On est toujours seul en ce monde ; mais, pour avoir touché à l’au-delà, elle l’était plus encore que les autres
- Alors quoi ? L'ancienne Evelyn Grovedale serait positivement morte...Et celle que j'ai devant moi, d'où viendrait-t-elle ?...C'est pourtant le même corps.
- Oui...le même corps...mais seulement le même corps...
Il y a quelque chose de vrai dans toutes les croyances persistantes des hommes, fit Jacques le Marquand… j’entends les croyances qui ont rapport à des faits précis et souvent répétés.
— Alors, la sorcellerie…
— Dans son ensemble, je la nie, parce qu’elle énonce trop de faits imprécis et aussi parce qu’elle varie immodérément. Mais la science actuelle use de mainte pratique propre aux sorciers et aux sorcières.
Rien ne pouvait plus surprendre Bluewinkle : il était littéralement adapté au fantastique. Et il demanda, comme il aurait demandé la chose la plus simple :
- Êtes-vous la véritable Evelyn Grovedale ?
- Si je suis la vraie Evelyn ? fit-elle avec stupeur...Et qui donc serais-je ?
Un engourdissement irrésistible saisissait sa pensée. S'il attendait encore une minute, malgré l'excitation du café, il savait qu'il tomberait dans un sommeil de plomb. D'un geste mou, il rejeta la tête d'Evelyn et, la gorge serrée d'angoisse, il s'exclama :
- Malheureuse !
Un sanglot éclata dans l'ombre, et, comme il allumait la lampe électrique, il vit Evelyn, prostrée sur le lit, qui tremblait de tous ses membres :
- Malheureuse ! répéta-t-il, que t'ai-je fait, pour que tu me tues ?
Leurs yeux se pénétraient. La jeune femme avait les pupilles palpitantes ; tout son visage exprimait une terreur mystérieuse ; elle répondit comme dans un rêve :
- Je ne peux pas faire autrement... je mourrais!