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Critique de dido600


Même en Algérie, pour des raisons plus politiciennes qu'historiques, on avait, jusqu'à un certain moment, mis entre parenthèses le drame vécu par les dizaines de milliers de manifestants Algériens (trente mille ?), ayant défilé pacifiquement (sans armes et parfois accompagnés de leurs familles dont les enfants...) au coeur de Paris... pour, alors, seulement dénoncer le couvre-feu imposé à la seule communauté par le Préfet de Paris de l'époque (Michel Debré farouche partisan de l'Algérie française, étant alors Premier ministre de Charles de Gaulle)... le sinistre Marcel Papon (celui-là même qui avait envoyé aux camps de concentration nazis, massivement, les juifs de France... et qui, par la suite, récupéré, devint, en tant que Préfet,durant la guerre de Libération nationale, le bourreau du Constantinois). Nommé à Paris en tant que Préfet de police, en mars 1958, il avait été alors chargé de mettre sur pied des unités de harkis dirigés par des officiers supérieurs des Sas, «importés» d'Algérie, qui devaient «combattre», tout en s'appuyant sur la police et la justice locales, par tous moyens (eux aussi «importés» comme la torture et les exécutions sommaires), la «rebellion».

Date : 17 octobre 1961. 20h30. A cinq mois de la fin de la guerre. Onze mille personnes sont raflées, brutalisées (par dix mille agents bien armés) et détenues dans des «camps de regroupements» improvisés. Plusieurs centaines de personnes (dont le petite Fatima Beddar, âgée à peine de 15 ans, retrouvée plus tard noyée dans le canal Saint Denis) sont frappées à mort et «noyées par balles» dans la Seine. Bilan OFFICIEL : Deux (2) morts... Un mensonge d'Etat... qui va durer plusieurs dizaines d'années. En realité, 246 décès dont 74 non identifiés... tous les crimes ayant abouti plus tard à des «non-lieux».

En France même, ce fut la chape de plomb sur les archives policières et judiciaires... pour protéger entre autres la police (et l'armée puisque les harkis «détachés» faisait partie de l'armée) et, aussi, Maurice Papon. Mais voilà qu'un «simple citoyen», n'ayant pas vécu la guerre (né en 1951), simple éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse, va se faire chercheur, en «héros moral» (Mohamed Harbi), «Pionnier de la mémoire de la guerre d'Algérie» (Catherine Simon). Jean -Luc Einaudi (décédé en mars 2014), durant trente ans, va surmonter une foultitude d'obstacles : omerta, archives verrouillées, menaces, procès (dont un intenté par.. Maurice Papon duquel il sortira vainqueur grâce à ses révélations qui «enfoncèrent» le Vichyste protégé par l'amnistie liée à la guerre d'Algérie,)... pour faire connaître et reconnaître le «crime d'Etat». Lequel avait été suivi, le 8 février 1962 par le massacre (neuf morts, tous «Français») au métro Charonne (une ‘manif' non violente anti-Oas et pour la paix initiée, entre autres, par le Pc et la Cgt). Son premier livre (Il en a fait paraître 17 pour la plupart consacrés à la guerre d'Algérie), paru en octobre 1991, La bataille de Paris, dédié à Jeannette Griff, neuf ans, déportée de Bordeaux à Auschwitz en septembre 1942 et à Fatima Bedar, «allait modifier radicalement le rapport de force dans l'affrontement entre le déni officiel et l'exigence de vérité» (Edwy Plenel, 23 février 2021) . Un déni, qui hélas perdure bien que, depuis la massacre du 17 octobre est rappelé au souvenir des visiteurs par une plaque apposée sur un des quais de la Seine, celui faisant face à la Préfecture de police. Hélas, si les Français savent lire, peuvent-ils comprendre les drames racistes, esclavagistes et colonialistes ? On en doute.
Un livre incontournable pour bien savoir ce qui s'est passé en octobre 61 à Paris... et pour comprendre les pratiques, actuelles, du contrôle racialisé. Pour connaître, aussi, les luttes menées, hier et aujourd'hui encore, par des intellectuels (chercheurs universitaires, journalistes, hommes de foi...) français en faveur de l'Algérie et de la Communauté algérienne résidente en France.
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