevant à l'extérieur dans la misère.
Une société meilleure ne serait-elle pas finalement moins humaine ?
Voilà toute la question posée par ce roman court et addictif qui, s'il ne révolutionne nullement le genre, offre d'intéressantes réflexions sur nos sociétés rongées par le capitalisme et dépendantes d'une technologie de plus en plus envahissante.

Le mélange policier/science-fictif du roman de Boris Quercia ne peut faire oublier le message finalement très actuel et la réflexion sur nos sociétés fracturées entre pauvres et riches où les affrontements semblent souvent bien superficiels politiquement parlant. Les rêves qui nous restent ne se fait aucune illusion sur l'être humain et suit les différentes chutes de Natalio pour mieux se relever dans un monde en pleine mutation, convoquant des larmes dans la pluie et des espoirs fragiles d'un même geste rageur et salvateur.
Lien : https://justaword.fr/les-r%C..
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🦾Chronique🦾

« J'ai envie de me débrancher comme mon tronquo et de fermer les yeux jusqu'à la fin de l'orage. Jusqu'à la fin de tous les orages. »

Il pleut. Je pourrai fermer les yeux, mais la douleur est là. Peut-être que si j'étais dans la City, ils me soulageraient mais je tiens trop à mes rêves. J'en suis là, au coeur de l'orage, à réfléchir à ce qui fait notre humanité et ce qui nous tient debout, quand d'autres décident un repos artificiel. Je pense à tous ceux qui profitent de la détresse des gens pour s'enrichir et aux pièges ardents de la gratuité. Je doute des avancées technologiques et de l'espoir à venir…
Parce que si j'étais dans la City, il est fort probable que je me verrai aux côtés de la militante Adeline, car il me paraît révoltant de se faire voler ses rêves aussi insidieusement…
J'imagine que Natalio ne serait pas mon ami dans cet espace post-apocalyptique sombre et inquiétant, puisqu'il nettoie la ville des dissidents, et pourtant, dans cette enquête, force est de constater qu'il se révèle un flic redoutable quand il se met en chasse de la vérité…Et il y a Alexio. Son electroquant aux anomalies étranges, qui lui apporte une aide précieuse. Quoique...Je me suis attachée à ce duo singulier humain/machine, parce qu'ils sont tous les deux, à leurs manières, en marge. Défaillants mais bienveillants. Rejetés mais utiles. Et ensemble, ils forment une synergie qui nous donne à réfléchir sur nos identités, nos souvenirs, nos doutes et nos douleurs, les actions qui en résultent et leurs conséquences…
En deux cents pages, on plonge dans un autre monde terrifiant. Les rêves qui nous restent ne sont plus seulement monnayables mais dilués dans le ventre d'une machine toujours plus affamée…Les rêves qui nous restent sont si dérisoires quand on y perd la santé mentale. Les rêves qui nous restent seront-ils assez puissants pour contrer la résignation?
De quoi sont fait nos rêves et quels sont ceux qui nous restent en plein chaos?
Je peux ouvrir les yeux, le cauchemar est terminé et la douleur, toujours là. Je débranche avec le réseau, après avoir laissé ce fichier, et vais de ce pas, reconquérir ce qu'il reste de mes rêves!
J'ai lu et adoré ce roman de science-fiction!
Lien : https://fairystelphique.word..
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Dans la City à la fois triomphante et déglinguée, entre toujours davantage de marchandisation du vivant et de dépendance risquée aux machines, un polar science-fictif bien noir et extrêmement stimulant.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/11/24/note-de-lecture-les-reves-qui-nous-restent-boris-quercia/

