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Critique de berni_29


Présence de la mort est un court récit où j'ai eu plaisir à retrouver l'écriture si particulière et quasiment envoûtante de Charles Ferdinand Ramuz. C'est ma troisième incursion dans l'univers de cet écrivain suisse et je ne m'en lasse toujours pas.
Ici le texte détonne avec les deux précédents romans que j'ai lus de l'auteur. En effet, Présence de la mort, c'est une sorte de dystopie qui décrit l'amorce d'une fin du monde.
Paru en 1922, Présence de la mort aborde le réchauffement climatique en mode accéléré puisqu'au moment où débute le récit un phénomène est déjà enclenché où chaque jour la température augmente d'un degré Celsius et ce, de manière régulière, inexorable...
On ne sait pas grand-chose de la cause de ce phénomène, la terre semble brusquement précipitée vers le soleil, entraînant un réchauffement sans précédent du climat...
Le propos de Charles Ferdinand Ramuz n'est pas de s'appesantir sur les causes, mais plutôt d'aborder leurs conséquences sous l'angle humain, c'est-à-dire comment les personnes vont se comporter entre elles, au rythme de la montée progressive de la température.
La nouvelle pourtant s'est propagée comme une déflagration, d'un continent à l'autre, traversant les océans.
Ici, on est dans une vallée suisse surplombée par la montagne, paysage cher à Charles Ferdinand Ramuz.
Malgré l'information qui est diffusée, personne n'y croit au début. C'est toujours comme ça, même en 1922. Au début, on met cela tout bonnement sur le compte d'une sécheresse, d'une canicule exceptionnelle.
Peu à peu, l'idée d'une fin possible s'impose à chacun, libérant les peurs, les égoïsmes, les replis sur soi, sur son territoire, son pays, son village, son hameau, même sa maison. On dirait que c'est toujours ainsi...
Les codes classiques qui régulaient la société s'effondrent peu à peu, tandis que la fonte des neiges et des glaciers accélèrent la montée des eaux, entraînent boue et pierres au fond de la vallée.
Le ciel est devenu blanc. Les eaux les plus claires deviennent troubles. On ne s'y baigne plus, ou plutôt on ne s'y baigne plus par plaisir, on s'y réfugie pour en apprécier la douceur ou l'apaisement, c'est comme un geste ultime de survie. On cherche la vie où elle peut se cacher.
Et puis le roman devient un poème, l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz se moque désormais de savoir d'où vient cela et de ce qui adviendra du vivant. Comme à chaque fois chez Ramuz, la nature prend le dessus dans le texte...
37°, 38°, 39°, bientôt 40°. Nous sentons le poids de l'effroyable compteur, tandis que les plus incrédules se rejoignent au rang des plus affolés. Vous imaginez l'ambiance une semaine plus tard ?
C'est dans ces moments-là qu'on peut ressentir toute l'humanité du monde, mais aussi tout son contraire, la quintessence du chacun pour soi, du jusqu'au-boutisme.
Au bout du troisième roman, je commence à être convaincu qu'il y a une narration ramuzienne. Dans ce récit allégorique, j'ai continué d'aimer l'écriture de Charles Ferdinand Ramuz, belle, râpeuse, tâtonnante, creusant le silence pour mieux rebondir, une écriture qui donne l'impression de chercher sans cesse les mots. J'adore cette écriture au phrasé si peu académique, pourtant superbe, une écriture enivrante.
Bien sûr, la montagne joue un rôle ici plus que jamais, la montagne chère à Charles Ferdinand Ramuz. Quand ça chauffe dans les vallées, n'apprécions-nous pas l'altitude des sommets ?
J'ai adoré ce roman, même si je reconnais qu'il est sans doute moins accessible que les deux précédents que j'ai lus de cet auteur.
Et puis, comment ne pas lire dans ce récit publié en 1922 un clin d'oeil terrible à ce qui risque de nous arriver dans quelques décennies, sans doute en mode moins accéléré, mais qu'importe la vitesse si le paysage à l'arrivée en est le même...
Un roman d'une beauté apocalyptique terrifiante et prémonitoire...
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