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Critique de Nastasia-B


J'ai du mal à penser de cette Iphigénie
Qu'elle brille et, mieux, qu'elle touche au génie !
Oh ! Si vous saviez ce qu'elle me bassine
La molle tragédie de notre ami Racine !
Pourquoi ? Me direz-vous. Pourquoi ? Eh bien c'est là
Qu'il me faut confesser mon dégoût des mets plats,
Gentils, conciliants, irrévocablement
Moraux, probes et droits, si lisses, franchement
Qu'ils confinent, pour moi, au telenovela !
Une tragédie ? Ça ? Non, un soap opera.
Alors, voilà un roi, le Grec Agamemnon,
Qui voudrait guerroyer, faire entendre son nom
Jusqu'aux remparts de Troie. Il rameute en ce sens
Tous les rois d'alentour, sans soucis de dépense :
Ulysse, Achille… bref tous les grands noms sont là,
Armés jusqu'aux dents et même beaucoup plus bas
Ils sont là, ils sont prêts, c'est l'heure de partir,
Mais ni vent, ni Dieux, n'y veulent consentir.
Que faudrait-il alors pour qu'ils le tolérassent ?
Immoler une fille — et pas qu'une connasse —
Il faudrait qu'elle fût fille d'un roi du même nom
Que le boss des boss et qui, bien sûr, dira non.
Mais l'oracle est formel : « C'est ça ou rien, mon pote. »
« Quoi ? s'étrangle le roi, être pire que Pol Pot ?
Je ne peux, je ne dois. Tant pis, je renonce. »
Quand Ulysse apprend ça, vite il le semonce :
« Mais, vous n'y pensez pas, mon cher Agamemnon,
Que diront Achille et les gars du même nom
Quand ils apprendront que pour sauver la pucelle
Vous pliez les genoux et faites votre selle ! »
« C'est ma fille, c'est mon sang, aussi je m'ingénie
Si je peux éviter qu'on tue Iphigénie,
Je la retiens loin d'ici et j'attends. »
« Inutile, mon cher roi, car il n'est plus temps.
En effet, c'est elle que j'aperçois ici. »
« Ah ! Diable ! Satan ! Méchante prophétie ! »
La jouvencelle endimanchée, ignorant tout,
Se réjouit en Aulis de pouvoir prendre époux.
Et quel époux, vous dis-je, rien moins qu'Achille.
Auprès du prodige, elle se sent tranquille,
Et pourtant, oui, pourtant… Elle l'a vu dans les yeux
De son père chéri : un aveu périlleux.
Elle n'ose saisir, cherche des excuses
À celui que, pourtant, les indices accusent.
Achille aussi sent bien que se prépare un loup,
Or, lui aimerait bien pouvoir tirer son coup
Avec la demoiselle, alors il interroge
Son futur beau-père : « Je pense qu'on déroge
Aux élémentaires lois du respect moral
Et c'est donc pour cela qu'auprès de vous je râle :
Pensez-vous qu'on puisse ainsi du grand Achille
User et offenser sans se faire de bile ? »
C'est tendu, je vous dis, ça sent l'hémoglobine
Et c'est là que Jeannot nous sort de son chapeau
À la brave fillette, une horrible copine,
Sur le front de laquelle flotte comme un drapeau
Où l'on lit en grosses lettres : « Vile salope »
Sortez les violons et le pathos galope…
Pour moi, beurk, mais c'est le contrat tacite
À plus ou moins toutes les bonnes tragédies :
En effet, faut que ça saigne, décapite,
Trucide, lamente, chiale et expédie.
Faut que ce soit injuste et plutôt révoltant
Faut de l'innocent, qu'on trouve ça dégoûtant
Qu'on veuille se lever, se battre nous aussi…
Alors que reste-t-il si gagnent les gentils,
Si même on épargne la maman de Bambi ?
Un jus de courge, une bouillie de salsifis…
En tout cas tout ce qui me gonfle et m'ennuie,
Rien à voir avec l'original d'Euripide :
Tous les héros ici, je les trouve insipides.
J'admets, c'est sûr, je ne suis pas hyper polie,
Je secoue l'idole et je beugle : « Remboursée ! »
Car, même en terme de langue, il me manque
Un quelque chose, et ce n'est pas la panacée
Si je la compare avec celles qui me marquent :
Point de ces envolées sublimes qui chantent
Encore à mes oreilles, ces vers qui me hantent,
Qui frappent les esprits, que dis-je, sont la vie…
Mais inutile que je vous indispose
Car vous savez que ce n'est là que mon avis
C'est-à-dire, comme toujours, pas grand-chose.
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