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Critique de JessSwann


Déjà, je tiens à dire qu'effectivement le roman mériterait un bandeau d'avertissement et/ou une autre place dans les rayons des libraires (dans la librairie de ma ville, il se trouve entre Drive et The Contract, je n'ai lu aucun de ces romans mais j'imagine qu'on est encore dans des romances type "ouhhh qu'ils sont torturés et se séparent mais au fond c'est tellement tendre entre eux". Clairement, Outrage n'est pas ce genre de roman. Donc, à l'instar de la plupart des lecteurs, je trouve qu'il n'a rien à faire dans un rayon "Dark Romance" pour moi l'appellation serait plus "DarkPornFiction" en fait (mais ça n'existe pas à ma connaissance). Et je le placerais plus à côté de Sade que de EL James ( mes excuses au Marquis)

Ceci étant, je tiens à dire que contrairement à beaucoup, je ne ferais pas une chronique différente de mes habitudes. Tout simplement parce que ce livre, aussi polémique qu'il soit, doit être à mes yeux considéré comme un autre ouvrage de fiction et je juge inutile d'alimenter le buzz en le traitant différemment.Par contre, ma chronique sera sûrement un peu plus longue que d'ordinaire car il y a des choses à dire sur cet Outrage


Je vais commencer par le plus simple : la forme (le style de l'auteure). D'un point de vue objectif, je le trouve adapté au fond. le phrasé court permet de faire des formules chocs, le langage cru va bien avec les événements décrits et certains passages sont poétiques et bien tournés (ahhh les envolées lyriques de la narratrice). le fait d'écrire à la première personne est sensé favoriser l'empathie. Donc objectivement, l'auteure a tout bon. Mais d'un point de vue subjectif, je n'ai absolument pas accroché aux phrases courtes (même si je comprends leur utilité) et les envolées lyriques/rimesques et autres paroles de chanson sorties de leur contexte m'ont prodigieusement gonflée. Visiblement, l'auteure aime s'écouter parler (je me comprends) et n'a pas peur de la surenchère qui alourdit considérablement le style. le côté première personne n'a absolument pas fonctionné sur moi, je n'ai absolument rien ressenti pour l'héroïne, ni pitié, ni dégout, ni quoi que ce soit. Et là vous allez dire "Quoi ? Comment peut-on rester de marbre face à la pédophilie, la zoophilie et le reste ?" Je ne dis pas ça. Je dis juste que la voix de l'héroïne ne m'a absolument rien fait.

Là dessus, j'en viens à ce qui a posé problème à beaucoup : le fond ! Je ne vais pas revenir sur les scènes polémiques mais bien sur la manière dont j'ai considéré l'ouvrage. Et je vais faire une peu de vulgarisation psychanalytique ... Alors en route pour la psychologie de comptoir !

Dès les premières lignes, je l'ai considéré comme un cas clinique. Et pour moi Rose est un cas clinique. Au début, c'est une fille construite dans l'inceste qui cherche à panser ses plaies chez S. Avec ça, on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle appréhende les relations comme tout le monde. La manière dont elle parle d'Alex (le Loup/L'intrus) qui réveille ses instincts les plus bas m'a fait un peu penser (attention de lui au Ça) tout comme S et la bête m'évoquent son Surmoi voire son Moi... le moment intéressant du début du roman c'est la manière dont elle évoque sa relation incestueuse avec son père, elle se présente comme consentante et en demande... En quelque sorte, une identification à l'agresseur. Rose ne parle pas de sa mère mais on la suppose absente et non digne de confiance. Et comme elle n'a pas réussit à se construire correctement, elle va se tourner vers Alex, le Loup/l'Intrus (je trouve que le choix des mots est intéressant ici ) un mec (avouons le ) puant, alcoolique et sans doute pervers narcissique. En gros, son père quoi... Donc entre S. et le Loup, elle choisit le second dans une sorte de pulsion de mort... Sur sa relation avec Alex, j'ai trouvé le tout plutôt ennuyeux, tout y est prévisible et la seule chose que j'ai trouvé intéressant c'est les moments où elle donne la parole à ce qu'elle appelle "La Bête" et qui la pousse à se sortir de cette relation (en quelque sorte une pulsion de vie pour rester dans la vulgarisation psychanalytique )... Sur le reste de leur histoire je dirai qu'elle est tout simplement minable. En revanche, j'ai trouvé intéressant le fait que les rapports sexuels avec Alex sont très douloureux (physiquement ) pour Rose : d'une certaine manière, elle revit son enfance et la blessure infligée par la relation sexuelle avec le père.

