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Critique de jeandubus


Les évènements.

J'imagine volontiers qu'une période de guerre larvée pourrait prendre cette forme de nos jours en France. A force de surinformation et de dilution politique, on ne sait plus qui vraiment tient la laisse du pouvoir et des factions armées trouveraient sans doute un terrain privilégié dans l'abandon du territoire. Peu importent en fait les idéologies quand la finalité serait toujours la même.

Juste avant, on avait plus à faire avec la nature ordonnée pour la consommation et le tourisme de masse qu'à la nature vierge et émouvante. Autoroutes, LGV, parkings et méga surfaces commerciales occupaient l'essentiel de l'univers paysager quotidien du plus grand nombre et il fallait une bonne dose d'héroïsme pour dénicher « un petit coin agréable et bucolique » qui n'aurait pas été choisi ou « élu » par des trip-internautes blasés et vaticinateurs.

Et donc c'est ça les évènements. D'un coup c'est la guerre ; à Paris on descend Sebasto en contre sens depuis la gare de l'est jusqu'à la porte d'Orléans et on croise des groupes armés sans s'arrêter.

Jean Rolin, quarante ans après les « chemins d'eau », nous emmène dans cette rando à chaud en quittant la N20 à Etampes. Car notre promeneur solitaire a gardé l'oeil du poète sur les paysages qu'il enregistre et analyse avec les deux théodolites qui occupent ses orbites de géomètre. Il capte toute l'attention du lecteur avec ses observations méticuleuses. Ses retranscriptions spatiales sont d'une qualité rare.L'art subtil et vrai du "paysage".

Pour avoir fait le circuit initial de Paris à Châteauneuf sur Loire, de nombreuses fois dans les années 70, je retrouve des souvenirs incroyablement précis. La traversée de Sermaise, celle d'Intville et aussi ce restaurant en bord de Loire ou j'ai déjeuné avec des amis et qui devient dans le récit des « évènements » le lieu d'un improbable assaut militaire.

Cette permanence des lieux est la seule à pouvoir réellement rassurer dans le chaos qu'est devenu le territoire... et ces chemins d'écoliers, chemins de jeunesse se faufilent sous les autoroutes ou dans le creux des villes au détour d'un Proximarket dévasté.

Qu'importe alors que les anciens esclaves des têtes de gondoles aient revêtu des treillis et des casques pour s'emmerder tout autant aux check point qui jalonnent la route de Clermont Ferrand à Marseille, qu'importe que toutes les usines de tire-bouchon aient été pillées, que les hôtels soient en ruine et les communications ratatinées, l'essentiel est de conserver un regard objectif faute d'être innocent. Très peu d'espoir évidemment.

Pour cette rentrée littéraire 2015, Jean Rolin fait beaucoup mieux que bien d'autres. Un Roman à lire et à relire tant il est prophétique.




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