Qui je suis

Parfois, j'aimerais que la vie entière soit contenue dans mon regard.
Ce qui ne peut se dire, il faut le rêver. Rêver, c'est chérir son secret. (P100)

Ma sœur est morte dans la violence.
Je vois ma famille sombrer dans le mutisme.
J’ai pris la fuite et je suis devenue une étrangère parmi des inconnus. La quête inconsciente du deuil m’a conduite ici.
Il m’a fallu de longues traversées du désert avant que je ne verse ma première larme, pour devenir enfin une femme soulagée par une souffrance trop contenue.

Mon pays est lourd comme le plomb. Il me tire vers la mélancolie. Il me laisse dans un malaise indéfinissable. Je regarde les maisons uniformes, rangées comme des soldats dans les lignes bien droites. La pelouse bien coupée pour ne pas faire désordre. Le chien bien dressé pour ne pas déranger le voisin. Le voisin qui s'excuse pour avoir dérangé le chien. Derrière les voilages, je devine la vie calme. Mon appréhension me raconte une autre histoire.

Si vous renoncez une fois encore, si vous avalez la clef du coffre, tant pis. Les pages y resteront. C'est la loi des livres rêvés. (P16)

Les hommes viennent me voir dans la nuit. Les hommes me regardent et volent mes secrets. Je laisse une image fugitive, des sensations. Des touches. Des fragments.