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Critique de domi_troizarsouilles


J'avais repéré ce livre en librairie et avais aussitôt trouvé cette couverture très belle – dans la limite de ce que l'on peut appeler « beau » pour ce qu'on sait qui va être un roman noir. Cependant, c'était une fois encore un de ces livres qui attire mon attention, mais pour lequel je ne craque pas de suite. Ainsi, quand j'ai reçu un mail de NetGalley m'avertissant que je pouvais « solliciter » pour ce livre, puis que ma demande a été acceptée, je me suis beaucoup réjouie ! Bien évidemment, j'en remercie les éditions Mazarine et NetGalley.

Et voilà : ce n'est qu'après avoir commencé ce livre que je me suis rendu compte que ce livre est l'énième épisode d'une série mettant plusieurs personnages récurrents en scène. Parmi eux, on notera l'ex-agent infiltré Piet Hoffmann, que je n'avais encore jamais rencontré, mais je sais qu'il est un rouage essentiel de la série « Trois secondes, trois minutes, trois heures » - d'ailleurs, ce livre-ci aurait pu continuer la série avec un titre du style « Trois heures » !! - ; et plus encore le commissaire Ewert Grens, qui semble-t-il fait également partie des trois opus précités, mais qui apparaît quant à lui dans un rôle important depuis plus longtemps encore : ceci est sa 8e enquête policière, dont le premier épisode a été initié en 2004 en Suède, 2009 en traduction française, avec le livre « La bête » (alors publié aux Presses de la Cité) - un livre que, par un hasard extraordinaire, j'ai justement lu ce mois-ci !

Dès lors, je me suis trouvée quelque peu partagée… Ceux qui me suivent, même de loin, le savent : j'ai un petit côté psychorigide sur l'ordre des numéros dans une série, je n'aime pas bien lire les différents tomes dans le désordre. Alors, ici, avoir lu le premier, avoir acheté le suivant (qui, soit dit en passant, ne se trouve plus que –difficilement- en occasion, quel que soit le format, mais heureusement il est numérisé, ce qui n'était pas le cas de « La bête »), et puis passer directement au dernier paru, sans en avoir été « prévenue » - car ni l'éditeur ni NetGalley ne le mentionnent, en aucune façon, ce que je trouve bien dommage ! – ça m'a d'abord réellement dérangée !
Heureusement, selon la formule consacrée, ce livre peut se lire de manière indépendante – même si des allusions à un passé commun, entre Ewert et Piet, ou entre Ewert et ses adjoints (Sven, qui était déjà présent dans « La bête » lui aussi, et Marianna, que je rencontrais pour la 1re fois, mais avec qui Ewert travaille depuis déjà 10 ans disait-il), prouvent et rappellent constamment qu'il y a eu quelque chose avant, et que les relations entre ces différents personnages évoluent, même si, c'est vrai, cela se fait de manière assez discrète, et ne gêne pas vraiment l'enquête même du présent livre.

Maintenant que vous voilà prévenus, entrons (enfin !) dans le vif du sujet.
On a au départ deux histoires qui semblent complètement différentes. Un rapide flash-back nous montre Ewert Grens arrivant sur les lieux d'une scène de crime absolument atroce – et, toujours, tout est dans la suggestion, mais c'est juste horrible : toute une famille, père, mère, fils et fille ont été tués, seule la petite dernière a survécu, elle qui vient de souffler son gâteau d'anniversaire pour ses 5 ans… Une vingtaine d'années plus tard, Ewert est appelé sur une nouvelle scène de crime : un homme a été tué exactement de la même façon que le père de famille 20 ans plus tôt, d'une façon tellement spécifique qu'il y a forcément un lien…
Parallèlement à ça, on fait la connaissance de Piet Hoffman, sa femme, leurs deux fils de 8 et 10 ans, et leur fille nouveau-née. Retiré des « affaires » depuis un certain temps, car il l'a promis à sa femme pour le bien de leur famille, désormais directeur d'une agence de sécurité, il n'en reste pas moins sur le qui-vive, constamment. Et avec raison : on le contacte, d'une façon qui, ici aussi, fait terriblement froid dans le dos, pour « l'inviter » à reprendre lesdites affaires, pour un commanditaire rompu aux codes du grand banditisme et autres trafics internationaux.
Ce n'est pas un grand spoil de dire que les routes d'Ewert et de Piet vont se croiser, et que l'auteur va nous emmener en Albanie pour une certaine partie du livre. Si vous voulez en savoir plus : lisez-le !

Amateurs de polars/thrillers, soyez prévenus toutefois : pour ma part, moi qui ai pourtant toujours du mal à comprendre le comment du pourquoi dans une enquête, j'ai été surprise de comprendre très vite (sans en saisir toutes les implications, cela dit) qui pouvait bien être le commanditaire qui arrive à manipuler Piet Hoffmann ; et j'ai aussi rapidement (quoique plus tardivement) aperçu un schéma de comment cette personne parvenait à ses fins presque trop facilement.
Mais soyez aussi rassurés : même si un schéma des identités et autres interactions se dessine assez facilement, je pense que c'est délibéré de la part de l'auteur (en tout cas, je ne peux pas croire que ce soit simple maladresse) : en semant ces indices tout au long du livre, comme j'apprécie beaucoup, il permet au lecteur de se faire sa propre enquête en parallèle de celle des policiers. Et pourtant, ce livre reste un vrai page-turner avec ses rebondissements et autres surprises qui font que, peu à peu, on ne peut plus le lâcher !

