AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Ferraille, Plein verre, le chant des morts, Bois vert, suivi de Pierres Blanches
Ce soir, je voudrais vous parler d'un poète méconnu et vous le faire aimer à travers ce recueil de poèmes. Son nom peut-être vous parle très peu, ou un peu, ou pas du tout. Pierre Reverdy demeure invisible dans les ouvrages scolaires, dans les réseaux sociaux, dans la sphère poétique d'une manière générale, où Pierre Reverdy est sans doute inclassable. Cependant sa poésie est somptueuse.
Les vers de Pierre Reverdy sonnent ici comme une musique minérale, épousent les éléments naturels, les paysages, le réel de nos vies, la dimension parfois mystique qui peut nous questionner dans cette existence éphémère...
C'est une poésie que je trouve solaire. Dépouillée. C'est une sève qui se gonfle aussi de mystères.
On pourrait imaginer que le résultat en sera une joie effrénée... Mais une ombre à chaque fois survole ces vers, c'est une angoisse, le doute qui vient comme la porte d'un jardin qui effraie les oiseaux lorsqu'on l'ouvre. Il y a toujours pour Pierre Reverdy quelque chose qui manque au paysage, qui manque au monde, un ciel en attente, une terre fragmentée de douleurs, un coeur nu qui bat seul dans le paysage.

« le monde est ma prison
Si je suis loin de ce que j'aime
Vous n'êtes pas trop loin des barreaux à l'horizon
L'amour la liberté dans le ciel trop vide »

Ce monde extérieur est sans doute une manière pour le poète de se confronter à son monde intérieur, qui ressemble par moments à de la détresse.

« Et le coeur désuni
Abîme des oiseaux et des jours sans rien faire »

C'est le bruit d'un ruisseau qui secoue les mots. Chaque vers est beau, puissant, il est la rencontre d'une émotion avec la nature. J'ai aimé cette rencontre.
Puis, j'ai senti un drame intérieur peser dans l'envers du décor.
L'océan, le vent, le ciel, les nuages, les étoiles deviennent des itinéraires où le poète dit son inquiétude, son mal-être. Ne connaissant pas l'histoire intime de Pierre Reverdy, je ne saurai pas aller plus loin sur ce chemin, d'ailleurs je pense qu'il ne le faut pas... C'est un chemin qui lui appartient.
Cela fait très longtemps que j'ai découvert la poésie de Pierre Reverdy. Je ne me souviens plus comment, je crois que c'était au hasard de l'étalage d'une librairie... J'avais tout de suite été séduit par sa manière de construire la phrase, la casser, la reconstruire, la redéployer comme une vague plus belle encore, pour la laisser suspendue au bord du vide.
Sa poésie me trotte toujours dans la tête, elle me revient de temps en temps comme le ressac de la mer. Je tente de la comprendre, de comprendre les sentiments qui s'y cachent, ceux d'un poète pudique, des sentiments enfouis dans les mots comme on cache des objets dans le sable.
Je me souviens qu'elle m'avait fait du bien au moment où je l'avais rencontrée. C'étaient les mots que je voulais lire à ce moment-là. Peut-être qu'elle m'a sauvé, qui sait ?
Il y a souvent comme une allusion à des chemins souterrains dans ce qu'il décrit.
Le souvenir d'une femme parfois perce le rideau des pages.

« Je t'aime sans jamais t'avoir vue que dans l'ombre
Dans la nuit de mon rêve où seul je peux y voir
Je t'aime et tu n'es pas encore sortie du nombre
Forme mystérieuse qui bouge dans le soir

Car ce que j'aime au fond c'est ce qui passe
Une fois seulement sur le miroir sans tain
Qui déchire mon coeur et meurt à la surface
Du ciel fermé devant mon désir qui s'éteint »

Un jour, Pierre Reverdy écrivit ses mots : « Il ne faut jamais se fier aux apparences et parler d'un homme sans savoir ce qui se passe dans sa tête quand il se trouve seul, la lumière éteinte, entre ses draps. »
Je vous invite à découvrir la poésie de Pierre Reverdy. Ce recueil est une belle porte d'entrée dans son oeuvre. Même si sa poésie est teintée de tristesse, dans le creux de ses vers, un soleil persiste ou sommeille encore...

« Des fils de souvenirs s'accrochent dans les branches
Des feuilles dans l'air bleu planent à contre vent
Un ruisseau de sang clair se glisse sous la pierre
Les larmes et la pluie sur le même buvard »
Commenter  J’apprécie          5112



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}