Bénédicte Ombredanne désire rencontrer l'auteur car elle a beaucoup aimé son dernier livre. Elle lui raconte sa vie difficile, auprès d'un mari pervers, harceleur, Jean-François, qui lui fait subir tous les jours une maltraitance psychologique sans bornes.
Bénédicte est agrégée de lettres et enseigne dans un collège. Elle a deux enfants Lola et Arthur dont elle suit les études de très près. Chaque instant de son
existence est contrôlé par son mari, elle doit justifier son emploi du temps sans arrêt, n'a pas le droit d'avoir un portable car elle pourrait lui échapper, c'est lui qui l'appelle, qui gère le budget au centime près et se met en colère dès que les explications de Bénédicte ne sont pas suffisamment claires.
Un soir, en rentrant, elle le trouve les yeux rivés sur l'écran de télévision, hurlant dès que les enfants prononcent un mot, car on parle de harcèlement moral et il se reconnaît dans le tableau décrit par les femmes qui témoignent. Il passe une partie de la nuit à pleurer et bien sûr, c'est sa femme qui le console.
Cette nuit-là, persuadée qu'il est conscient de son problème, elle a une furieuse envie de liberté, s'inscrit sur Meetic et discute notamment avec un homme qui lui plaît, Christian et qu'elle finit par rencontrer pour passer avec lui une journée mémorable.
Comment va-t-elle réagir après cette rencontre ? Prendre sa vie en mains ? Je vous le laisse découvrir.
Ce que j'en pense :
J'aime beaucoup ce livre. J'ai eu un coup de foudre en regardant la grande librairie où l'auteur a raconté comment est né ce livre. Si on aime les longues phrases, à la
Balzac... un thème difficile qui est abordé sans tabou, cette lecture ne peut pas laisser indifférent à plus d'un titre.
L'écriture est très belle, musicale. Enfin un auteur qui fait de belles et longues phrases et ne s'arrête pas à sujet, verbe, complément. Qu'il parle d'un paysage, des arbres dans la forêt, ou qu'il parle des affects, du ressenti et de la fragilité de son héroïne.
Au début, c'est léger, la rencontre entre l'auteur et Bénédicte, leurs conversations dans le bar… et tout à coup la violence surgit et on hésite à continuer à lire, car elle est décrite de façon très réaliste, les mots sont percutants. J'ai détesté Jean-François viscéralement, avec une sombre envie de meurtre et je me demandais pourquoi elle restait, elle, si brillante par rapport à lui, pauvre aussi bien intellectuellement qu'affectivement. On le voit enfermer progressivement sa femme, l'isoler, la surveillant sans cesse avec perversité.
Ce qui m'a dérangée, c'est l'irruption soudaine de l'auteur dans le livre p 212, comme par effraction. J'étais tellement en empathie avec Bénédicte que j'avais oublié qu'il faisait partie de son roman. Cela a cassé un peu la magie du texte, comme si cette effraction venait lui donner le beau rôle, celui du sauveur ; pourquoi ce besoin d'occuper la scène ? Il n'est pas le psy de Bénédicte… « je me suis décliné en spéculateur financier, en révolté terroriste et en salarié résigné, en plus de me mettre en scène moi-même, sous mon propre nom, en écrivain insatisfait. A mesure que le roman progresse, les personnages donnés d'emblée pour fictionnels peuvent offrir le sentiment de devenir effroyablement véridiques, tandis que les contours à priori documentaires de l'écrivain finissent par s'estomper dans les brumes d'un récit féérique, comme s'il s'affranchissait de tout réalisme ». p 15
C'est le seul reproche que je ferai à Eric Reinhardt, et encore en relativisant car, dans la troisième partie de son roman, il se redonne la juste place. Mais peut-être était-ce volontaire pour atténuer la violence, pour protéger davantage le lecteur.
Je le répète, j'ai beaucoup aimé ce roman, c'est un bon livre, peut-on dire. L'écriture est sublime, par moment, j'étais même dans mon XIXe siècle adoré. En lisant, Bénédicte me faisait penser à « La dame aux camélias », tant elle semble fragile, romantique, éthérée, Madame Bovary disent certains critiques. Peut-être parce qu'elle s'intéresse aux belles lettres, en particulier à Villiers de l'Isle Adam dont elle parle si bien qu'elle donne envie d'aller ouvrir « les contes cruels » et qu'elle aussi est une férue du XIXe siècle.
Bref, un livre poignant, sublime et tellement juste qui ne m'a pas laissée indemne, et qui fait réfléchir face à ce fléau. Certes, je suis dithyrambique, mais c'est justifié et je pense qu'il touchera beaucoup de lecteurs, peut-être davantage les amoureux des belles phrases, remplies de musicalité. Donc : coup de coeur, pépite.
Note : 9,2/10
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