Toutes les maisons, grandes ou petites, perdent leur réalité, lorsque les êtres qu'on aime ne les habitent plus.
Impossible d'alléguer que mes études me passionnaient. Je m'étais réjouie à l'idée d'étudier la littérature anglaise mais j'avais constaté très vite que la dissection et l'analyse sans fin des textes étaient suprêmement destructrices. J'avais envie de lire, pas d'écrire sur ce que j'avais lu. Shakespeare en apportait la plus belle démonstration. J'avais été emballée en voyant au théâtre Le Marchand de Venise et Le Conte d'Hiver, mais décortiquer chacune des répliques de ces oeuvres m'ennuyait profondément. Les cours d'histoire de l'art ne valaient guère mieux. L'examen des photographies de la cathédrale de Florence ou de l'intérieur de celle de Salisbury me paraissait tout aussi vain. J'avais besoin d'humer les édifices, d'entendre le claquement sec de mes talons sur les dalles. J'irais même jusqu'à dire que les grands monuments me laissaient de glace si je n'avais pas avec eux un contact physique, me permettant d'en imprégner tous mes sens.
A dix-huit ans, lorsqu'on attend impatiemment qu'il se passe quelque chose (et n'importe quoi peut faire l'affaire, du moment que cela implique la présence d'un garçon et de jolies toilettes), le fait d'habiter une telle demeure donne de vous une idée très précise, avant même que vous ayez ouvert la bouche".
Les garçons ne valent pas tous les soucis qu’ils nous causent, pensai-je.
Il était bien plus sage de se contenter de lire des romans, dans lesquels ont voit le héros arriver à des kilomètres.
Quand je raconte à des gens comment j'ai réagi en entendant pour la première fois Elvis chanter "Mystery Train", ils ne me croient pas. Le reste de l'Angleterre - à moins que d'autres amis de Sam Phillips ne soient venus dans notre pays fin décembre, avec des disques édités par sa très modeste maison, ce dont je doute sincèrement - ne découvrit Elvis qu'au début de 1956. Mais dans le hall de Magna, nous écoutions déjà celui qu'on appellerait le King dès les premières heures de 1955.
L'année qui commençait était une page blanche, et que pouvait-on espérer de mieux que des pages blanches?
Je voyais bien que tante Clare servait de modèle à Charlotte dans sa façon de s'exprimer. Toutes deux parlaient d'une manière à la fis précieuse et totalement naturelle.