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sur 782 notes
J'ai du mal à penser de cette Iphigénie
Qu'elle brille et, mieux, qu'elle touche au génie !
Oh ! Si vous saviez ce qu'elle me bassine
La molle tragédie de notre ami Racine !
Pourquoi ? Me direz-vous. Pourquoi ? Eh bien c'est là
Qu'il me faut confesser mon dégoût des mets plats,
Gentils, conciliants, irrévocablement
Moraux, probes et droits, si lisses, franchement
Qu'ils confinent, pour moi, au telenovela !
Une tragédie ? Ça ? Non, un soap opera.
Alors, voilà un roi, le Grec Agamemnon,
Qui voudrait guerroyer, faire entendre son nom
Jusqu'aux remparts de Troie. Il rameute en ce sens
Tous les rois d'alentour, sans soucis de dépense :
Ulysse, Achille… bref tous les grands noms sont là,
Armés jusqu'aux dents et même beaucoup plus bas
Ils sont là, ils sont prêts, c'est l'heure de partir,
Mais ni vent, ni Dieux, n'y veulent consentir.
Que faudrait-il alors pour qu'ils le tolérassent ?
Immoler une fille — et pas qu'une connasse —
Il faudrait qu'elle fût fille d'un roi du même nom
Que le boss des boss et qui, bien sûr, dira non.
Mais l'oracle est formel : « C'est ça ou rien, mon pote. »
« Quoi ? s'étrangle le roi, être pire que Pol Pot ?
Je ne peux, je ne dois. Tant pis, je renonce. »
Quand Ulysse apprend ça, vite il le semonce :
« Mais, vous n'y pensez pas, mon cher Agamemnon,
Que diront Achille et les gars du même nom
Quand ils apprendront que pour sauver la pucelle
Vous pliez les genoux et faites votre selle ! »
« C'est ma fille, c'est mon sang, aussi je m'ingénie
Si je peux éviter qu'on tue Iphigénie,
Je la retiens loin d'ici et j'attends. »
« Inutile, mon cher roi, car il n'est plus temps.
En effet, c'est elle que j'aperçois ici. »
« Ah ! Diable ! Satan ! Méchante prophétie ! »
La jouvencelle endimanchée, ignorant tout,
Se réjouit en Aulis de pouvoir prendre époux.
Et quel époux, vous dis-je, rien moins qu'Achille.
Auprès du prodige, elle se sent tranquille,
Et pourtant, oui, pourtant… Elle l'a vu dans les yeux
De son père chéri : un aveu périlleux.
Elle n'ose saisir, cherche des excuses
À celui que, pourtant, les indices accusent.
Achille aussi sent bien que se prépare un loup,
Or, lui aimerait bien pouvoir tirer son coup
Avec la demoiselle, alors il interroge
Son futur beau-père : « Je pense qu'on déroge
Aux élémentaires lois du respect moral
Et c'est donc pour cela qu'auprès de vous je râle :
Pensez-vous qu'on puisse ainsi du grand Achille
User et offenser sans se faire de bile ? »
C'est tendu, je vous dis, ça sent l'hémoglobine
Et c'est là que Jeannot nous sort de son chapeau
À la brave fillette, une horrible copine,
Sur le front de laquelle flotte comme un drapeau
Où l'on lit en grosses lettres : « Vile salope »
Sortez les violons et le pathos galope…
Pour moi, beurk, mais c'est le contrat tacite
À plus ou moins toutes les bonnes tragédies :
En effet, faut que ça saigne, décapite,
Trucide, lamente, chiale et expédie.
Faut que ce soit injuste et plutôt révoltant
Faut de l'innocent, qu'on trouve ça dégoûtant
Qu'on veuille se lever, se battre nous aussi…
Alors que reste-t-il si gagnent les gentils,
Si même on épargne la maman de Bambi ?
Un jus de courge, une bouillie de salsifis…
En tout cas tout ce qui me gonfle et m'ennuie,
Rien à voir avec l'original d'Euripide :
Tous les héros ici, je les trouve insipides.
J'admets, c'est sûr, je ne suis pas hyper polie,
Je secoue l'idole et je beugle : « Remboursée ! »
Car, même en terme de langue, il me manque
Un quelque chose, et ce n'est pas la panacée
Si je la compare avec celles qui me marquent :
Point de ces envolées sublimes qui chantent
Encore à mes oreilles, ces vers qui me hantent,
Qui frappent les esprits, que dis-je, sont la vie…
Mais inutile que je vous indispose
Car vous savez que ce n'est là que mon avis
C'est-à-dire, comme toujours, pas grand-chose.
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Dans la littérature, il y a deux types de beautés ; la beauté d'une oeuvre inachevée (comme les Pensées de Pascal, certaines oeuvres de Mallarmé …) et la splendeur d'une oeuvre qui a atteint un achèvement absolu comme les tragédies de Racine. Sa tragédie mythologique Iphigénie est un exemple de cette perfection.

