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Critique de glegat


Séduit par tant d'esprit, en sortant de ce livre
On reste coi, groggy, chancelant, un peu ivre
On ne pense plus en prose, mais en alexandrins,
Tous les mots se bousculent et se donnent la main
Pour adresser sans fard, avec empressement
Un grand merci à l'auteur de ce monument.

L'alexandrin est propice à l'emphase, il donne du panache au plus fade discours et peut transformer un simple compliment en éloge dithyrambique, alors revenons à la prose pour modérer notre propos.

On connaît tous cette comédie dramatique d'Edmond Rostand. Sa popularité est telle que même sans l'avoir lu on en connaît soit l'intrigue, soit quelques répliques fameuses. Sans l'avoir vu au théâtre ou au cinéma, on peut facilement visualiser quelques scènes, quelques décors, quelques personnages. On connaît Cyrano sans l'avoir pratiqué comme on peut parler un peu anglais sans l'avoir appris à l'école. Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous citons Cyrano sans nous en rendre compte. Ce phénomène est l'indice qu'une oeuvre fait partie de notre fond culturel commun.

Alors un jour ou l'autre on se dit qu'il serait peut-être utile de se plonger pour de bon dans la lecture de ce texte ne serait-ce que pour vérifier si ce qu'on en dit de bien n'est pas exagéré ou tout simplement pour passer du statut d'imposteur au statut de véritable connaisseur de l'oeuvre. C'est ce que j'ai fait et sans plus tarder je vous livre mes impressions.

Un petit résumé pour rappeler l'intrigue : Nous sommes en 1640, Cyrano poète et fine lame est amoureux de Roxane, mais renonce à lui faire la cour, car il se trouve laid à cause de son nez « qui le précède partout d'un bon quart d'heure ». Christian est également épris de la belle Roxane mais ne trouve pas les mots pour lui dire, par amitié Cyrano va parler et écrire à sa place pour conquérir le coeur de sa dulcinée, il fait tant et si bien que Christian et Roxane se marient. Mais sombre époque de guerre et de tumulte, Christian meurt à la guerre, Roxane se retire dans un cloître. Cyrano attend 15 ans avant d'avouer à Roxane qu'il était l'auteur des lettres. Il meurt des suites d'un accident à l'instant ou il termine son aveu.

Je ne suis pas un grand amateur de théâtre et encore moins de théâtre lu, aussi ai-je entamé cette lecture avec une certaine appréhension. le début du premier acte ne m'a pas enthousiasmé, la multitude des personnages intervenant dans les dialogues pour de courtes phrases, parfois pour un seul mot, et les indications de mise en scène ont eu pour effet de ralentir ma lecture. Mais heureusement on arrive à la scène IV et à la célèbre tirade du nez et quand bien même la pièce se limiterait à cette scène elle est d'anthologie. On rentre vraiment dans l'histoire après ce fameux monologue, ensuite on est séduit par l'humour, les répliques savoureuses, l'invention dans la construction des alexandrins, la tirade des non-mercis, la scène du balcon et l'on retient malgré nous des tournures baroques qui relèvent de la préciosité :
— Mais pourquoi parlez-vous de façon peu hâtive ?
— Auriez-vous donc la goutte à l'imaginative ?
[Acte III, scène VII].

Alors Cyrano de Bergerac mérite-t-il d'être classé parmi les chefs-d'oeuvre de la littérature française ? Je ne suis pas habilité à décerner les titres, en tout cas il s'agit d'une oeuvre très populaire qui, encore aujourd'hui, est beaucoup lue et représentée au théâtre et au cinéma. On se souvient de l'interprétation de Depardieu, un vrai rôle sur mesure ! le succès de cette pièce est sans doute renforcé par le fait qu'elle est inscrite dans les programmes scolaires, elle est donc incontournable et fait partie de notre patrimoine culturel. Cependant, au niveau des idées développées et de la morale de l'oeuvre : « L'intériorité est plus importante que les apparences », on peut mieux faire. de même pour la personnalité du héros, Cyrano, c'est évidemment un beau parleur, un poète, un homme courageux, mais la psychologie du personnage n'est pas très développée il incarne le panache, le talent oratoire, le sens de la répartie, mais reste finalement un peu superficiel.

Il n'en reste pas moins que la lecture de cette pièce est jubilatoire et le talent de son auteur est évident. Cette oeuvre constitue pour le moins un divertissement de grande qualité.

— « Cyrano de Bergerac », Edmond Rostand, édition de Patrick Besnier, folio classique [1999], 464 pages.
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