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Critique de Basilio


J'ai reçu Une Etoile en enfer dans le cadre de l'opération Masse Critique. Je l'ai lu jusqu'au bout - j'étais tenu d'en faire le compte-rendu – mais ce roman policier m'a ennuyé et surtout extrêmement déçu. En effet, au vu des notes excellentes attribuées à son auteur, je m'attendais à une bonne surprise. Ce ne fut pas le cas. Regardant alors de plus près ces avis tellement élogieux où je ne reconnaissais pas l'ouvrage que j'avais lu, j'ai constaté que d'un roman sur l'autre, plusieurs « 5 étoiles » étaient décernées par les mêmes « admirateurs inconditionnels ». Pour certains, c'était leur seule activité sur Babelio…

Mais passons. Venons-en au contenu du livre. Il nous raconte les déboires d'Anselme Viloc, inspecteur de police à l'esprit plutôt embrumé, emmêlé dans trois affaires simultanées. L'une touche directement sa femme, plongée dans le coma après le naufrage du chalutier où elle avait embarqué ; la seconde concerne la disparition inquiétante de la fille d'un couple d'amis ; la troisième porte sur l'effondrement d'une montagne dans le massif de la Chartreuse, en 1248.

Il est peu de dire que la jaquette est laide (l'éditeur aurait pu faire un effort). La lecture du texte est cahoteuse, ses personnages inconsistants, son contenu peu vraisemblable. L'histoire court après trop d'objectifs contradictoires : enquête, évocation sentimentaliste, critique du polar, parodie peut-être, message social, sans jamais se décider. le résultat est nébuleux.

Le roman se présente au premier abord comme une énigme à élucider. Mais dès le quart du récit, la solution saute aux yeux . Une seule fausse piste (peu convaincante, à peine créée, déjà éventée). Plus d'autre suspect. Pas de rebondissement. Pendant les 220 pages restantes, on suit les errements mentaux d'un policier fumeux qui n'a toujours rien compris et tombe dans toutes les chausse-trappes. On reste perplexe de voir le narrateur prêter des qualités exceptionnelles à ce policier écervelé, égocentré, qui se rêve avec des majuscules (« moi, l'agnostique », « moi, le Flic de papier »). Était-ce de l'humour ? Il évoque son héros avec un tendre lyrisme ; il lui accorde un talent rare de littérateur - alors que chaque chapitre à la première personne fait éclater la preuve du contraire.

Un autre problème est le traitement bâclé du thème central le traitement superficiel du sujet crée du grotesque. Mais cet aspect n'est pas pris en compte, pas le moindre indice de dérision vis-à-vis du policier, rien qui prête à sourire.

Je n'ai pas non plus vu d'intérêt dans les descriptions, généralement réduites au minimum. Un restaurant : « Beaucoup d'habitués » ; une bibliothèque : « sous des plafonds bas, dans une odeur d'encaustique et à la lumière de globes blafards » ; un aéroport « Lyon-Satolas est un bel aéroport. Beau et vaste » ; un garage : « le grand garage Esso de la grande rue Charles de Gaulle ». Quelques images prometteuses sont gâchées par des digressions amphigouriques. Et comme autour d'Anselme les personnages sont sans psychologie car on ne les présente pas en situation mais juste à travers un jugement (untel est comme ceci), comme il y a assez peu de dialogues, le policier semble évoluer dans un monde de brumes d'où surgissent un angle de bureau, un chat, un lit d'hôpital ; parfois un ami ou un collègue, silhouette en carton découpé, isolée, figée dans une attitude ou un monologue immuable.

Quant au style, où est donc la poésie que louent les commentaires dithyrambiques ? C'est celle des articles de journaux locaux, des émissions de faits divers criminels, des reportages de télé régionale. Des maladresses hachent la lecture. le chapitre 3 oscille entre la première et la troisième personne. La caractérisation des personnages d'épisodes précédents est absente ou expédiée. le lecteur bute sur des références sans intérêt à des tomes qu'il n'a pas lus. Parfois dans un paragraphe, un même individu (ou un lieu) est nommé de périphrases variées. Ce (médiocre) procédé est courant dans les feuilles de chou mais désagréable dans un roman. Ailleurs, l'inspecteur connaît (sur Mme Langlade) des informations qu'il n'apprendra que bien plus tard ; page 132, il sait des liens entre René Ricard et Patxi Ithuralde ; on se demande comment.

Les informations supposées enrichir le contexte sont insérées « au chausse-pied » dans les lignes. Beaucoup semblent là juste pour montrer que l'auteur a bossé son sujet. Leur contenu est hasardeux. Je retiendrai surtout l'anachronique « balle en argent » dès les premières pages. Et lorsque le narrateur nous soutient doctement que son absence en 1248 vient de ce que les gens du cru sont trop pauvres pour s'en procurer, la suspicion est irréparablement jetée sur toutes les autres explications qui pourront suivre.

Or dans Une Etoile en enfer, on nous explique beaucoup ! Et on nous montre peu. Ainsi les premiers chapitres promettent au lecteur « le plus important glissement de terrain répertorié jusqu'à nos jours ». Mais au lieu du Pompéi attendu, deux lignes pour dire que des milliers de personnes furent ensevelies sous cinq cents millions de mètres cubes de boues marneuses, précédés d'un souffle de poussières toxiques.

Enfin, peut-être plus gênante encore, l'impression répétitive d'être rejeté de l'univers du roman, de s'y sentir comme un invité indésirable, convié par erreur. Des paragraphes entiers font l'effet de privates jokes, comme si le narrateur s'adressait à d'autres gens, extérieurs à l'histoire et que l'on ne connaît pas. Tels des clins d'oeil forcés, ses calembours sur la solution de l'énigme ajoutent à la distanciation. Ici et là, des portraits paraissent trop flatteurs. C'est que l'auteur a mis en scène des personnes réelles, des boutiques existantes ; et leurs présentations au ton publicitaire, qu'on croirait droit sorties du Petit Futé, au lieu d'immerger le lecteur dans l'univers fictif du roman semblent tout au contraire tenter de l'y extraire, pour l'attirer dans un vrai commerce du monde concret.

On l'aura compris, je n'ai pas aimé Une Etoile en enfer. Je reconnais toutefois que mon appréciation est certainement trop sévère, que j'aurais eu la même pour la plupart des polars français contemporains. Surtout j'ai été déçu de ce que le livre promettait, de ses bonnes idées mal exploitées. Entre autres, j'espérais beaucoup de l'originalité des investigations, par analogies éloignées plutôt que lien de cause à effet, voire par erreurs et chocs hasardeux. Mais il manque quelque chose pour que cela fonctionne. J'ai aussi trouvé intéressant l'effet obtenu par l'usage alternatif de chapitres à la première et la troisième personne. Les uns fournissent le point de vue égocentré du rêveur, les autres un regard éloigné, utilisé comme un contrepoint presque musical, une « complainte du pauvre flic ». Là se rencontrent de jolies réussites, comme la phrase qui ouvre le chapitre 19 : « le rêve est une parenthèse, hélas, et la vie rattrape le Flic de papier plus vite qu'une mouette un chalutier vent contre. »
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