Inutile de rappeler ici l'histoire, je suppose, très connue d'Iphigénie fille d'Agamemnon et fiancée d'Achille. Ce qu'il faut surtout mentionner c'est le plaisir de cette lecture que trouve un lecteur du XXIe siècle en l'abordant.

Différents types d'amours se battent ici dans cette pièce : l'amour filial d'Iphigénie envers son père et sa soumission volontaire (comme le fils du prophète Abraham), l'amour d'Achille et son dévouement pour sa fiancée, son amour pour la gloire, l'amour passion d'Eriphile, l'amour du devoir d'Agamemnon, l'amour maternel de Clytemnestre qui affronte son mari pour sauver sa fille.

La finesse de l'élaboration des caractères fait partie de cette perfection. On se trouve devant un roi pusillanime et indécis, une fille courageuse et forte, un fiancé brave et fidèle, des conseillers pleins de ruse.

Par ailleurs, cette pièce, dont le suspense est un élément essentiel dans sa trame, nous livre un dénouement qui bouleverse tout notre horizon d'attente et qui surprend plus d'un lecteur (surtout au siècle de Racine).
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Paris , en enlevant Hélène , épouse d'un roi grec, et en la ramenant à Troie ne sait pas encore qu'il va déclencher le courroux des hommes et des Dieux.
Les Grecs , emmenés par Agamemnon, fondent sur Troie . Mais les Dieux ont stoppé les ventilos et la flotte est bloquée. Un sacrifice est demandé, la fille d'Agamemnon , Iphigénie.
En s'inspirant de l'oeuvre d'Euridipe , Racine a magnifié le personnage d'Iphigénie .Prête à donner sa vie pour son pays, renoncer à sa jeunesse , à l'amour alors qu'elle n'est qu'innocence et beauté quand les hommes s'entre déchirent , pensent pouvoir, honneur .

Il est bien sur beaucoup questions d'honneur , on ne rigole pas avec ça.
Remarquez aujourd'hui aussi, quand on se fait piquer sa femme ou son mari , ça n'engendre pas toujours que des scènes de liesses.
Les Dieux antiques ont l'air aussi retors que la conception que certains ont des Dieux actuels. Ils exagèrent quand même, il y avait sans doute moyen de mettre les ventilos en marche sans exiger le sacrifice de la fille du chef.Mais , bon , plus de pièce alors , parce qu'honnêtement le sacrifice d'un quidam n'aurait ému personne. Toutes les vies n'ont visiblement pas la même valeur.