Natalio est un enquêteur classe 5, tout en bas de la hiérarchie de la police uberisée de la City. Vivant au jour le jour, complétant les trop rares missions officielles dont dépend son salaire quotidien par quelques affaires officieuses mieux rémunérées mais souvent louches et dangereuses, il parcourt la ville en compagnie de son assistant robotisé, d'aussi basse extraction que lui, finances déficientes obligent, entre chasse aux dissidents dont les attentats terroristes nuisent décidément au bien-être commun, pression des exclus de la City dont l'abondante présence tout juste tolérée pour maintenir discrètement la pression sur les salaires, bas-fonds interlopes où s'entrecroisent tous les trafics imaginables et même d'autres, et entreprises ultra-high-tech en quête d'ultimes territoires à marchandiser au profit des happy few et de leurs affiliés. Conduire une véritable enquête dans ces conditions hautement dégradées n'est pas de tout repos, mais Natalio, sous ses aspects peu engageants, est un redoutable limier, expérimenté et intelligent (ses quelques souvenirs de sa vie d'avant les événements d'Oslo, ce jour maudit il y a quelques années lors duquel les machines, prises de folie du fait d'un vice caché généralisé de leur programmation, se révélèrent brutalement dans toute leur tragique létalité, avant d'être arrêtées et à nouveau contrôlées, en attesteront au fil du récit) : peut-être va-t-il découvrir quelques faits et corrélations qu'il n'était censé ni découvrir ni établir…

Avec ce « Les rêves qui nous restent » publié en octobre 2021 aux éditions Asphalte (l'édition « originale » chilienne ne verra le jour qu'en 2022), traduit par Isabel Siklodi et Gilles Marie, le romancier et cinéaste Boris Quercia réussit un véritable tour de force, en transposant sa science pointue des atmosphères et des rythmes du roman noir bien poisseux, parfaitement rodé dans sa trilogie Santiago Quiñones (« Les rues de Santiago » en 2010, « Tant de chiens » en 2015 et « La légende de Santiago » en 2018), dans un univers de futur proche dystopique en diable, jouant de motifs distordus faussement familiers, à la « Blade Runner » ou à la « Brazil », pour mettre en scène un ordo-libéralisme totalement déglingué, dont le stade terminal de déréliction demeure animé de soubresauts dévastateurs. Comme si le monde avait plus que prévu muté doucement en société d'intérim et de combine, sous les bannières clinquantes d'un progrès technologique désormais handicapé, s'incarnant en avatars tels que Buda, empereur du crime organisé aux allures de prophète, déjà, de l'après, Boris Quercia mixe avec un extrême brio des motifs filmiques que l'on croit bien connus, des boucles d'avidité irrépressible et toujours conquérante (on songera peut-être au Norman Spinrad du « Temps du rêve« , par exemple), des protocoles d'émancipation involontaire qui télescopent ceux des « Machines insurrectionnelles« de Dominique Lestel ou des « Robopoïèses« d'André Ourednik, et une étrange poésie sombre nourrie d'infra-ordinaire anticipé, pour nous offrir certainement l'une des plus stimulantes dystopies littéraires de ces dernières années, alliant à merveille le charme vénéneux des meilleurs romans noirs urbains et l'apparence du désabusement et du cynisme qui provoquent paradoxalement la vraie réflexion.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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les rêves qui nous restent est un court roman, d'un peu plus de deux cents pages, écrit par Boris Quercia, qui sortira aux éditions Asphalte début octobre. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur chilien, également acteur, scénariste, réalisateur et producteur. Et donc romancier, connu pour sa trilogie policière Santiago Quiñones également publiée chez Asphalte.

Boris Quercia avec les rêves qui nous restent nous offre un polar-SF dans un futur indéterminé mais largement dystopique et inspiré entre autres des écrits de Philip K. Dick.

Dans la City, Natalio, un flic de classe 5 (ceux qui font le sale boulot, aussi haïs que méprisés) est chargé d'éliminer discrètement les dissidents. Pour sa basse besogne il est accompagné d'un électroquant, un androïde d'apparence plus ou moins humaine qui l'aide, le supplée voire le remplace à longueur de journée. A la suite d'un accident, son tronquo est devenu "inactif", il doit en trouver un autre. Sans un sou, il se retourne sur un modèle d'occasion bas de gamme dont le comportement présente rapidement des anomalies. Mais Natalio n'a pas le temps de se pencher sur le problème, une nouvelle affaire lui est confiée et des résultats rapides lui sont demandés.

Boris Quercia fait son entrée dans les sphères de l'imaginaire avec un thème très classique et assez "casse gueule" : les androïdes et leur évolution. Les références et comparaisons sont nombreuses et il est difficile d'être novateur dans le sujet. Mais l'auteur évite les écueils et les facilités en nous offrant une intrigue de haute volée et en développant un background de qualité. Il nous dépeint un futur sombre où les inégalités croissantes atteignent leur paroxysme, une civilisation au bord du chaos où l'intelligence artificielle est la pierre angulaire indispensable au bon fonctionnement de la société.

