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François Chapon (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070322077
251 pages
Gallimard (06/10/1981)
4.41/5   23 notes
Résumé :
Ferraille, Plein verre, Le chant des morts, Bois vert, suivi de Pierres Blanches
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ferraille, Plein verre, le chant des morts, Bois vert, suivi de Pierres Blanches
Ce soir, je voudrais vous parler d'un poète méconnu et vous le faire aimer à travers ce recueil de poèmes. Son nom peut-être vous parle très peu, ou un peu, ou pas du tout. Pierre Reverdy demeure invisible dans les ouvrages scolaires, dans les réseaux sociaux, dans la sphère poétique d'une manière générale, où Pierre Reverdy est sans doute inclassable. Cependant sa poésie est somptueuse.
Les vers de Pierre Reverdy sonnent ici comme une musique minérale, épousent les éléments naturels, les paysages, le réel de nos vies, la dimension parfois mystique qui peut nous questionner dans cette existence éphémère...
C'est une poésie que je trouve solaire. Dépouillée. C'est une sève qui se gonfle aussi de mystères.
On pourrait imaginer que le résultat en sera une joie effrénée... Mais une ombre à chaque fois survole ces vers, c'est une angoisse, le doute qui vient comme la porte d'un jardin qui effraie les oiseaux lorsqu'on l'ouvre. Il y a toujours pour Pierre Reverdy quelque chose qui manque au paysage, qui manque au monde, un ciel en attente, une terre fragmentée de douleurs, un coeur nu qui bat seul dans le paysage.

« le monde est ma prison
Si je suis loin de ce que j'aime
Vous n'êtes pas trop loin des barreaux à l'horizon
L'amour la liberté dans le ciel trop vide »

Ce monde extérieur est sans doute une manière pour le poète de se confronter à son monde intérieur, qui ressemble par moments à de la détresse.

« Et le coeur désuni
Abîme des oiseaux et des jours sans rien faire »

C'est le bruit d'un ruisseau qui secoue les mots. Chaque vers est beau, puissant, il est la rencontre d'une émotion avec la nature. J'ai aimé cette rencontre.
Puis, j'ai senti un drame intérieur peser dans l'envers du décor.
L'océan, le vent, le ciel, les nuages, les étoiles deviennent des itinéraires où le poète dit son inquiétude, son mal-être. Ne connaissant pas l'histoire intime de Pierre Reverdy, je ne saurai pas aller plus loin sur ce chemin, d'ailleurs je pense qu'il ne le faut pas... C'est un chemin qui lui appartient.
Cela fait très longtemps que j'ai découvert la poésie de Pierre Reverdy. Je ne me souviens plus comment, je crois que c'était au hasard de l'étalage d'une librairie... J'avais tout de suite été séduit par sa manière de construire la phrase, la casser, la reconstruire, la redéployer comme une vague plus belle encore, pour la laisser suspendue au bord du vide.
Sa poésie me trotte toujours dans la tête, elle me revient de temps en temps comme le ressac de la mer. Je tente de la comprendre, de comprendre les sentiments qui s'y cachent, ceux d'un poète pudique, des sentiments enfouis dans les mots comme on cache des objets dans le sable.
Je me souviens qu'elle m'avait fait du bien au moment où je l'avais rencontrée. C'étaient les mots que je voulais lire à ce moment-là. Peut-être qu'elle m'a sauvé, qui sait ?
Il y a souvent comme une allusion à des chemins souterrains dans ce qu'il décrit.
Le souvenir d'une femme parfois perce le rideau des pages.

« Je t'aime sans jamais t'avoir vue que dans l'ombre
Dans la nuit de mon rêve où seul je peux y voir
Je t'aime et tu n'es pas encore sortie du nombre
Forme mystérieuse qui bouge dans le soir

Car ce que j'aime au fond c'est ce qui passe
Une fois seulement sur le miroir sans tain
Qui déchire mon coeur et meurt à la surface
Du ciel fermé devant mon désir qui s'éteint »

Un jour, Pierre Reverdy écrivit ses mots : « Il ne faut jamais se fier aux apparences et parler d'un homme sans savoir ce qui se passe dans sa tête quand il se trouve seul, la lumière éteinte, entre ses draps. »
Je vous invite à découvrir la poésie de Pierre Reverdy. Ce recueil est une belle porte d'entrée dans son oeuvre. Même si sa poésie est teintée de tristesse, dans le creux de ses vers, un soleil persiste ou sommeille encore...

« Des fils de souvenirs s'accrochent dans les branches
Des feuilles dans l'air bleu planent à contre vent
Un ruisseau de sang clair se glisse sous la pierre
Les larmes et la pluie sur le même buvard »
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Je constate avec étonnement, regret et même tristesse que je suis la première à faire une critique de ce magnifique recueil de poèmes. J'aimerais vous donner l'envie de (re)découvrir ce poète, dont j'apprécie l'authenticité, l'aspect angoissé et torturé mais aussi l'attraction inspirée pour la nature, l'univers.

Pierre Reverdy : voilà un prénom et un nom merveilleusement appropriés pour un poète qui fusionne avec les éléments naturels, minéraux ! A l'époque de la publication de ce recueil, en 1937, il a la quarantaine.Retraite intérieure, désolation, peur du vide le rongent.Élans cosmiques,chant du mouvement, feu intime le sauvent.

