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Critique de MarcelP


"Toute vie va finir. Il y aura une chaleur croissante. Elle sera insupportable à tout ce qui vit. Il y aura une chaleur croissante et rapidement tout mourra. Et néanmoins rien encore ne se voit."

La Terre mystérieusement désorbitée se rapproche du Soleil. Dans une petite vallée vaudoise, comme partout ailleurs, les températures grimpent, les eaux montent et les hommes paniquent.

Poème eschatologique, prémonition implacable ou oratorio millénariste, Présence de la mort se réinvente chapitre après chapitre. Ramuz, en écrivain démiurge ou témoin inerte, évoque l'incrédulité des uns contre les certitudes des autres. Chacun fuit ses angoisses comme il peut face à une apocalypse qu'il ressent imminente. D'épanchements bachiques en orgies maussades, de révoltes individuelles en rebellions vandales, de crimes assurés en suicides opportunistes, l'homme, fragile créature -"fourmi rouge portant son oeuf, trop gros pour elle"-, l'homme ramuzien donc, ivre d'irrationnel, se désagrège face à la colère du monde.

En trente courts chapitres, comme autant de flash-backs oppressants, l'immense écrivain décrit la dérisoire résistance de ses frères devant l'inéluctable. Sa prose ravinée par le torrent d'une poétique visionnaire, ses phrases caillouteuses et heurtées disloquent le récit : écholalie, confusion des temporalités, bouleversement des plans... Devant la confusion des images, Ramuz tend l'oreille ; le monde se meurt mais son agonie est bruyante. de craquements sépulcraux en sibilances stridentes, de murmures sourds en explosions fracassantes, le roman bruisse à chaque page.

Métaphore de l'artiste thaumaturge -Ramuz s'y donne un rôle en écrivain apollinien saluant la beauté du monde-, Présence des morts dit la force de l'imagination, la toute-puissance du poète et sa faculté d'être toujours en surplomb.

Prophétique, le court roman se fracasse sur nos certitudes contemporaine : notre maison brûle et nous regardons toujours ailleurs...

D'une douloureuse perfection. le silence qui suit Ramuz, c'est encore du Ramuz.

"J'ai trop aimé le monde ; je vois bien que je l'ai trop aimé. A présent qu'il va s'en aller. (...) Je l'ai aimé malgré ses imperfections, tout entier, à cause de ses imperfections, ayant vu que c'était par elles seulement que la perfection existait ; et il était bon parce que mauvais."
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