Le récit fluide, rythmé, ne laisse aucun temps mort. le binôme homme/androïde fonctionne à merveille, l'auteur apportant une bonne dose d'humour à leurs échanges. le flic dépravé au grand coeur est croqué avec justesse pendant que son pendant est dépeint avec minutie. L'évolution croisée de l'un et de l'autre est assez cocasse. Boris Quercia en profite pour nous questionner sur la conscience grâce à un parallèle homme/machine astucieux.

Plusieurs pans de l'histoire auraient mérité d'être plus développés. Les usines à rêves où se passe une partie de l'histoire nous laissent un goût d'inachevé, on aurait aimé en savoir un peu plus, tout comme sur les antagonismes entre la City et les bas-fonds de la vieille ville.

Pour conclure, les rêves qui nous restent, ne révolutionne pas le genre mais permet de passer un très bon moment. le mix polar/SF dystopique fonctionne très bien, avec comme atout principal le binôme homme/machine, sans oublier un background de qualité. Simple, efficace et diablement intelligent, ce court roman ne peut que plaire à un très large public.


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Artiste disposant de plusieurs cordes à son arc, Boris Quercia s'était jusqu'à présent fait remarquer dans le champ littéraire en signant des romans policiers. Avec Les rêves qui nous restent, il signe son entrée dans le monde de l'anticipation, sans renier pour autant ses vieilles amours, car c'est un polar à la sauce SF qui nous est proposé.

Futur indéterminé mais proche. Une société ultra-segmentée. Spatialement d'abord, entre la City et la vieille ville, séparées par une frontière devant rester étanche et contrôlée – les petites mains journalières sont tolérées. Socialement, aussi : Natalio, le personnage principal du roman, en est l'un des symboles. Il est un « classe 5 », un flic chargé du sale boulot, d'éliminer les « dissidents », chien de garde de l'ordre social. « Classe 5 », la catégorie méprisée par toutes les autres.

Boris Quercia nous plonge au coeur de l'action, avec ce héros désabusé qui ne déparerait a priori pas dans un hard-boiled classique. Sauf qu'ici, un « Électroquant » le suit en permanence – un robot, en fait, l'auteur démontrant d'ailleurs toute sa finesse dans la création des divers diminutifs ou surnoms que la population leur donne. Réappropriation et transformation par l'usage, le peuple n'a pas dit son dernier mot.

L'une des caractéristiques principales – et marquantes – de ce monde, c'est la disparition des rêves. Littéralement. En parallèle, un événement mystérieux mais majeur s'est produit dans la ville d'Oslo. En bon auteur de polar, Boris Quercia sait distiller au compte-gouttes les pièces du puzzle, et l'attente des explications vaut le coup. Surtout que d'attente il ne sera que peu question, tant les pages défilent vite – au fil de chapitres courts, l'histoire s'avère prenante. Sans pour autant être révolutionnaire, la narration alternée entre Natalio et son électroquant fonctionne bien. Boris Quercia arrive à cocher tout un tas de cases, interrogeant l'humanité par le regard d'un électroquant, sans jamais tomber dans le cliché et en apportant constamment une touche de fraîcheur.

Un mot sur la traduction… Ce livre a d'abord été publié dans sa version française. Il est dédié à la traductrice Isabel Siklodi, déjà à l'oeuvre sur deux précédents livres de l'auteur, et décédée le 6 mai 2020, après avoir participé à la première version de la traduction des Rêves qui nous restent.

Un roman qui se lit d'une traite, extrêmement plaisant et parfaitement exécuté, qui pourra séduire au-delà des frontières de chacun des genres auxquels il emprunte.