Pour le reste, comme je disais plus haut, j'ai lu le tome initial de la série des enquêtes d'Ewert Grens il y a trop peu de temps, je ne peux pas m'empêcher de « comparer » en quelque sorte, car j'ai aussitôt remarqué qu'on trouve ici des thématiques apparemment chères aux auteurs – dont il ne reste qu'Anders Roslund, son complice Börge Hellström de plusieurs autres livres de la série étant décédé en 2017.
C'est la violence faite aux enfants et aux familles et si, ici, on n'est plus face à un prédateur pédophile récidiviste, on est quand même dans un monde qui n'épargne en rien les enfants : je l'ai dit, ça commence très fort, avec cette petite fille de tout juste 5 ans, et mention au petit Hugo, à peine 10 ans, qui agit déjà en « chef de famille » quand les circonstances l'exigent. C'est aussi la façon dont un père ou une mère réagissent quand leur enfant est en danger, jusqu'où il ou elle est capable d'aller pour protéger sa famille.
Et, partant de là, c'est aussi la même interrogation (quoique moins tranchée que dans « La bête ») sur la notion de justice : jusqu'où peut-on se contenter de la justice telle qu'elle existe, avec toute son impuissance face à certaines situations ? Jusqu'à quel point un policier (a priori intègre) peut-il accepter certains comportements ? Et surtout, comme un leitmotiv terrible : vengeance est-elle justice ?
(Pour le clin d'oeil, c'est un sujet qui me poursuit : par un (autre) hasard extraordinaire, je viens de commencer « le comte de Monte-Cristo », que je connais dans les grandes lignes, merci Jean Marais, mais que je n'avais encore jamais lu… Mais je digresse !)

En réalité, entre « La bête », 1er opus de ce duo d'auteurs, et ce dernier numéro, écrit désormais par Anders Roslund seul (désolée de me répéter !), seul le ton a peut-être un peu changé, et encore… J'ai envie de dire, et tant pis pour le mauvais jeu de mots, que ce livre-ci est moins « bestial » (je vous l'avais dit !). Oh ! il y a ici comme dans le tome initial des scènes d'une grande violence, à la limite de l'insoutenable – mais, alors que ces scènes avaient un côté physique dans « La bête », entre instantané montré et suggestion, ici on est bien davantage encore dans la suggestion, et dans une analyse psychologique très poussée. Dès lors, ça paraît peut-être moins cru lors de la lecture et, même si on sait que c'est horrible, on continue de tourner les pages sans trop être troublé. Et puis on y repense, après avoir refermé au bout d'un chapitre – car, page-turner ou pas, il faut bien de temps en temps préparer à manger, ou dormir la nuit ! On se rend alors réellement compte de tout ce qu'on a « vu » dans les pages tout juste lues, et tout à coup un frisson glacé nous traverse l'échine !
Autant dire que l'écriture est parfaitement maîtrisée, parfaitement dosée pour mener le lecteur là où l'auteur le veut bien… même si le lecteur (moi en l'occurrence) se croit quelquefois malin d'avoir compris un certain nombre de choses avant qu'elles soient dites.

Mon seul regret finalement, dans ce livre - et je ne sais pas trop si c'est parce qu'il « faut » absolument trouver au moins un petit bémol, ou si ça m'a réellement gênée, mais en tout cas ça me turlupine bien un peu – c'est le regard parfois un peu cliché que l'auteur porte sur certaines choses. La mafia albanaise et ses ramifications partout en Europe, ok, on sait que ça existe… mais là, elle nous est en quelque sorte assénée (sans être jamais nommée telle quelle, cela dit, mais c'est tellement évident que c'est de ça qu'on parle !) comme si son existence et ses méfaits étaient indiscutables. Et quand on y ajoute que tous les flics d'Albanie (sauf un, comme par hasard) en font partie peu ou prou, car en tout cas ils reçoivent l'une ou l'autre commission sur les bénéfices selon leur implication, mouais… Si encore c'était étayé d'une quelconque façon - dans une bibliographie ou filmographie par exemple, même en suédois ! au moins il y aurait une trace : après tout, Anders Roslund est aussi journaliste d'investigation ! – mais non, ça repose sur le seul cliché. Or, même si c'est réaliste, même si c'est peut-être vrai, on est dans de la pure accusation spéculative, et ça me dérange bien un peu.
Idem pour la vision quand même très noire que l'auteur propose d'une certaine jeunesse suédoise : désoeuvrée, vivante en périphérie de l'une ou l'autre grande ville, sans avenir (après tout, c'est le cas pour beaucoup partout en Europe, hélas !), ils plongeraient tous les yeux fermés et sans état d'âme dans le grand banditisme. Sérieusement ? Certes, c'est possible, au moins pour une partie d'entre eux… mais autant l'auteur se montre humain pour ses personnages fétiches, autant il condamne ceux qui sont de toute façon laissés-pour-compte, et à nouveau, ce n'est étayé en aucune façon. Dommage…

Pour autant, ces défauts certes présents n'altèrent que très peu la lecture très prenante de ce thriller, à l'écriture parfaitement maîtrisée et aux indices bien dosés, amenant le lecteur à se faire sa propre enquête, tout en se laissant surprendre encore et encore par les nombreux rebondissements de cette histoire internationale, qui soulève des thématiques dures (comme les violences aux enfants ou la notion de justice) dans des scènes parfois très violentes, mais toutes en suggestion. Un très bon opus de la série du commissaire Ewert Grens !

#QuiEstlà #NetGalleyFrance

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