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Critique de Michel69004


Il parait que c'est un O.L.N.I.
C'est à la mode, cette histoire d'objet littéraire non identifié, mais celui-ci a obtenu le surprenant Prix Méduse 2023. Pourquoi pas ? Ça convient tout à faire à ce livre étrange, écrit par la jeune Alice Renard. Tout le petit monde de la littérature connait désormais Alice, 21 ans, prodige neuro-atypique atteinte de précocité et d'hypersensibilité. Son ultra-médiatisation (deux pages dans le monde, des chroniqueurs sidérés…) a failli la faire passer pour un phénomène de foire.
Il faut absolument mettre tout cela de coté même si une petite voix me dit:
« C'est juste pas possible, on ne peut pas rentrer dans la tête d'une autiste, de ses parents, d'un vieux et d'une ado atypique. Mais c'est qui cette Renard ? Un nouveau Mozart de la littérature ? » La petite voix me souffle d'autres suggestions, encore plus méchantes. Alors je décide de l'étouffer définitivement et de prendre le livre comme il est, comme il vient, comme je le ressens.
Et c'est plutôt ébouriffant.
J'adore l'idée du triptyque.
Un:
« père » et « mère » racontent à tour de rôle leur désarroi face à Isor, leur fille « étrange » qu'ils comprennent si peu. Ils racontent les colères, les crises clastiques, son désordre effarant, le chaos qu'elle sème et qu'il tente de récolter comme ils peuvent, avec des cassettes VHS ou des marathons de télé japonais.
Ils racontent les énormités diagnostiques, les aréopages de savants, de soignants.
Ils racontent leur décision : « Désormais ce sera nous ». Isor ne sera jamais scolarisée…
Ce père d'origine italienne (Camillio) est spécialisé dans le lavage de vitres des grandes tours, la mère (Maude) est pompier. Je le précise, ce n'est pas commun.
Ils s'enferment donc dans un huis-clos mortifère qui durera jusqu'à l'adolescence.
La petite voix dans ma tête me susurre quand même : « Elle est juste totalement barrée cette gamine, j'en ai déjà vu quelques-unes comme ça etc. »
Les parents ont vidé tout leur stock de tendresse, leurs réserves sont épuisés. Moi aussi d'ailleurs. Et puis il se produit dans ma lecture une sorte de saut quantique.
Deux:
Lucien raconte Isor et ils tombent raides dingues l'un de l'autre.
Lucien est un voisin, c'est surtout un presque vieillard.
Et là je sors complètement de ma lecture « clinique »:
C'est une histoire, c'est un conte. Un conte hyper-réaliste et totalement baroque.
Ici, c'est le corps qui pense et qui ne se trompe jamais. C'est furieusement beau.
Trois:
J'accède au langage d'Isor. J'entends enfin sa langue gorgée de poésie dys-syntaxique.
Le travail d'Alice Renard sur les lettres d'Isor est absolument jubilatoire.
Il s'en dégage une joie solaire qui m'a enchanté et que je porte encore.
Mais il a fallu faire taire la petite voix en moi qui m'isolait du merveilleux et de l'inattendu.
Une petite réserve tout de même : le titre, qui fait un peu développement personnel...
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