La seconde partie, celle "post Alex" on est dans le moment où l'héroïne bascule complètement dans la nymphomanie et où le sexe lui sert à combler le manque (elle dit d'ailleurs elle-même à plusieurs reprises qu'elle cherche à se remplir)... Et on comprend qu'elle s'est tellement construite autour de l'inceste initial que sans l'image du père, elle n'est plus rien. de victime, Rose devient bourreau (comme le montre à mes yeux tous les passages où elle humilie ses partenaires, la plupart du temps masculins... n'est-ce pas encore le père qu'elle cherche à blesser dans sa chair comme dans les passages de f*** f*** dans une nouvelle identification à l'agresseur sublimée ?). Réduire tout celà à du BDSM (car non, je n'oublie pas les passages où elle se retrouve en position de soumise, instants qui lui permettent de faire couler ses larmes : ce n'est pas la jouissance qu'elle cherche, c'est l'épanchement ) serait un peu trop simple. Pour moi, Rose oscille entre la petite fille désespérée et la prédatrice, la première issue des ruines qu'a laissé le père, la seconde dans un désir de revanche...) Rose méprise ses partenaires mais pas plus qu'elle ne se méprise elle-même. On est vraiment dans l'autodestruction totale...

De ce point vue, celui de la construction psychique et des dégâts causés par l'inceste, le roman est intéressant. Et les scènes de sexe, très crues servent "l'étude de cas" : en cela je trouve que c'est bien fait.

MAIS (bah oui, il y a un mais) en quoi était-ce nécessaire de faire un tel catalogue de toutes les déviances sexuelles ? J'avoue que ce dernier est complet, il n'y manque presque rien ! Hormis la nécrophilie et les snuff movies ( l'auteur me déçoit, elle aurait pu y penser lol). En quoi la scène zoophile apporte quelque chose ? Si ce n'est faire le buzz et de pousser les lecteurs à réagir ? Alors, oui l'auteure pourrait répondre que cette scène est nécessaire pour montrer l'avilissement total de Rose, son anéantissement en temps que personne. Oui... certes mais je pense qu'on avait compris sans cela. Après, aussi choquant que cela soit, ce n'est pas le premier livre qui met en mots ce genre de scène (je vous renvoie à Sade pour le plus connu). Pour être franche, j'ai déjà été confrontée à ce type de scène dans un thriller il y a quelques années (j'aimerai pouvoir vous donner la référence mais j'avoue l'avoir oublié) et ça m'avait beaucoup plus choquée alors parce que là, rien ne m'y préparait et je n'avais rien vu venir. Dans Outrage, je n'ai pas été choquée par l'existence de la scène... A vu du contenu du livre, du vocabulaire et des scènes bah c'était très prévisible. Attention, je ne suis pas en train de dire que je ne trouve pas la pratique choquante ! Je dis simplement que vu le style de l'ouvrage, c'était prévisible... Et j'ajouterai que tout ce qui est fait dans ce livre existe dans la "vraie vie" et qu'il serait hypocrite de refuser de le reconnaitre. Donc oui, on est dans une étude de cas et un catalogue des déviances sexuelles ... Ce livre n'a rien, absolument rien d'érotique ou d'excitant ( je dis ça pour les personnes qui se ruent sur les porn mom ou la dark romance), ce livre n'est rien de tout cela. Il n'est ni très bon, ni très mauvais. La seule chose qui porte à polémique pour moi c'est l'absence d'avertissement sur la couverture (on pourra dire mais il n'y en a pas sur les ouvrages de Sade, certes mais Sade est un classique, ce que je doute que ce roman devienne...) et la collection dans laquelle ce livre a été édité.

La fin donne tout de même un peu d'espoir... Je me dis que l'héroïne va passer un peu de temps au service psychiatrie et que ça l'aidera peut-être à surmonter son traumatisme initial


Ce que j'aime : le côté cas clinique, le fait de voir la descente du personnage, le symbolisme et le choix des mots (j'ai par exemple apprécié le fait que l'infirmière s'appelle S. à la fin)


Ce que j'aime moins : le côté catalogue des déviances, le mauvais classement du livre chez les libraires, le style parfois très "ohhh regardez comme je manie bien les mots de l'auteure" que je trouve pompeux. Tout le battage inutile autour de ce roman : s'il avait été classé correctement, personne n'en aurait parlé, du coup je trouve la stratégie commerciale très très limite


En bref : L'histoire d'une déconstruction qui aurait eu tout à gagner à être classée dans le bon rayon et qui frôle le catalogue non exhaustif des déviances. Intéressant à lire pour la psyché de l'héroïne et si l'on a le coeur bien accroché mais qui n'a rien d'une romance qu'elle soit dark ou pas !


Ma note


6/10
Lien : http://jessswann.blogspot.fr..
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