Je ne suis toujours pas habitué au théâtre classique mais j'avoue que le rythme des vers est envoutant et m'a bercé durant ma lecture.
Je ne suis pas loin de devenir fan quand même de tous ces Grecs antiques à la destinée incroyable, engendrant des pièces "cornélienne" où l'expression avoir le choix entre la peste et le choléra prend tout son sens .
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Alors que les Grecs se préparent à attaquer les Troyens, plus une brise ne souffle. Les bateaux restent à quai et les troupes commencent à y voir un mauvais présage. Menelas est pressé de retrouver Hélène. Son frère Agamemnon ne demande qu à en découdre et Ulysse roi d Ithaque rêve de retrouver la douce Penelope.
Agamemnon consulte le devin Calchas comme il est coutume de faire. Celui ci lui révèle la terrible prédiction. Les bateaux resteront à quai tant qu Agamemnon n aura pas sacrifié aux Dieux sa fille Iphigénie, Agamemnon est torturé entre son devoir et l amour de sa fille. Il fait venir la jeune fille en prétextant d avancer ses noces avec le beau Achille.
Les intentions d Agamemnon sont révélées à la mère d Iphigénie, Clytemnestre par un serviteur. Contre toute attente la jeune fille accepte son sort pour l amour de son père.
L auteur fait intervenir une autre jeune fille, esclave ramenée par Achille et qui serait la fille cachée d Hélène.
Le texte est magnifique et m a bouleversée. Toutefois, je regrette que l auteur soit parti dans cette direction. J aurais aimé qu Agamemnon aille jusqu au bout et qu Iphigénie soit sauver par l intervention des Dieux.
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Encore une magnifique tragédie de Racine qui même à la musicalité des alexandrins un récit mythologique issu de la tradition grecque.

Agamemnon, Achille, Ulysse, Iphigénie, Clytemnestre... autant de personnages dont les noms ou les auras peuvent effrayer le lecteur d'aujourd'hui de par la complexité de leurs destins croisés et des enjeux emphatiques de leurs actes. Toutefois, pour moi, c'est un réel plaisir de voyager dans ce style, cette langue, cette poésie qui sont menacés d'oubli, d'autant que les tragédies de Racine sont souvent (et continuent peut-être de l'être ?) imposées à l'école sans que les jeunes lecteurs comprennent vraiment de quoi il retourne.

Agamemnon a été contraint de rejoindre la coalition des rois grecs ligués contre Troie. Mais sa flotte stagne, faute de vent, à Aulis. le devin Calchas lui révèle alors que seule la mort de sa fille Iphigénie apaisera la colère divine et permettra aux vents de se lever. Agamemnon refuse d'abord le sacrifice d'une fille chérie, mais influencé par Ulysse, il s'y résigne et met tout en oeuvre, même la ruse, pour parvenir à ses fins. Rien qu'avec ce pitch, on comprend la densité du drame qui se joue ici et quand on y ajoute l'amour filial, parental et conjugal, tout se complique encore.


Challenge MULTI-DEFIS 2021
Challenge SOLIDAIRE 2021
Challenge RIQUIQUI 2021
Challenge COEUR D'ARTICHAUT 2021
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A chaque fois que je lis Racine, je prends à plaisir fou !

La symphonie des rimes, les sentiments forts de ces personnages antiques ...

Iphigénie est un modèle d'obéissance, de respect envers son père et sa patrie. Elle se retrouve au milieu d'un conflit et sa mort est la rançon pour que son père puisse prendre la mer et secourir cette Hélène, objet de beaucoup de tourment et de pièce de théâtre.


Sa mère et son futur époux feront tous pour dissuader son père de ce sacrifice. le discours de la mère est magnifique et m'a beaucoup émue.

Heureusement quelques pièces sont encore dans ma PAL et feront mon bonheur à coup sûr !
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Même si ce n'est pas ma pièce préférée de Racine, c'est une jolie pièce que cette Iphigénie.
Il y a toujours là le vers de Racine, pas aussi beau que dans Andromaque, Esther, Phèdre, Britannicus ou Athalie, mais beau tout de même. C'est d'ailleurs la plus grande qualité de la pièce ; la construction de la pièce n'a rien d'exceptionnelle, il y a même des maladresses de ce côté-là, la fin est consternante ( mais ce n'est là que la fin, c'est-à-dire une petite portion de pièce ), les personnages manquent, pour la plupart de finesse psychologique ( je pense à Achille, à Clytemnestre, à Ulysse… ), et seul Agamemnon, magnifique en père déchiré entre l'amour de sa fille et son devoir de chef d'armée, est vraiment digne de figurer à côté des magnifiques figures de l'univers racinien.
Toutefois, si je m'en tiens à ce qu'il en est généralement, c'est une bonne pièce que cette Iphigénie, dans laquelle on sent bien la marque de Racine ( mais un peu trop celle du Racine maladroit de Phèdre, et pas assez celle du Racine de Bajazet et de Mithridate-le sujet d'Iphigénie est pourtant tellement approprié à ce Racine-là ! ).
Une jolie petite pièce du grand Jean Racine.

