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Critique de karmax211


Est-il meilleure époque que celle où une pandémie virale nous fait perdre ceux de nos repères qu'on pensait les plus solides, où une réincarnation druidesque ( pour mémoire, j'en appelle à Wikipédia : "Le druide est un personnage très important de la société celtique, au point qu'il est à la fois ministre du culte, théologien, philosophe, gardien du Savoir et de la Sagesse, historien, juriste et aussi conseiller militaire du roi et de la classe guerrière1. Il est en premier lieu l'intermédiaire entre les dieux et les hommes.") célèbre un nouveau culte du côté de Marsiglia et convulse les foules piaffant à l'idée de l'avènement d'un nouveau prophète, où le corps médical se déchire pour savoir lequel d'entre ses plus éminents membres aura son rond de serviette sur une chaîne info où il fera la pluie et le beau temps à défaut de présenter la météo, où des noms tels ceux de Pfizer, de Moderna, d'AstraZeneca, de Spoutnik, sont désormais plus célèbres, dans nos pays où bouillonnent les cultures, que ceux de "quidams" injustement méconnus, et que l'historienne des sciences Margaret Rossiter a théorisé sous le nom "d'Effet Matilda", est-il meilleure époque que celle où un ennemi invisible réveille nos peurs ataviques et laisse, aux dires de certains, s'installer "une dictature sanitaire", pour relire - Knock ou le Triomphe de la Médecine - de Jules Romains ?
Pour ma part, les retrouvailles avec ce précurseur d'une certaine vision de la médecine moderne, qu'est la figure de ce cher ( au sens de coûteux ) Docteur Knock, ne me sont jamais apparues aussi opportunes et "bienfaisantes".
Knock, pour qui " les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent " est un autodidacte ( sa culture médicale ne s'est-elle pas constituée à la lecture des notices de médicaments apprises par coeur ?). Il acquiert, en se faisant gruger par ce dernier, la clientèle provinciale du Docteur Parpalaid, un médecin "passéiste" et plutôt raté, lequel a exercé sans art et sans fortune pendant 25 ans à Saint-Maurice.
Knock ne s'en laisse pas compter pour autant. Avant de devenir médecin, il a été un homme d'affaires et a fourbi ses armes dans le négoce des cravates et de l'arachide.
Et c'est en entrepreneur qu'il va s'employer à faire de Saint-Maurice et de son cabinet la démonstration que la médecine moderne s'intègre parfaitement dans les pratiques du marchéage.
Dieu se sert des cloches pour faire sa pub, lui va utiliser le tambour... pour initier la demande.
Pour appâter le client, pardon le patient, est-il meilleure technique que d'offrir tous les lundis une matinée gratuite ? Les gogos se précipitent...la peur de l'inéluctable finitude, l'ignorance, le doute, le prestige de la fonction, un jargon que n'auraient pas désavoué les médecins de Molière, des tableaux impressionnants, la personnalité de l'homme, autosuggestionnent des Saint-Mauriciens bien portants qu'un régime et un traitement "adéquates" vont réellement rendre souffrants, affaiblir et assujettir au pouvoir de Knock. Knock qui affirme : " j'estime que malgré toutes les tentations contraires, nous devons travailler à la conservation du malade". Entendez par là, qu'il faut tout faire pour que non seulement le malade ne meure pas, mais qu'il ne guérisse pas non plus... afin de ne pas en perdre "l'usufruit".
En bon DRH, Knock sait aussi qu'il a besoin de "collaborateurs", de comparses autour de lui. Aussi soudoie-t-il l'instituteur, le pharmacien, l'hôtelière en jouant sur la corde sensible de chacun d'entre eux... et en prenant bien soin, pour ce qui les concerne, de les garder, eux, en excellente santé.
Au bout de trois mois Saint-Maurice n'est plus cette bourgade dans laquelle a exercé pendant 25 ans le docteur Parpalaid, revenu pour toucher la part trimestrielle de la vente de son cabinet.
C'est, dirait-on aujourd'hui, une ville sanitarisée, sur laquelle règne un gourou tout-puissant. Un escroc ? À vous d'en décider. Il est surtout l'apôtre d'une nouvelle religion qui voudrait " mettre au lit toute une population pour voir, pour voir...". Un sectaire (anachronisme)... auquel, ultime clin d'oeil de Romains, le Docteur Parpalaid demande une consultation.
Car Knock c'est le défi de l'emprise, de la toute-puissance "Il n'y a de vrai décidément que la médecine, peut-être aussi la politique, la finance et le sacerdoce que je n'ai pas encore essayés"... nous confie-t-il malicieux et cynique ( ? ).
Alors oui, cette farce de Romains n'en a pas fini de farcir des dindes... Et si nous étions l'une d'entre elles ?
À lire et à relire... et c'est drôle !

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