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Critique de jvermeer


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« Renoir allait jusqu'à proscrire de son vocabulaire le mot « artiste ». Il se présentait comme un ouvrier de la peinture. »

Le livre du cinéaste Jean Renoir parlant de son père pierre-Auguste Renoir est à coup sûr la biographie la plus complète et passionnée que j'ai pu lire sur le peintre, de sa petite enfance insouciante à son décès à 78 ans à Cagnes-sur-Mer.

Le cinéaste nous distille la vie de l'artiste dans un fourmillement de détails : amas de souvenirs, impressions personnelles, notes intimes du peintre. Au fil des pages, nous découvrons des personnages, des lieux : Cézanne, Zola, l'Ecole de Barbizon, la forêt de Fontainebleau, Manet, Courbet, Pissarro, Durand-Ruel. Toute une époque et son ambiance.
« Renoir était une merveilleuse machine à absorber la vie. Il voyait tout, comprenait tout et le faisait sien. ».

Jean Renoir, en vrai conteur, nous offre ces conversations intimes avec son père, qu'il appelle « Renoir », l'un des plus représentatifs du groupe des peintres impressionnistes. Des moments souvent décrits sur un ton gouailleur : « Madame Lévy était une grande brune. Mon père, n'avait jamais pris une femme dans ses bras. « Autant que je me souvienne elle était assez bien, mais osseuse, de grandes jambes, de grands bras, une jolie poitrine ». Elle regardait travailler mon père en soupirant : « Je suis seule… Je m'ennuie ». Renoir concluait : « Elle avait dû lire Madame Bovary, cette poufiasse sentimentale ! »

Je conte, ci-dessous, quelques anecdotes de vie de ce grand artiste, plus particulièrement sur la période des années 1860-1880 qui, personnellement, est ma préférée.

Tout le monde à Montmartre, où Renoir habitait, connaissait ses vêtements gris rayés et son petit chapeau de feutre. « On l'aurait pris pour un notaire de province ». Il n'avait aucun mal à trouver des modèles. Sa méthode était efficace : « Présentez-moi à votre mère », leur disait-il. Cela lui amenait de nombreux modèles sans passer pour un satyre. Les mères savaient qu'il était peintre et affluaient en lui vantant les qualités de leurs filles. Entre les gamines de la Butte et les modèles professionnels, actrices ou demi-mondaines, ses journées étaient bien remplies. Grâces aux mères, Renoir pourra rassembler les modèles de son futur « Moulin de la Galette » vibrant de lumière, peint en 1876. Il répétait souvent : « Il faut savoir mettre une toile de côté et la laisser reposer. Savoir flâner. »

Été 1869, Auguste Renoir et Claude Monet, ils avaient 28 ans tous les deux, plantent leurs chevalets devant ce motif si peu romantique de l'île de Croissy, lieu de tapage bruyant et agité faisant guinguette et bains : la Grenouillère. Les « grenouilles », étaient des femmes légères, de petite vertu, libres, s'amourachant rapidement. Parmi celles-ci, Renoir trouvait de nombreux modèles, bonnes filles qui se déshabillaient facilement et ne coûtaient pas cher. Il ne s'en privait pas… Les deux amis allaient réaliser, avant même que le mot n'existe, leurs premières oeuvres « impressionnistes »

En 1874, ils étaient une trentaine à accrocher leurs toiles sur les murs rouges de l'atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Tout les avant-gardistes étaient présents : Monet, Pissarro, Morisot, Sisley, Degas, Renoir, Cézanne, Guillaumin… Les gens allaient à l'exposition pour « rigoler ». La superbe « Loge » de Renoir fut particulièrement visé : « Quelles gueules ! Où a-t-il été pêcher ses modèles ? » Monet présenta une charmante toile avec un gros soleil rouge se reflétant dans l'eau. Ne sachant quel titre donner à « cette chose » pour le catalogue de l'exposition, il l'appela « Impression, soleil levant ». le fameux critique du Charivari, Louis Leroy, par dérision, parla d'impressionnisme…

Au cours de l'été 1879, Renoir avait trente-huit ans et était amoureux d'une couturière, Aline, la future mère de Jean Renoir qui entrait dans sa vie. « Prends-le riche et pas trop jeune ! Avec ta frimousse ce ne sera pas trop difficile ! » lui avait dit sa patronne couturière qui voulait la marier. Elle avait dix-neuf ans, et Renoir une vingtaine de plus. Elle avait un côté « chatte », et possédait ce que Renoir adorait chez les femmes : une peau qui ne repousse pas la lumière.
Aux beaux jours, il emmenait Aline à l'hôtel-restaurant-guinguette Fournaise sur l'île de Chatou, le long des berges de la Seine. de nombreux artistes et écrivains, dont Guy de Maupassant, venaient pour le canotage. Cet homme de plume sautait sur toutes les habituées du restaurant portant jupon ! le soir c'était la fête. Paul Lhôte poussait son refrain favori, « Mam'zelle Nitouche », sous les applaudissements des convives qui reprenaient en choeur.

Renoir avait depuis longtemps un projet ambitieux en tête, un « Déjeuner des canotiers » : au bord de l'eau, une belle journée ensoleillée, deux tables, une dizaine de jeunes femmes et jeunes gens de la bourgeoisie aisée s'amusent autour d'un déjeuner. En 1880, le restaurant Fournaise et son balcon allaient devenir le nouvel atelier en plein air de Renoir. Cette atmosphère de bonheur et de joie de vivre marqua un tournant dans son oeuvre qui allait emprunter de nouveaux chemins.

Les lecteurs qui aiment Auguste Renoir doivent lire ce livre foisonnant d'anecdotes. L'amour et l'admiration du fils envers son père affleure constamment dans cette masse de souvenirs : « Les années et mes propres expériences me permettent de le mieux comprendre. » - Jean Renoir

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