J'avais beaucoup apprécié
Pietra viva et j'ai retrouvé dans
Amours, de Leonor de Rocondo, ce style travaillé et distancié, ces mots simples mais habilement assemblés, ce faux rythme lent comme le temps hors d'âge qui s'écoulait dans les campagnes françaises du début du XXe siècle.
Je vous parle d'un temps où l'on arrangeait encore les mariages, où une bouche de moins à nourrir suffisait à placer un enfant comme domestique, où le droit de troussage coulait de source, où lire
Flaubert (joli clin d'oeil au bovarysme) était quasi pêcher, où le corset vous enfermait dans votre corps et dans votre rôle, où paraître était plus important qu'être, où s'affranchir des conventions était un concept qui restait encore à inventer.
Alors forcément, avec tout ça, les ingrédients du drame sont réunis : la domestique est mise enceinte par le mari, la femme frustrée y trouve opportunité, chacun s'accommode des non-dits. Cela finira mal. Forcément...
Mais entre-temps, il y aura eu l'amour qui sera passé pendant de courts moments. Celui de deux femmes qui se découvrent, se retrouvant soudain moins éloignées que leur condition sociale ne l'avait décidé. Celui d'une femme qui découvre un corps, son corps, longtemps ignoré, détesté, inusité mais désormais sublimé et utile. Celui d'un enfant, qui revient d'un coup à la vie, revigoré par le contact charnel d'une peau maternelle qu'il reconnaît instantanément. Celui du vieux couple de domestiques, fait de bienveillance et de simplicité, envers eux-mêmes, comme envers une famille qu'ils servent et protègent.
C'est beau, fluide, détaché... et tellement agréable à lire.
Une (très) légère déception avec la fin qui manque de force à mon goût.