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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2020 # 27 °°°

Ce roman protéiforme est incroyablement vivant ! J'ai aimé les deux comédies françaises racontées dans ce roman ... à moins qu'il y en ait plus que cela !

Le premier roman dresse le portrait d'un jeune journaliste, Dimitri dont on apprend dès la première page sous forme de faire-part qu'il a trouvé la mort à 27 ans dans un accident de voiture. Eric Reinhardt prend le temps de nous présenter ce personnage aussi attachant, intéressant qu'agaçant. Il déroule le fil de la vie de Dimitri, brillant, mobile et insaisissable à travers une carte du tendre très mouvementée, Dimitri tombant souvent amoureux et courant après une femme qu'il rencontre en plusieurs lieux. C'est assez irrésistible, on a l'impression d'être dans un Truffaut à suivre un personnage qui fusionnerait le Jean-Pierre Léaud de Baisers volés et le Charles Denner de L'Homme qui aimait les femmes, irrésolu, idéaliste et ayant du mal à s'extraire de ses rêves pour vivre dans la réalité.

Le deuxième roman est une enquête, celle que poursuit Dimitri, en fait le récit d'un fiasco français qui a conduit la France à passer à côté de la possibilité de devancer les Etats-Unis dans la création d'Internet. La thèse d'Eric Reinhardt est ultra convaincante et documentée, construite autour du témoignage de l'ingénieur informatique Louis Pouzin : il a conçu le système de transmission de données électroniques, le datagramme. Même si je ne suis pas du tout fan ni experte en geekerie, l'auteur nous ferre en construisant son enquête quasi comme un thriller. Les pages sont mordantes et fort sarcastiques, tirant à boulet rouge sur la vieille France, sur les privilèges d'une classe politique sclérosée par le lobbying, sur le corporatisme stupide des corporatismes et l'impunité des puissants qui ont aveuglé et manipulé le pouvoir en place ( en l'occurence Valéry Giscard d'Estaing qui se targuait pourtant de modernité et a choisi le Minitel plutôt qu'Internet ). C'est acerbe et hautement réjouissant !

Pour autant, est-ce que j'ai aimé que ces deux romans n'en forment qu'un seul ? J'avoue que je n'ai pas toujours vu le lien entre le récit intime centré Dimitri et l'enquête à charge. C'est vrai que dans les deux cas, Eric Reinhardt pointe du doigt ces moments où le destin bifurque, ces événements qui devient le cours des choses et font basculer dans un après. Mais il m'a manqué un autre fil conducteur que le simple fait que Dimitri mène l'enquête lui-même. Bref, je me pose encore la question.

Ce qui est sûr, c'est que ce roman est d'une vivacité remarquable. Que l'acuité sur l'époque dont fait montre Eric Reinhardt crève les pages. Que le style de l'auteur est incontestablement brillant, son écriture, totalement maitrisée, emplie de nombreux degrés, m'a régalée, notamment dans les dialogues. Et quel humour, qualité plutôt rare pour un roman qui se veut aussi sociologique et politique. C'est souvent très très drôle : les lettres qu'écrit Dimitri à un Giscard nonagénaire pour lui demander des comptes à la frontière du harcèlement sont hilarantes.

A noter une passionnante digression ( ou roman dans le roman, un de plus ) sur la façon dont le peintre Max Ernst apprend à Jackson Pollock la méthode du dripping qui donnera naissance à l'art abstrait américain et permettra à New-York de supplanter Paris comme capitale de l'Art.
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