Le roman commence ainsi:
"...On a tous une odeur.
Un parfum particulier qui nous transporte, même furtivement, vers les territoires reculés de l'enfance..."
Moi, le lecteur, votre obligé, je suis aussitôt tenté de faire une pause ( déja), de me replonger vite fait dans ces moments privés où, à l'abri des regards ( ou pas), j'approche de mes narines d'un geste tremblant un livre neuf et le dépouille d'un peu de son odeur d'usine.
Nous avons tous nos addictions, des rituels singuliers qui distinguent notre nature, des habitudes que nous partageons souvent secrètement avec les autres d'ailleurs.
L'héroïne de ce roman met d'or et déja la barre très haut.
Nous la percevons rapidement comme quelqu'un d'unique.
"...la mienne, celle du Munster. Ou du camembert.
Et parfois du roquefort. Choisissez parmi les fromages les plus puants...".
Nul besoin de se demander si elle se posera au fil des pages comme un personnage d'attachant, Robin Drew "Birdie" Solo, 13 ans, car elle fait preuve d'une grande sincérité en se confiant à nous et, dans son rituel, n'a probablement pas peur de déplaire.
On aime déja.
D'ailleurs le fromage est une affaire de famille, son père est le fondateur du commerce familial: une fromagerie.
On ne va tout de même pas se renier soi-même.
Les jeunes lecteurs ados devraient se régaler de bien plus que du fromage.
La verve de l'auteure Dana Reinhardt pour décrire les gens ordinaires est aussi tendre, juste, caustique que la plume de
Susin Nielsen, auteure pour ados que nous apprécions chez Hélium.
Avec Susin, nous rions beaucoup car les points de vue de ces jeunes héros font à chaque fois mouche sur la nature humaine des adultes.
L'héroïne Robin est, malgré ses 13 ans, de cette trempe d'ados qui semblent avoir grandi trop vite et à qui les grands ne peuvent plus raconter d'histoires pour justifier leurs comportements trop humains, dirions-nous.
C'est la période de l'été et le roman nous place dans un sentiment de flottement.
C'est la puberté et Robin, qu'elle le veuille ou non, sent bien qu'il y a du changement.
Les autres lui font remarquer qu'à son âge, elle n'est pas très gourmande de popularité.
Du coup, elle s'interroge, constate avec une inquiétude croissante qu'elle s'éloigne du moule général, le genre de questions qui ne l'auraient pas probablement soucié auparavant.
Les filles de son école pensent et rêve "garçons".
Où en est-elle avec le sujet?
Dana Reinhardt dresse deux figures qui vont la faire réfléchir pour les vacances: Nick, 19 ans et Emmett, 13 ans.
Nick, l'apprenti du magasin, est de loin la figure la plus masculine qu'elle connaisse et en plus, il est beau gosse (selon ses critères).
Emmett arrivera à point nommé à un moment où son nouvel âge de raison ( 13 ans) va faire vaciller les illusions amoureuses de Robin et réduire ses fantasmes à néant.
Nick est trop vieux et d'ailleurs, c'était un signe, il lui tapote régulièrement la tête gentiment, comme le ferait une personne plus âgée avec une enfant.
Emmett est un nouveau garçon dans le quartier, il n'est pas élève dans son école.
Il cultive à la fois une spontanéité très attractive mais aussi beaucoup de mystères autour de son propre quotidien qui inciteront Robin à s'en rapprocher.
Qu'il est rassurant de partager autant de points communs avec un garçon et en plus, un garçon de son âge.
L'auteure nous fait sourire, persistant et signant à fournir matière à douter chez son jeune personnage, à hésiter entre ses deux fantasmes tandis que, nous le lisons, les choses sont très claires dans son esprit pourtant.
Ah les doux sentiments...c'est compliqué de lutter.
L'affaire "Emmett" sera l'occasion pour Robin d'envisager une situation familiale complètement différente de la sienne.
Que se passe t-il lorsqu'un ado de son âge se trouve obligé de faire les poubelles de sa fromagerie?
"
L'été où j'ai appris à voler" sera un passage tout de même, le doux tremplin de l'enfance à la grande adolescence, en douceur.
Ca se lit avec facilité, on sourit beaucoup et mère et fille auront des choses à se dire.
Ce n'est pas simple non plus d'élever une ado.