Le lien tendre avec la nature, lieu de l'exaltation,s'exprime souvent dans ses poèmes :
" A tous les tournants de la terre
A tous les vertiges du vent
Une colonne de velours dans la clairière
Oú les branches sont des limailles de soleil"

Mais la nature peut aussi être source de souffrances, elle lui échappe, s'enfuit ,se dilue , il ne l'atteint plus:
" Des images
Des images
Sans aucune réalité pour se nourrir"

Un poème en particulier me bouleverse toujours, quand je le relis. Je ne saurais dire exactement pourquoi. C'est pour moi le cri déchirant d'un homme en proie à ses démons intimes, qui s'interroge sur l'impermanence des êtres et des choses, sur sa propre existence. C'est "Coeur à la roue", dont je vous cite quelques vers:
" Il suffirait d'un geste à peine dessiné
D'un mouvement de lèvres sans murmure
D'un regard sans intention trop arrêtée
Il suffirait de rien
Mais rien ne suffira
Dans la nuit de velours
Masque du vide"

J'espère avoir réveillé vos fibres poétiques. Allez à la rencontre dePierre Reverdy , entre désespoir et passion, obscurité et fulgurances. A chaque relecture, les frissons m'envahissent,l'éclat pourtant noir de ce poète reverdit mon coeur...
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds.
Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue.
Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les dérisions tranchantes de l'esprit.
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Ces lignes à franchir…


Ces lignes à franchir
que je ne peux pas lire
Ces formes inouïes qui
ne veulent rien dire
Que la mort
La mort étant le plus
juste prix
Le poids du corps dans
la balance
Et l'étrange circuit
de la distance
Au bout des fils qui
se rejoignent dans
le port
Départ demain
vers d'autre houles
vaines
Retour certain au
foyer sans chaleur
Une peine jamais éteinte
sous la cendre
ni braise ni chardon
ni flamme
On ne pense à rien
de réel
Pas plus de terre que
de ciel
Pas plus d'écho
que de silence
Encore moins la flèche
d'un regard
Déliés dénoués rompus
Nœuds de l'espoir
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Tendresse


Mon cœur ne bat que par ses ailes
Je ne suis pas plus loin que ma prison
Ô mes amis perdus derrière l’horizon
Ce n’est que votre vie cachée que j’écoute
Il y a le temps roulé sous les plis de la voûte
Et tous les souvenirs passés inaperçus
Il n’y a qu’à saluer le vent qui part vers vous
Qui caressera vos visages
Fermer la porte aux murmures du soir
Et dormir sous la nuit qui étouffe l’espace
Sans penser à partir
Ne jamais vous revoir
Amis enfermés dans la glace
Reflets de mon amour glissés entre les pas

Grimaces du soleil dans les yeux qui s’effacent
Derrière la doublure plus claire des nuages
Ma destinée pétrie de peurs et de mensonges
Mon désir retranché du nombre
Tout ce que j’ai oublié dans l’espoir du matin
Ce que j’ai confié à la prudence de mes mains
Les rêves à peine construits et détruits
Les plus belles ruines des projets sans départs
Sous les lames du temps présent qui nous déciment
Les têtes redressées contre les talus noirs
Grisées par les odeurs du large de la terre
Sous le fougue du vent qui s’ourle
À chaque ligne des tournants
Je n’ai plus assez de lumière

Assez de peau assez de sang
La mort gratte mon front

Et la même matière

S’alourdit vers le soir autour de mon courage
Mais toujours le réveil plus clair dans la flamme
de ses mirages
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Des fils de souvenirs s'accrochent dans les branches
Des feuilles dans l'air bleu planent à contre vent
Un ruisseau de sang clair se glisse sous la pierre
Les larmes et la pluie sur le même buvard
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Je t'aime sans jamais t'avoir vue que dans l'ombre
Dans la nuit de mon rêve où seul je peux y voir
Je t'aime et tu n'es pas encore sortie du nombre
Forme mystérieuse qui bouge dans le soir
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Videos de Pierre Reverdy (27) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pierre Reverdy
Robert Bober Il y a quand même dans la rue des gens qui passent - éditions P.O.L où Robert Bober tente de dire comment et de quoi est composé son nouveau livre "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent", et où il est notamment question de son précédent livre "Par instants la vie n'est pas sûre" et la poursuite de sa conversation avec Pierre Dumayet, d'identité indéterminée et d'identités, d'innocence et de bonté, d' enfance et de rencontres, du yiddish et de Georges Perec, de Seth et de Julien Malland, de Martin Buber et de Gaston Bachelard, de Cholem Aleikhem et du film "Tevye le laitier" de Maurice Schwartz, de Zozo et de la rafle du Vel d'hiv, d'images et livres, de Robert Doisneau et de la photographie, de Pierre Reverdy et de la librairie du Désordre à la Butte aux Cailles, à l'occasion de la parution de "Il y a quand même dans la rue des gens qui passent" en octobre 2023 aux éditions P.O.L, à Paris, le 10 janvier 2024

"– Alors, toujours aussi gros ? – Et toi, toujours aussi con ? C'est comme ça que j'ai compris qu'ils étaient copains. le gros, derrière son comptoir, c'était le patron du bistrot-guinguette « Chez Victor » situé derrière la place des Fêtes au fond de l'impasse Compans. le con était accoudé au zinc en attendant d'être servi. Plus tard, bien plus tard, je suis retourné voir le bistrot « Chez Victor », je ne l'ai pas retrouvé. Tout le quartier avait été détruit."
+ Lire la suite
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