Critique parue dans le Bifrost 106
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Tandis que Buda parle, les écrans de la salle s’animent à nouveau et affichent des scènes de la vie courante, capturées par la vidéosurveillance de la City. Des carrefours, des couloirs du métro… Régulièrement, une des caméras se fixe sur quelque chose puis zoome sur des électroquants qui sont tournés vers la caméra. Buda poursuit en me regardant droit dans les yeux, semblable à ces troquants qui se savent observés :
« Certains croient que les compilateurs introduisent des fragments de codes dans les systèmes de la City, pour tromper les protocoles de contrôle. Mais si ce n’était que ça, ce serait facile à régler. Le problème est ailleurs. Les premiers codes de toutes nos machines ont été écrits il y a plus d’un siècle. Sur ces codes, on en a réécrit d’autres, et ainsi de suite. Des millions de couches de code se sont ainsi superposées, pérennisées, compactées au fil du temps. Nécessitant chaque fois moins d’espace. Il y a une infinité de fractions entre le 1 et le 2. Comme avec les couches géologiques, nous pouvons examiner nos machines et remonter très loin dans l’histoire. Nous le pouvons, mais jamais nous ne trouverons où se cache l’erreur. Car il y a une erreur dissimulée parmi tous ces codes. Personne ne sait si elle est arrivée là par hasard ou si quelqu’un l’a introduite, dans un passé lointain, malgré tous les processus de sécurité. Et on ne le saura jamais. Il n’y a aucun moyen de décompresser le tout pour faire des recherches sans revenir à un passé préélectrique chaotique. »
Alors que Buda termine sa phrase, les écrans de l’immense salle montrent toutes sortes d’aberrations et d’accidents, depuis les événements d’Oslo jusqu’à aujourd’hui. Certains sont connus de tous, mais je vois aussi, répétées en séquences rapides, de toutes petites étrangetés, des erreurs bêtes et anecdotiques. Je pense à mon troquant et à ses anomalies, que j’ai choisi d’ignorer. Buda continue à parler et son ton inchangé devient inquiétant. Je me dis que ce n’est peut-être pas Buda, mais une copie de lui-même. Un de ces électros ultrasophistiqués dont on parle mais que personne n’a jamais vu.
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Enfants, nous voulons tous devenir des super-héros. Mais quand vient la chute, il faut savoir accepter de se fracturer les genoux en tombant. Et ça ne sert à rien de pleurer, il y a toujours quelqu'un encore plus bas que toi dans la fosse et c'est lui qui recevra toute ta merde.
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Ça pourrait être pire, je pourrais être l’un de ces dissidents. La trappe sous mes pieds est une frontière. On est soit au-dessus, soit en dessous, asphyxié. Je suis sur la première ligne de front et la victoire est encore lointaine. Ce silence peut aussi être un piège. Parfois, les dissidents stockent des masques à gaz dans leurs cachettes. Plus d’un collègue, rouvrant l’une de ces trappes en pensant ne découvrir que des cadavres, s’est pris une lance bricolée dans le ventre. Je n’ai même pas mon aleka pour me défendre. J’ai dû la consigner au ministère en échange des grenades suffocantes.
Ils ne veulent pas le reconnaître, ils le démentent et ça ne figure sur aucun protocole, mais ils savent que les grenades sont la meilleure façon d’en finir rapidement avec les dissidents. Dans ces souterrains, les morts par inhalation de monoxyde de carbone sont monnaie courante, vu que le seul moyen de se chauffer, c’est de brûler les ordures. Si j’étais entré en tirant, ça se serait transformé en procédure policière en bonne et due forme, et personne n’a intérêt à ce que ces persécutions se fassent au grand jour. Mais il faut arrêter la vague d’attentats qui étrangle la City, c’est une nécessité impérieuse. Les dissidents sèment le chaos et s’en prennent aux postes-frontières des portes, qui peinent déjà à freiner les flux migratoires venant de la vieille ville. Pour le ministère, il faut se débarrasser d’eux au plus vite, quelle que soit la manière, un point c’est tout.
Le liquide refroidissant finit de s’accumuler autour de l’encadrement de la trappe, me laissant isolé sur ma petite île métallique.
