Il est très difficile d'aborder le texte de
Rimbaud en faisant abstraction des rimbaldiens, de cette nuée d'esprits grands ou petits, sages ou sots, qui ont fait
Rimbaud bien plus que ses poèmes ne l'ont fait. Il est encore plus difficile de lire ses poèmes en oubliant toute la mythologie qui s'est développée dessus, à la façon du lierre étouffant les arbres vivants. Bien sûr, il faut accepter ce fait et cette prolifération, dans le cadre d'une théorie de la réception des oeuvres littéraires, mais pour essayer de lire
Rimbaud, il faut modérer la machine à fantasmes, oublier "le génie adolescent", "le voleur de feu", le Communard et autres fadaises. A cet effet, l'approche textuelle, stylistique, voire linguistique, fournit des outils précieux, des méthodes pour atteindre la sobriété et laisser passer la
poésie, non telle que les rimbaldiens la rêvent, mais telle que
Rimbaud l'a écrite. Alors, on rencontrera un grand poète, un grand versificateur (qui fait au vers, en un sens, ce que
Van Gogh fait à la peinture), et aussi un grand prosateur, qui brouille non seulement les limites formelles entre poème en vers et poème en prose, mais aussi entre pensée rationnelle et création de l'imagination. Et supporter les rimbaldiens...