[...]

"Iphigénie" est une assez belle pièce de Jean Racine.
Ce n'est pas ma préférée, mais elle est bien plaisante. Et il faut admettre que, même si, d'autres pièces de Racine, me touche, un peu plus, "Iphigénie" est néanmoins une grande pièce, une pièce très bien construite, exceptionnellement bien construite, à vrai dire ; quelle progression !... Quelle progression vers le coup final !...
Le vers de Racine est un peu moins beau qu'il a pu l'être auparavant et qu'il le sera plus tard ( je place "Iphigénie" dans ce qu'on pourrait appeler le "coup de mou", de la création racinienne, avec cette pièce et "Phèdre" ), mais demeure très beau quand même.
L'intrigue, qui, à la base, est très intéressante aurait demandé, c'est vrai, à être travaillé davantage, et à ce qu'on y enlève tout ce qui est superflu.
Néanmoins, Racine conserve à cette pièce une force. Les personnages sont très riches, un peu moins que d'autres personnages raciniens, encore une fois, et, si il devait y avoir un personnage marquant dans cette pièce, ce serait Agamemnon, personnage tout de douleur, magnifique dans son dilemme tragique ( et, non pas, racinien ). Mais c'est vrai qu'Agamemnon n'est pas aussi beau, n'est pas aussi complexe psychologiquement, n'a pas des émotions ( et une situation ) aussi émouvante que celle du Néron, de "Britannicus", de l'Oreste d'"Andromaque", ou du Mithridate de la pièce éponyme. Il n'en demeure pas moins un grand personnage racinien. C'est une assez grave faiblesse, d'autant plus que, dans "Iphigénie", ce sont les personnages, qui ont la place essentielle.
Malgré cela, malgré ces défauts, "Iphigénie" demeure une belle pièce, et les personnages restent intéressants, un peu fade par endroits, c'est vrai, parfois un peu tout d'une pièce, mais néanmoins intéressants.
Racine nous dépeint tout une galerie de personnages, et cette galerie est passionnante.
J'ai également apprécié le vers, cette simplicité, cette sobriété, et pourtant, cette noblesse, ce côté relevé.
"La colère des dieux demande une victime"... N'est-ce pas l'un des vers les plus beaux du théâtre tragique français ?...
Mais ce que j'admire surtout, c'est la construction narrative. Tout va vers le coup final, tragique, et c'est magnifique, c'est beau, c'est magistral, c'est l'oeuvre d'un maître de la dramaturgie... Tout est organisé, pour mieux laisser passer l'émotion.
En somme, une bien belle pièce de Racine, dont le grand atout est la construction, qui, malgré certaines faiblesses, reste digne de figurer aux côtés des autres pièces de Jean Racine.
Je préfère l'"Iphigénie à Aulis", d'Euripide, sur la même thématique, mais l'"Iphigénie", de Racine, est néanmoins, très bonne.

Seconde critique collée par un administrateur.
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Dans mon panthéon racinien, il me manquait Iphigénie, classique entre les classiques pourtant.
Je n'avais eu, avant aujourd'hui, ni l'occasion, ni l'envie surtout de la lire (si on m'avait proposé de la voir, ça aurait été toute autre chose!). Il faut dire que j'ai longtemps renâclé face aux tragédies classiques et qu'il m'a fallu du temps pour apprendre à les aimer.
Cette image rendue un peu pieuse par le temps et l'histoire littéraire d'une jeune Iphigénie prête au sacrifice par amour pour son père, à la mode d'Abraham... Bof.
Et puis, je n'aime guère les Atrides, moi. J'exècre Agamemnon et ma mauvaise foi de troyenne défaite et moi-même n'avions absolument aucune envie d'éprouver ne serait-ce qu'une once de compassion (à la Racine donc!) pour ce détestable personnage.

