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Critique de nadejda


C'est dans un style sobre et plein de tact que Jean Rolin aborde les événements graves tels ceux qui se sont déroulés lors de la guerre civile en ex-Yougoslavie où il s'est rendu à plusieurs reprises entre 1992 et 1997.
Il relate, à travers ses notes, des rencontres et des anecdotes sans juger, avec un ton parfois plein d'humour, sarcastique, tout en laissant affleurer malgré sa façon de sembler rester à l'écart, détaché, une grande sensibilité.
Il remarque avec un regard aigu des petits faits à la marge qui permettent finalement de saisir indirectement le drame vécu par les populations durant cette période tout en restant à une distance respectueuse.
«... le colonel prenait l'air, debout dans l'écoutille de son VBL, lorsqu'il aperçut un lapin sur lequel il tira, sans l'atteindre, une courte rafale de mitrailleuse (par la suite, dans cette même «poche de Bihac», les militaires français inventèrent un jeu encore plus amusant qui consistait à massacrer les chiens errants, tout d'abord, puis les chiens tout court, dans la mesure où ces derniers, pour peu qu'ils ne soient pas tenus en laisse, peuvent toujours être envisagés comme errants)». p 64

Il souligne aussi l'espèce d'irréalité qui tient éloigné de la tragédie car il règne à certain moment «Un climat de plage ou de terrain vague, d'adolescence tardive et de fin de saison»
alors que se déroulent, parfois à très peu de distance, des massacres.

Toujours très discrètement il fait part de gestes de solidarité, d'attention qui l'ont touché «Pendant que nous lanternions dans les couloirs du bâtiment, encombrés de gilets pare-balles que l'ONU imposait à tous les visiteurs accrédités, et dont on ne savait jamais que faire, une fois en ville, un officier égyptien m'offrit une petite pomme à peine mûre, dans un geste assez semblable à celui d'un chauffeur de taxi du caire qui plusieurs années auparavant, alors que nous étions englués dans un embouteillage, m'avait donné pour tuer le temps une carotte crue.» p 101

Le retour à une certaine innocence qui ramène vers l'enfance :
«La porte de communication avec la chambre où dorment les deux filles est restée ouverte, peut-être parce que dans un climat de tension, sous la menace, par exemple, d'une reprise nocturne des bombardements, resurgissent des habitudes enfantines, comme celle de laisser les portes ouvertes dans le noir. Lejla 2, qui est brune, est vêtue d'un pyjama rouge à rayures noires, et Marijana, qui est blonde, d'un pyjama blanc lamé. Ainsi vêtues, leurs deux têtes reposant l'une à côté de l'autre sur deux oreillers, elles ressemblent à une illustration de conte pour enfants, à mi-chemin de Boucle d'or et du Petit Poucet.... p 118

Mais brutalement au lever on découvre en fourrageant dans l'évier une balle assez longue, projectile d'un type spécial utilisé par les snipers qui a été tirée dans la nuit.
Sans oublier non plus l'existence de personnage tel Todor Dutina qui a enseigné avant la guerre la littérature comparée à l'université de Poitiers, devenu un de ces fous de guerre qui rappelle Brando dans Apocalypse Now.

Un petit livre qui atteint sa cible en touchant et permettant de comprendre la réalité quotidienne de cette guerre sans faire de mélo.
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