Ni pleurs, ni pardon
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« On n'est pas sérieux quand on a 17 ans »17 ans, l'âge de tous les possibles, de toutes les insouciances.
Sauf pour notre narrateur que le père vient de déposer à Majorque avant de prendre la fuite. Nous sommes à la fin des années 60, peu après le terme de la guerre d'Algérie. Ce père, c'est « le Capitaine », l'éminence grise de « l'Organisation », la sinistre OAS.
S'en suivront pour le jeune narrateur des jours et des semaines d'attente, la prise de conscience d'une situation politique explosive en même temps qu'un ennui abyssal auprès d'une mère dépressive. Jusqu'à sa rencontre avec Esteban, un jeune de son âge qui éveillera en lui l'envie de fuir ce quotidien où il est englué, et le poussera à envisager de renier, voire de trahir ce cruel héritage et ce père source de tous leurs maux. Un dilemme douloureux qui me marquera à jamais.
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Ce premier roman m'a captivée. Encore un roman d'apprentissage me direz-vous. Et bien non. Il a ceci de particulier de nous plonger dans l'après guerre d'Algerie, et de nous dépeindre un jeune homme perdu. Un adolescent sans boussole, broyé par des enjeux qui le dépassent, sommé de prendre des décisions trop lourdes pour lui, tiraillé entre des choix cornéliens. On le suit au fil des ans, entre espoir et dérives et on se prend d'une affection immense pour ce coeur meurtri. Un jeune qui veut simplement être libre, libre de ses mouvements, de ses choix et de ses opinions, qui veut se décharger de cet héritage encombrant. La première partie du roman est un peu longue, un peu lente, à l'image de cette interminable attente à laquelle est confronté ce jeune, mais peu à peu l'intensité monte jusqu'à un final intense et bouleversant. L'écriture est sèche, nerveuse, mais il s'en dégage une mélancolie poignante qui m'a touchée en plein coeur. Terrible paradoxe entre l'elan vital de ce jeune homme et la fatalité inexorable qui semble l'accabler. Cruelle destinée pour cet homme accablé du fardeau de deux parents dont il doit se détacher pour ne pas sombrer.
Un livre qui questionne sur le poids de l'héritage familial, sur l'inévitable atavisme qui pèse sur les descendants de bourreaux, sur l'impossible anonymat, sur la brutalité de l'époque. Un roman que l'on sent très documenté et pourtant très sensible. Une très belle lecture