Finalement pourtant, j'ai lu "Iphigénie" (versatile âme humaine!).
J'ai aimé "Iphigénie" qui précède la grande "Phèdre" de trois ans et dans laquelle Racine, alors à l'apogée de sa gloire et de son talent, renoue avec un sujet tiré de la mythologie et tente l'impossible réconciliation du coeur (du désir même) et de la raison. On sait bien, pourtant, que ça ne marche presque jamais.
Les turpitudes entraînées par le dilemme d'Agamemnon (Sacrifier ou ne pas sacrifier? Telle est la question…) véritable noeud de l'intrigue, sont toutes entières pétries de l'amour -filial, charnel, etc- mais l'affaire étant éminemment politique (du sacrifice dépend le destin des grecs et de ma belle Troie, Diantre!), à quoi bon laisser au coeur le droit de s'exprimer? C'est presque absurde. C'est presque de la vanité.

La pièce s'ouvre donc quelques dix ans avant la chute d'Illion. Les achéens sont coincés au port par des vents capricieux et perdent patience. Les dieux pourtant finissent pas s'exprimer à travers leur oracle: les vents se lèveront à condition qu'on leur sacrifie la douce Iphigénie, fille du chef. Agamemnon, dans un premier temps et conseillé par Ulysse (j'ai toujours pensé qu'il était perfide celui-là) accepte de verser le sang de sa fille et fait donc venir cette dernière, ainsi que sa mère Clytemnestre, sous un prétexte fallacieux. Il prétend vouloir la donner en mariage plus promptement que prévu au noble Achille (si tant est que puisse être noble l'Hectoricide, entendons-nous bien!) qui -ça tombe bien- est véritablement amoureux de la douce Iphigénie. L'Atride est pourtant pris de remords à l'idée de sacrifier le fruit de ses entrailles sur l'autel de sa victoire et envoie un autre messager auprès de son épouse et de la princesse pour différer leur venue: Achille, finalement, ne voudrait plus de sa promise et jetterait ainsi l'opprobre sur elle.
Oui, mais c'est trop tard: Clytemnestre et Iphigénie sont en route et la souveraine va exiger des explications.
Oui, mais Achille est ici, fou d'amour et prêt à se battre.
Oui, mais Eriphile est là aussi et brûle pour Achille, et brûle de haine aussi.
Oui, mais les grecs et la gloire attendent: les dieux ont soif et les vents ne se lèvent pas.
La tragédie peut s'ouvrir et elle sera grandiose.

Naturellement, on ne peut pas parler d'un texte de Racine sans évoquer la pureté et la beauté de sa langue qui tutoie le sublime et les étoiles, même si elle manque quand même parfois un peu de tempête et de tourments alors que -paradoxalement- c'est ce qu'elle raconte si bien.
C'est harmonieux, fluide comme le chant d'une rivière. Parfois, c'est ironique et cassant mais toujours avec élégance, panache.

Au delà de la langue et ses hauteurs sublimes, pour moi le point fort de la pièce, ce sont ses personnages: d'un côté les "adultes" Agamemnon, Clytemnestre et Ulysse et de l'autre les "jeunes": Iphigénie, Achille, Eriphile. Rien qu'à partir de là, il y aurait des choses à dire.
Ainsi, j'ai trouvé les premiers (à l'exception d'Ulysse) bien versatiles, bien faibles malgré leurs éclats. Ils tentent de s'arranger, ils changent d'avis, en un mot ils font des compromis, là où celui et celles qui ont l'âge d'être leurs enfants ne sont qu'absolus, sans concessions. Si cela ne confère pas à Achille beaucoup de complexité -c'est un héros qui agit plus qu'il ne médite-, cela approfondit sensiblement Iphigénie et Eriphile. Je dois avouer cependant que la première m'a agacée: trop de docilité, trop de douceur, trop de résolution, de raison même dans ce qui la brûle et j'aurai voulu que Racine ne la sauve pas (mais pouvait-il faire autrement? La bienséance, tout ça). En revanche, j'ai adoré Eriphile, considéré à tort comme un second rôle: elle apparait peu sympathique malgré son statut de victime, son amour pour Achille est franchement malsain (coucou, syndrome de Stockolm!) mais quelle intelligence, quelle lucidité -elle est un peu un double d'Ulysse à cet égard, elle comprend comme lui l'insupportable nécessité du sacrifice - quelle volonté d'apprendre ce qu'on lui cache et de se battre. Quelle amour aussi et malgré tout!
Peut-être bien qu'au départ, cette mystérieuse captive n'était que le moyen de sauver la belle Iphigénie, peut-être que Racine n'avait pas conscience de la force de ce personnage mais quelle création! Elle annonce presque Phèdre... et je me dis que même en 1674, elle devait avoir son importance -même un peu ténébreuse- sinon pourquoi est-elle celle qui apparait la première des deux jeunes filles?
Tout comme je m'interroge encore sur la révélation d'Arcas: trahison ou fidélité?
Elle soulève beaucoup de questions cette tragédie et pas des moindres...
Et dire qu'elle m'aura aussi fait apprécier Agamemnon: le personnage est-il un double du poète qui aurait perdu sa fille peu avant d'écrire la pièce ou d'un roi soleil en perte de vitesse et de lumière comme l'ont écrit les exégètes?
On ne le saura sans doute jamais vraiment, mais le roi de Mycènes a enfin figure humaine et ça, c'est virtuose.

