AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastie92


Émile a beau être notaire, il n'est pas très malin.
Il va laisser une femme lui tourner la tête quand le lecteur aura compris depuis le début qu'elle se jouait de lui.
Hélas, on ne peut rien pour cet aveuglé. On peut penser très fort, voire crier "Mais non, grand benêt, ne vois-tu pas ce qui va arriver ?", cela ne changera rien : Il subira inéluctablement le triste sort que Ramuz lui a réservé.

Tout sacrifier pour satisfaire une ambitieuse égoïste, manipulatrice sans scrupules et éternelle insatisfaite est peine perdue. Une mission impossible et destructrice.
La chute d'Émile sera terrible et le lecteur impuissant compatit... tout en prenant un plaisir fou tellement Ramuz a tout merveilleusement orchestré et écrit.

L'écrivain suisse sait dépeindre les personnages et les actions d'une façon tellement réaliste que nous les voyons sous nos yeux ; tout prend vie sous sa plume, y compris les paysages.
Certaines scènes sont de vrais régals de lecture, comme celle du mariage ou celle du bal pour n'évoquer que ces deux-là.

Écrit quelques années après Madame Bovary ce roman présente des ressemblances troublantes avec celui de Flaubert.
Quand monsieur Lambert, voyant Frieda, pense « C'est tout à fait ce qu'il me faut. » (Quelle horreur ! Où est l'amour dans cette interrogation ? Et ce terrible "ce" !), je retrouve le cynisme de Rodolphe qui avant même d'entreprendre de séduire Emma dresse un portrait plein de mépris de celle qu'il juge être une proie facile. Portrait qu'il conclut en se demandant : « Oui, mais comment s'en débarrasser ensuite ? »

Eh non, Émile n'est pas très malin, et en termes modernes je dirais que c'est un loser... un peu comme ce pauvre Charles Bovary.
Méritait-il pour autant les malheurs dont l'auteur l'accable ? Sans doute non, mais Ramuz a dû prendre beaucoup de plaisir à l'écriture de cet ouvrage, et le lecteur en prend tout autant à sa lecture.

En tout cas, dire qu'Émile est victime des circonstances de la vie, c'est, je trouve, un peu trop facilement l'absoudre ; c'est désigner la fatalité comme seule responsable.
Je vois plutôt de l'ironie dans le titre.
Émile est surtout victime de ses mauvais choix.
La seule circonstance atténuante que je lui trouve est sa naïveté pour être gentille, ou pour être plus franche : sa stupidité.
Ramuz nous offre là une belle étude sur le couple manipulateur-manipulé. Un court roman dont l'écriture poétique contraste terriblement avec le cynisme du propos.
Commenter  J’apprécie          354



Ont apprécié cette critique (33)voir plus




{* *}