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Critique de AMR_La_Pirate


Encore une fois, c'est grâce à un podcast de France Culture que je ressors une tragédie classique, Bajazet de Jean Racine, de ma bibliothèque, histoire de combiner relecture et audio-lecture.

Bajazet est d'inspiration orientale ce qui est plutôt « moderne » pour l'époque bien qu'en 1672, la Turquie soit à la mode. de plus, les sources de Racine sont très récentes et véridiques, ainsi qu'il le précise dans sa préface : « M. le comte de Cézy était alors ambassadeur à Constantinople. Il fut instruit de toutes les particularités de la mort de Bajazet ; et il y a quantité́ de personnes à la cour qui se souviennent de les lui avoir entendu conter lorsqu'il fut de retour... M. le chevalier de Nantouillet est du nombre de ces personnes. Et c'est à lui que je suis redevable de cette histoire, et même du dessein que j'ai pris d'en faire une tragédie ».
L'action se passe dans les secrets du sérail. Se sentant en disgrâce, le grand vizir Acomat conspire pour que le frère d'Amurat, Bajazet, élevé dans le gynécée, devienne sultan. Il imagine une rencontre entre ce dernier et Roxane afin qu'elle tombe amoureuse de lui et qu'il accède au titre. Or, la princesse Atalide, qui lui sert d'intermédiaire, et Bajazet s'aiment en secret. Amurat donne à Roxane l'ordre de faire exécuter Bajazet dont elle s'est réellement éprise.

Cette tragédie n'est pas ma préférée de Racine ; j'avoue ne guère ressentir d'empathie pour les personnages ni d'intérêt particulier pour la trahison amoureuse et politique orchestrée par Acomat.
Les enjeux publics et privés et la succession des déclarations d'amour sont difficiles à suivre : Bajazet doit faire une déclaration publique avec l'accord de Roxane mais, pour se déclarer publiquement, Roxane exige de Bajazet un aveu plus sentimental, plus intime… La parole de Bajazet est doublement empêchée et source de péril : si le mensonge qu'il entretient par son silence lui fait horreur, il risque en se montrant sincère, de mettre en danger la vie d'Atalide.
Au troisième acte, tout est question de mauvaise interprétation des un(e)s et des autres : Acomat a cru voir les signes d'une parfaite entente entre Roxane et Bajazet et Roxane a interprété le trouble de Bajazet comme la manifestation d'un émoi amoureux tandis que la Jalousie d'Atalide va précipiter les choses quand arrive l'ordre du Sultan de faire exécuter Bajazet.

Bajazet est un drôle de héros, peu crédible : dans une civilisation orientale qui semble vouée au despotisme sanguinaire, il incarne une éthique chevaleresque qui lui a valu son enfermement au sérail, car Amurat le considérait comme un dangereux rival… Paradoxalement, je l'ai trouvé pathétique, perdu dans ses effets de galanterie, incapable de feindre et de biaiser devant Roxane.
Atalide aussi m'a prodigieusement agacée : elle ne s'est pas montrée à la hauteur du plan dans lequel elle avait un rôle à jouer. Elle avait pourtant toutes les clés en main, à la fois une certaine influence sur Roxane et tout pouvoir sur Bajazet ; mais elle a été incapable de se maîtriser, s'évanouissant au pire moment et laissant découvrir ainsi un message compromettant de son amant.
Face à eux et à leurs faiblesses, Roxane incarne la tyrannie faite femme ; elle voudrait convertir son pouvoir sur les vies en pouvoir sur les coeurs. Sa toute-puissance qu'elle tient d'Amurat, est éphémère et illusoire puisque son double-jeu sera percé à jour par le sultan qui va la manipuler et l'intégrer à sa vengeance…
Le grand vizir Acomat est le seul à rester lucide bien que ses calculs aient échoué à causes de passions amoureuses incontrôlables ; d'ailleurs, il sera le seul à tirer son épingle du jeu, ayant anticipé sa fuite avant le retour du sultan au cas où les évènements ne se seraient pas enchaîné comme prévu dans son plan.

Je retiens cependant comme clé de lecture le lieu emblématique et transgressif du sérail, symbole de l'enfermement qui illustre le pouvoir du sultan sur ses femmes, ses esclaves et ses serviteurs. C'est un espace clos et labyrinthique, où les portes sont fermées et ouvertes à la dérobée, où des chemins secrets conduisent à des endroits écartés mais où Roxane, en l'absence du sultan, règne en maitresse et où les hommes ne sont guère à leur aise.
La transgression vient de l'inhabituelle circulation masculine dans le gynécée. Depuis des mois, des messagers transitent entre Byzance, Babylone et le sérail ; les allées et venues fébriles n'épargnent pas le quartier réservé aux femmes et les appartements particuliers de la sultane.
Cependant la communication est complexe car il est impossible de se parler directement tandis que les rumeurs sont colportées et que la médiation dont est chargée Atalide est faussée par ses propres sentiments pour Bajazet.

Ces deux relectures de Bajazet ne m'ont pas convaincue… Je demeure peu captivée par cette valse-hésitation.


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