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Critique de Zebra


Avec « Le rêve d'Amanda Ruth » vous entrez avec beaucoup de pudeur (trop de pudeur ?) dans un univers où des sujets graves constituent autant de thèmes de réflexion :
* le meurtre (Michelle Richmond, l'auteure, dénonce l'assassinat, a fortiori quand il est perpétré sur des adolescentes et avec sauvagerie),
* l'intolérance (Michelle Richmond dénonce l'exclusion dont sont victimes Jenny, Amanda et Allison au prétexte qu'elles seraient lesbiennes alors qu'elles ne font probablement que découvrir leurs corps ; elle dénonce la férocité avec laquelle la société Américaine exclue Monsieur Lee et sa femme au prétexte qu'ils ont conclu un mariage mixte – il est Chinois et elle est Américaine),
* l'amitié et le désir au féminin (l'auteure explore les désirs secrets de Jenny, Amanda et Allison ; le père d'Amanda les surprendra dans des situations équivoques et révoltantes du point de vue de sa propre éducation),
* la solidité très relative des couples (vous découvrirez un Dave, hyperactif et prêt à sauver le monde, marié à Jenny, une femme posée, esseulée et en recherche d'affection ; avec son métier de secouriste, il est confronté en permanence à la détresse humaine ; c'est avec brio qu'il sauve des vies mais, face à Jenny, il reste impuissant à sauver leur mariage qui se désagrège lentement au fil des pages),
* la culpabilité (comment être tout à fait certain qu'on n'est pas un peu responsable de la disparition d'un proche ? comment être sûr qu'on a fait le maximum pour éviter cette disparition ?),
* la mort (Graham est atteint de la maladie de Charcot, maladie dégénérative, douloureuse et incurable qui mène généralement à la mort en deux à trois années),
* l'euthanasie (est-ce que Jenny a socialement, juridiquement et humainement le droit d'aider Graham à mourir?),
* le deuil et la perte des êtres aimés (Jenny perd Amanda ; Monsieur Lee, le père d'Amanda, avait également perdu son frère et sa soeur dans des circonstances poignantes),
* les massacres écologiques perpétrés par certains régimes (Micelle Richmond dénonce avec une agressivité contenue la pollution effroyable et les déplacements de population intervenus en Chine à l'occasion de l'industrialisation du pays et plus précisément de la construction du barrage des trois Gorges sur le Yangzi Jiang).

Les scènes se déroulent avec une lenteur calculée : vous êtes à bord d'une embarcation qui descend le Fleuve Jaune. Vous voguez, au fil des jours et des étapes, le long des rives du troisième plus grand fleuve du monde : les villages et les situations sont méticuleusement décrites, ce qui contribue à faire du voyage une aventure très prenante. Les personnages sont très typés et « photographiés » d'assez près. Il y a de fréquentes intrusions dans les souvenirs et la conscience de chacun, en particulier de Jenny.

Vous serez agréablement surpris par l'originalité de ce roman agréable à lire, assez prenant (sans être toutefois dramatique), romantique (il y a une belle histoire d'amour) et sensuel (le ballet des corps est dépeint par touches successives et sans voyeurisme) qui mêle le rappel des pages sombres de l'histoire contemporaine des rapports entre le Japon et la Chine (par exemple, la capture de jeunes filles à usage des camps de militaires Japonais), l'évocation des désastres écologiques et humains produits par le régime de Mao Dze Dong (vous évoluez dans une Chine factice, artificielle, mise en scène pour les touristes argentés) et l'analyse (sommaire ?) des problèmes liés aux mariages mixtes (Monsieur Lee - le « chinetoque » peine à s'intégrer dans son village américain, malgré son mariage avec une Américaine et des années d'efforts déployés en vue de son intégration).

J'ai lu ce roman (294 pages) d'une seule traite car j'avais hâte de découvrir la façon dont tout ceci allait se terminer (est-ce que Dave et Jenny allaient se remettre ensemble ? est-ce que j'allais connaître l'identité du meurtrier d'Amanda ?). L'écriture est fluide, simple (vous serez peut-être déçus par le manque d'analyse en profondeur des émotions et des sentiments de chaque protagoniste) et légère, avec juste ce qu'il faut de détails (un excès de sobriété ?). Vous en sortirez peut-être un peu frustré car on ne sait pas si le père d'Amanda est le meurtrier, mais je ne pense pas que Michelle Richmond ait voulu écrire un roman policier. Jenny est à la recherche d'un nouveau sens à sa vie. le dernier chapitre s'impose, magnifique, bouleversant, déroutant et d'une grande sobriété (je n'en dis pas plus!).
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