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Critique de Kirzy


« Venir dans cette gare est une étrange idée. Je ne peux pas décrire la puissance de cet élan qui me porte jusqu'à toi. Comment te dire ce qui résonne dans mes temps ? J'aimerais trouver une phrase, juste une, même minuscule, et contraindre mon langage à nommer ce qu'il ne sait pas, quel événement intense a eu lieu depuis que nos peaux se sont effleurées, cette sensation qui a m'a l'air de durer pour toujours. Il a suffi d'un clin d'oeil à la dérobée. Il a suffi de la douceur de tes mains, de ta bouche pleine de sagesse et d'histories extraordinaires, pour que, trois mois plus tard, je me souvienne passionnément de ta présence.
(...) Ce matin, j'ai couru dans les rues de Paris, mon pull instable sur les épaules et des démangeaisons dans les jambes. J'ai couru sans m'arrêter, ne gardant rien en réserve. La fraîcheur couvrait mon visage d'un froid vivifiant, j'ai respiré chaque odeur, la ville était belle, j'ai ralenti, l'air de rien, je l'ai regardée autrement, c'était bon signe. J'ai tout observé : le ciel, le sol et puis les autres, et je suis entrée dans cette gare avec mon désir comme bagage et du feu dans les mains. J'ai pensé : il n'y a rien de plus urgent que d'aller vers toi, d'aller vers plus loin. le reste du monde m'est devenu illisible. »

La narratrice, trentenaire mystérieuse et solitaire, a rendez-vous, gare de Lyon, avec un homme rencontré trois mois auparavant lors d'un vernissage et qu'elle n'a pas revu depuis. Un coup de foudre, nous dit-elle. Elle est arrivée très en avance et attend cet homme. Très rapidement, avec peu de moyens spectaculaires, juste par la force des mots, Aurélia Ringard parvient à instaurer un quasi suspense qui pousse le lecteur vers le dénouement : l'homme viendra-t-il ? existe-t-il seulement ? l'histoire amoureuse est-elle réelle ou la narratrice juste érotomane ? On ne le saura que dans les dernières pages, très belles, très justes.

Mais avant, il y a l'attente. Occasion pour la jeune femme de se transformer en machine à observer  , « en captation permanente », à l'affût du moindre signe de vie. La Gare de Lyon est décrite comme un personnage à part entière, peuplée d'êtres en mouvement. Occasion surtout de revisiter son passé.

En fait, plus qu'un roman sur le désir et la rencontre amoureuse, Jour bleu est un roman sur le temps. Il s'étire, s'allonge, s'accélère, revient en arrière, se projette. le temps de l'inventaire d'une vie, d'une vie qui basculera peut-être après la rencontre. La mémoire s'emballe et c'est avec une évidente fluidité que ce sont les aller-retours temporels, avec une porosité passé / présent bien installée qui relie des chapelets de moments. Même si je suis peu portée vers les romans très introspectifs aux intrigues peu épaisses, j'ai été bercée tout durant le récit par la qualité de l'écriture de cette primo-romancière, les phrases courtes, ciselées, élégantes, traduisent parfaitement le bouillonnement intérieur de la narratrice et le flux de ses émois.

Lu dans le cadre de la sélection des 68 Premières fois #11
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