Citations sur Moka (69)
Comment les gens faisaient-ils pour tourner la page ? Les gens qui vivaient un malheur ? Les gens qui connaissaient le pire ? Comment faisaient-ils ? Peut-être qu'ils ne tournaient jamais la page. Peut-être que ces pages-là, les plus lourdes, les plus terribles, on ne les tournait pas. On devait apprendre à vivre avec. Comment ?
Quand il était dans mon ventre, j'avais eu peur de le perdre. Il n'était plus dans mon ventre, mais j'avais toujours aussi peur. Peut-être que toutes les mères sont comme ca. Peut-être qu'être mère,c'est ça, c'est cette peur qui ne vous quitte jamais, qui ne vous lâche jamais.
C'était donc ça, la quarantaine, parvenir à mépriser ses parents sans en être coupable ? Ce n'était pas à l'adolescence qu'on les méprisait, non, c'était bien plus tard, quand on se rendait compte avec une sorte de terreur joyeuse qu'il n'était pas question qu'on finisse comme eux. Qu'il n'était pas question qu'on leur ressemble, plus tard.
Maman, pourquoi n'as-tu rien de la classe de ma belle-mère, de son instinct, de son maintien, de sa force, pourquoi dois-tu tout déballer, tout montrer, flancher, gémir? Pourquoi toi et papa vous baissez les bras, vous chialez, vous pliez l'échine?
Être « en vie » : je comprenais à présent ce que cela voulait dire. Mais maintenant je savais que c’était la peur, la terreur, et les sensations les plus dures, les plus extrêmes, les plus aigües, les plus douloureuses qui véhiculaient cette vitalité inédite. Pas la joie. Pas l’amour. Pas la douceur. Pas la sérénité d’avant. Rien de ce que j’avais connu avant.
Comment les gens faisaient-ils pour tourner la page ? Les gens qui vivaient un malheur ? Les gens qui connaissaient le pire ? Comment faisaient-ils ? Peut-être qu'ils ne tournaient jamais la page. Peut-être que ces pages-là, les plus lourdes, les plus terribles, on ne les tournait pas. On devait apprendre à vivre avec. Comment ?
Quelque chose d'énorme, de monstrueux est monté en moi. Une sensation d'étouffement, d'injustice, de panique. Et si Malcolm ne se réveillait pas. Et s'il mourait pendant la nuit. Il allait mourir, et j'allais rester avec tous les objets de sa vie quotidienne. J'allais devoir rester avec tout ça sur les bras, ses vêtements, sa brosse à dents, ses cahiers d'école, ses rollers, son ordinateur, ses tennis, son cochon d'Inde, tout ça, et pas lui. Plus lui. Vivre sans lui. Vivre avec sa mort.
Et que, peut-être, devenu adolescent, cela n'allait pas être facile, quand tout ce qui vous rend différent peut parfois muer en enfer.
Andrew ne parlait pas beaucoup. Il n'aimait pas les bavardages, il n'aimait pas les paroles en l'air. Ses silences étaient riches.
J'étais comme un Petit Poucet désespéré, égaré sur un chemin de larmes.