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Une malédiction pèse sur les Grecs, rassemblés en Aulis afin d'attaquer les Troyens. L'absence de vents favorables les empêche d'envoyer leur flotte. L'oracle Calchas est consulté : le sang d'Iphigénie, fille d'Agamemnon, doit couler sur l'autel pour que les dieux leurs envoient les vents tant espérés. La jeune fille est promise à Achille, elle est heureuse et pure... le roi ne sait que faire : privilégier son intérêt personnel ou celui de son peuple ?
C'est la troisième pièce de Racine que je découvre, après Phèdre et Andromaque. Celle-ci m'a encore beaucoup plu. le roi Agamemnon est face à un dilemme déchirant : faut-il sacrifier sa fille qu'il aime de tout coeur ? Ici, le suspense a pour moi été véritablement présent puisque je n'avais aucune idée de la fin. Ainsi j'ai pu tremblé pour la vie de la jeune fille, jusqu'au bout. le roi est confronté à ses deux rôles antagonistes : l'exercice du pouvoir et son statut de père, et un choix impossible.
L'amour entre Iphigénie et Achille est fort, beau, puissant. Achille se bat pour sa belle, envers et contre tous, tout comme la reine qui refuse de la laisser mourir.
J'ai retrouvé avec plaisir l'épure racinienne, la beauté des vers que j'ai déjà louée dans mes deux précédentes critiques. Là encore j'ai véritablement été transportée par la pièce, qui vise juste et se révèle redoutablement efficace. Rien n'est manichéen, tout est subtil. le père ne cesse de se raviser, de changer d'avis. Il est réellement torturé. le personnage d'Eriphile est magnifique également, femme jalouse, prête à tout pour parvenir à ses fins, une femme que l'on prend finalement en pitié. Et que dire de l'héroïne : encore un sublime personnage féminin, courageuse, elle qui a pourtant la vie devant elle.
Tous les éléments sont là : des personnages royaux face à leur destin, la passion, la jalousie, la trahison...
Décidément j'aime de plus en plus l'oeuvre de Racine. Ici, c'est une tragédie qui se termine bien puisque Racine arrive à sauver Iphigénie par une pirouette. Mais ce n'est pas plus mal je trouve, on évite ainsi le côté caricatural que la tragédie peut parfois avoir.
Lien : http://lantredemesreves.blog..
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Bien que l'histoire d'Iphigénie soit très connue, on ne se lasse pas de lire cette pièce de Racine en vers qui explore toute la profondeur du sujet avec de longues tirades déchirantes. Ainsi Agamemnon doit sacrifier sa fille pour partir assiéger les Troyens et choisir entre son rôle de père et son rôle de dirigeant. Dilemmes et passion amoureuse sont donc au programme avec l'apparition d'un personnage féminin étonnant : la perfide Eriphile qui fera tout pour trahir Iphigénie.
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