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Critique de Krout


Krout
03 décembre 2018
Maudit soit Dostoïevski ! L'Idiot, beaucoup trop long. Et puis cette saga interminable sur la culpabilité. Je n'aime pas le mythe des surhommes, je vomis ces grands sanguinaires qu'ils s'appellent Mao, Staline, Hitler, Franco, Napoléon, Attila, César, Alexandre, Ramses II et la liste est longue dont il faudrait rétablir dans les livres d'histoire leur quota de morts, de viols, d'exactions en tout genre nécessaires à une seule chose : satisfaire leur ego surdimensionné. Je les maudits et plutôt que les encenser c'est cracher sur la tombe de ces plus grands criminels de l'Histoire qui serait honorable, ou mieux l'oubli définitif. Ah comme j'aurais maudit Raskolnikov, si jamais j'avais lu Dostoïevski. Mais je ne l'ai pas lu, rien : ce n'est pas un crime, il n'y aura pas châtiment !

Donc ici, cet anti-héro, je pourrais taire son nom afin de respecter son status, devait avoir tout pour me plaire dans un livre miroir dont j'ignore tout de la matière à refléter. Qu'à cela ne tienne j'aime assez ces jeux intellectuels et puis le répéterais-je assez : un livre doit pouvoir s'apprécier dans l'absolu ! Il serait somme toute logique de tresser un parallèle entre les deux ouvrages comme semble à première vue nous y inviter Atiq Rahimi. Cependant pour les motifs déjà invoqués j'ai laissé tomber Crime et châtiment et me suis concentré sur ce récit tortueux dans un Kaboul désenchanté jusqu'à la torture ainsi que sur les trop nombreuses citations de cet autre livre que d'aucuns, ne l'ayant jamais lu dans son entièreté pour la plupart, réfèrent comme 'Le Livre'. Je ferai juste remarquer que d'autres aussi bornés en réfèrent d'autres, jusqu'à ce petit et rouge, pour le même accessit. Ne comptez pas sur moi pour une révélation quelconque, une critique, un classement sur ces livres présentés chacun par leurs fans comme 'Le Seul Valable et Digne', pas tant d'être lu, pire, d'être enseigné.

Rassoûl car ainsi se nomme-t-il passe sa vie dans les fumeries d'opium et ensuite à se troncher la gueule. Au passage il tue plus par maladresse que par volonté, car de cela il semble dépourvu, une vieille maquerelle qui prostitue sa petite amie d'enfance à qui il n'a jamais déclaré son amour. Ensuite, après beaucoup de tergiversations, de lâchetés et d'errance, ce jeune Idiot...
Il y a pourtant bien crime dans ce récit d'Atiq Rahimi, un crime bien plus infâme que d'écourter de quelques semaines la vie d'une misérable. Ce crime n'est pas celui de Rassoûl mais perpétré, ou du moins excusé et par la même perpétué, par l'auteur, un crime contre la Vie : la désespérance ! Voilà ce que je ressens comme déjà cette désespérance m'avait gâché Singué Sabour par de trop longs passages et sans cesse ressassée.

De plus faire porter aux Russes l'écroulement de l'Afghanistan, bien que je sois loin de connaître l'histoire mouvementée de cette région me semble une fuite devant un désastre créé en premier lieu par des luttes intestines et le désir de vengeance de bergers bornés. C'est une faute grave mais courante de croire que la liberté est régie par des ennemis extérieurs, alors que seuls des démons intérieurs devant lesquels on s'efface petit à petit, au fil de nos pauvres lâchetés et médiocres renoncements peuvent arriver à une destruction aussi profonde d'une civilisation. le récit est ambigu, la dénonciation pas assez franche, dès lors toutes les interprétations sont possibles, comme dans cette mascarade de procès à coup de citations hors contexte tirées 'Du Livre'. Interprétations des plus confuses qui se veulent chacune force de loi au gré des intervenants. Arbitraire !

Alors je me réfère à ce sage dont j'ai oublié le nom, non pas que je ne puisse le prononcer par le diktat d'une quelconque croyance, mais bien que je l'ai oublié au point de me demander s'il a jamais existé, le plus important étant que j'ai retenu 'Sa Parole' :
" Ah là là,
quand Allah lit,
c'est l'hallali."

Cependant terminer ainsi serait réducteur, et pis pourrait donner à croire que je glisse dans le fatalisme et la désespérance. Il me faut absolument pointer ce passage clé, même s'il n'apparaît brièvement qu'à une dizaine de page de la fin du récit, sinon vous risquez fort de ne pas y accorder toute son importance p. 261 "Dans sa cellule, tout est obscur. Une mouche s'est posée sur sa main. Il souffle ; elle s'agite, s'envole. [...] Regarde-la, regarde avec quelle légèreté elle vit son monde." C'est un bien grand pari que ferait l'auteur de croire que les lecteurs vont l'interpréter en y ajoutant... libre des oripeaux d'une quelconque religion ou des affres de toute autre doctrine totalitaire. Aussi j'envoie Rahimi rejoindre Dostoïevski. Car s'il est des livres dont l'on peut facilement se passer, il en est par contre de bien plus dangereux qui méritent d'être clairement dénoncés, ils sont pourtant faciles à détecter : ce sont ceux dont la somme des exégèses, annotations, interprétations, rééditions commentées, extraits et citations dépasse de loin l'oeuvre intégrale originale, souvent une sorte de conte onirique sur des fondements plus ou moins historiques largement remaniés, toujours détournés ces Livres, soit disant bienfaisants, ont en commun d'être inéluctablement utilisés ensuite par une petite caste comme instrument de pouvoir et moyen d'asservissement.

Voulant terminer sur une note optimiste et me détachant un peu du roman je suis heureux d'apprendre qu'après que les Talibans aient procédé à des assassinats massifs des musiciens avec la volonté de les éradiquer, au nom de quoi, au nom de Qui ? Une petite note d'espoir voit le jour à Kaboul avec les nouvelles écoles de musique qui y fleurissent. Et aussi paraît-il pour la première fois quelques écoles où les filles peuvent apprendre à lire. Espérons juste que ce ne soit pas pour mieux les enfermer dans les sourates.
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