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Critique de Myrtle


Stéphane Rose vient ajouter sa pierre à l'édifice de tous les artistes fascinés par les rousses et leurs mystères. Il nous livre avec ce premier roman ses observations sur la gent féminine, sur notre société mais aussi sur l'amour.
Un lecteur qui ne se contenterait que de feuilleter le livre pourrait penser qu'il ne s'agit que d'un roman érotique de plus. Au contraire, Pourvu qu'elle soit rousse est un livre sensible, qui ne tombe jamais dans l'autofiction banale.
Nous y découvrons un trentenaire qui a pour obsession la découverte de la singularité des femmes rousses. Très marqué par une première conquête, il décide d'utiliser Meetic pour rencontrer des femmes et les interroger sur leur « qualité de rousse ».

Bon vivant et pas prude pour un sou, notre narrateur nous livre sans ambages ses expériences avec ses conquêtes, rousses cela va de soit :
« J'embrassai ma proie dans l'urgence du désir, perdu quelque part entre l'homme et la bête, dans une confusion qui se démultiplia lorsque la créature, non contente de ne pas s'effaroucher de mes manières de butor, me répondit à l'unisson de ma bestialité en me bouffant littéralement le visage, suçant mes lèvres, mordillant mes joues, fourrant sa langue dans mes oreilles en prenant soin d'y glisser autant de salive que de petits bruits obscènes. Un authentique baiser d'affamée, qu'elle ne jugea pourtant pas suffisant pour me laisser entrevoir l'étendue de son appétit : une minute à peine après avoir goûté ma bouche, elle poussa l'audace jusqu'à prendre ma main dans la sienne, en déplier deux doigts et les sucer comme une bite en plantant ses yeux droit dans les miens avec une détermination guerrière […] »

L'auteur élabore ainsi une sorte de carnet de route, dépeignant parfois férocement ses compagnes : « Brigitte était LA rousse. L'anomalie. L'erreur. le monstre. Une invraisemblable cascade de cheveux ondulés, d'un roux vif aux reflets rouge sang, lui donnait l'apparence d'une torche. Des mouvements nerveux, saccadés, impatients, des yeux verts hystériques qui roulaient comme des billes renforçaient cette impression de flammes en mouvement. Brigitte était le diable, descendu sur terre pour propager les flammes de l'enfer. »

Il n'en est pas moins féroce avec lui-même et il est conscient de l'emprise malsaine qu'a son obsession sur lui : « Face à mes interlocutrices, je manifestais une hâte malsaine. J'effrayai l'une d'entre elles une heure après avoir fait sa connaissance en lui imposant de me laisser respirer ses seins sous peine de ne plus jamais me voir. J'en insultai une autre qui tardait trop à daigner me rencontrer. Je perdais goût à la correspondance, à l'attente, à la curiosité. Je voulais des rousses prêtes à la consommation, livrées à domicile sous vingt-quatre heures, et si possible pas des boudins, merci. »

Son témoignage ne verse jamais dans la vulgarité gratuite et s'accompagne très souvent de références aux rousses allant du Parfum de Peter Süskind en passant par des poèmes d'Apollinaire jusqu'à Autobiographie d'un hardeur! Son ton mâtiné de cynisme s'attaque aux idées reçues et autres discriminations, concernant ou non les roux : « Quelle sottise, de se teindre les cheveux en roux! Quelle grossière erreur d'appréciation de penser qu'un roux se résume à la couleur de ses cheveux! Peut-on devenir nègre et crier à sa fierté d'être noir après avoir passé du cirage sur sa peau blanche? Possible que l'on chante le blues un peu moins juste quand même… »

Pourvu qu'elle soit rousse n'est donc pas un simple déballage d'instants salaces mais se rapproche d'une sorte d'essai sur les rousses, mais aussi plus largement sur les femmes et l'amour. A l'heure où les auteurs français se contentent de nous livrer leur quotidien fade et sans intérêt, Stéphane Rose utilise ses expériences pour nous amener subtilement sur les pas de ce qui ressemble fort à une leçon de vie, sans pour autant tomber dans le nian-nian et le lieu commun. Une bonne surprise à dévorer, si vous en avez assez des livres fades. Car il faut croire que les mystérieuses rousses ont laissé leur empreinte sulfureuse sur l'ouvrage de M. Rose…

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