Quel dommage pour mon électro, il fonctionnait bien, je m’y étais habitué, et je n’ai certainement pas assez de crédits pour me racheter le même modèle. Je vais devoir aller à Electros-Intel pour voir ce qui reste au rayon des occasions. Il ne manquerait plus que je me balade tout seul dans les rues, sans électro à mes côtés. Je ne peux pas tomber aussi bas. Même un classe 5 mérite d’avoir un électro, nous ne sommes pas encore le dernier maillon de la chaîne alimentaire de la City.
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Mon électroquant se vide de son sang.
Le liquide de refroidissement forme une grande mare autour de son corps, et de minuscules ruisseaux vaporeux s’écoulent dans les rainures des dalles de béton jusqu’à la plaque de métal sur laquelle je me tiens. C’est comme si cette humeur chaude et visqueuse, qui s’échappe de sa tête fracassée, était autonome et cherchait à s’infiltrer dans le sous-sol pour dégouliner sur les dissidents et se venger.
Tout s’est passé très vite.
Dès que l’électroquant a ouvert la trappe, les dissidents lui ont lancé une bombe magnétique artisanale qui s’est collée à sa tête. Dans ces cas-là, il n’y a plus rien à faire, on l’a tout de suite su. Il n’a même pas cherché à s’en débarrasser. Il m’a regardé et, juste avant l’explosion, il a ouvert la bouche pour me dire quelque chose, je ne sais pas si c’était un adieu ou un avertissement pour que je m’éloigne. Je me suis instinctivement jeté au sol afin de me protéger des éclats de son crâne. À présent, il ne reste plus de lui que des circuits noircis secoués d’étincelles. Quel gâchis. C’est dommage, mais il vaut mieux que ça tombe sur ton électro que sur toi.
Ma réaction a été immédiate : quelques secondes après l’explosion, sans laisser aux dissidents le temps de sortir, j’ai lancé une grenade suffocante dans le sous-sol, j’ai refermé la trappe du pied et je me suis posté dessus. Ça fait quelques minutes que je n’entends plus les cris étouffés et le bruit des ongles contre le métal. C’est le silence complet. Mais je ne bouge pas. Je ressemble à une statue sur un minuscule piédestal, je me sens même héroïque, quelque part. Mais qui érigerait une statue à la gloire d’un misérable classe 5 ?
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Pourquoi mettre la douleur sur le tapis ? S'il y a une chose que les électros ne connaissent pas, c'est bien ça. La douleur, c'est nous qui l'avons conservée. Ils nous ont pris tout le reste, à commencer par la raison, mais chacun de nous, comme si nous ramassions les dernières miettes d'un banquet auquel nous n'étions même pas conviés, a pris sa douleur, la garde depuis au fond de sa poche et la traîne toujours avec soi. (21)
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Vidéo de Boris Quercia
Les 15 et 16 juin 2019 auront lieu la 11ème édition du salon international du livre de poche Place des Marronniers à Saint-Maur-des-Fossés organisée par la librairie La Griffe Noire et la ville. Le libraire Jean-Edgar Casel vous présente quelques informations de l'édition 2019...
La Mort selon Turner de Tim Willocks et Benjamin Legrand aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/128455-nouveautes-polar-la-mort-selon-turner.html
Le Chant de l'assassin de R.J. Ellory, Claude Demanuelli aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/1004285-nouveautes-polar-le-chant-de-l-assassin.html
Seul le silence de R. J. Ellory aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/15087-poche-seul-le-silence---prix-choix-des-libraires-2010.html
Ne fais confiance à personne de Paul Cleave et Fabrice Pointeau aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/90266-romans-ne-fais-confiance-a-personne.html
Le Jour de ma mort de Jacques Expert aux éditions Sonatine https://www.lagriffenoire.com/1001084-nouveautes-polar-le-jour-de-ma-mort.html
Ragdoll de Daniel Cole et Natalie Beunat aux éditions Pocket https://www.lagriffenoire.com/104626-polar-livres-de-poche-ragdoll.html
L'Appât de Daniel Cole et Natalie Beunat aux éditions Pocket https://www.lagriffenoire.com/1002758-polar-livres-de-poche-l-appat.html
Les Rues de Santiago de Boris Quercia aux éditions Livre de Poche https://www.lagriffenoire.com/1001515-nouveautes-polar-les-rues-de-santiago.html
Je sais que tu sais de Gilly Macmillan et Séverine Quelet aux éditions Les Escales 9782365694636
Les Détectives du Yorkshire - Tome 4 : Rendez-vous avec le poison (04) de Julia Chapman, Dominique Haas aux éditions Robert Laffont https://www.lagriffenoire.com/1001249-nouveautes-polar-les-detectives-du-yorkshire---tome-4-rendez-vous-avec-le-poison---volume-04.html
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