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Critique de fbalestas


Mais qu’est-ce qui fait que Simon Axler, brillant comédien très réputé, ne puisse subitement plus entrer en scène et déclamer son texte comme à son habitude ? Comment se fait-il que quelque chose qu’il faisait jusqu’ici d’instinct soit totalement inaccessible à ce moment-là de sa vie ? Qu’est-ce qui a bien pu provoquer une telle catastrophe ?

Chez Philip Roth, tout est toujours très noir. D’emblée le livre s’ouvre sur une catastrophe : Simon a perdu son naturel de jeu et il ne sait plus comment revenir en arrière. Jusque là Simon savait écouter et rebondir sur les répliques de ses partenaires, comme il savait séduire les femmes qu’il rencontrait simplement en se concentrant sur ce qu’elles disaient. Désormais il ne voit pas comment s’en sortir et envisage sérieusement de mettre fin à ses jours.

Sa femme Victoria ne supporte pas de le voir dans cet état et le quitte pour rejoindre son fils. Seul, en dernier ressort pour échapper au suicide, il décide de se faire interner dans un petit hôpital de bonne réputation, où il séjourne pendant vingt-six jours. L’un des bons moments de ce séjour reste la rencontre avec une autre patiente, Sybil Van Buren, mariée à un homme très riche qu’elle présume coupable d’abus sexuel envers leur fille de huit ans. Surpris en pleine action le père trouve un prétexte qui empêche Sybil de dire quoi que ce soit. Murée dans le silence pendant quatre jours, elle ne voit d’autre solution que dans le suicide. Et puis elle y renonce et devient alors convaincue que la seule solution face à un être aussi monstrueux que son mari est de le tuer. Peut-être Simon voudrait-il l’aider à se débarrasser de ce monstre ?

Devant le refus de celui-ci Sybil s’éloigne et laisse la place dans le récit à l’agent d’Axler qui tente de le convaincre de prendre le rôle de James Tyrone dans Le Long Voyage vers la nuit de O’Neill. Mais pour Simon c’est impossible : il n’arrive plus à rendre une pièce réelle pour un spectateur ou rendre un rôle réel pour lui. Et tous les courriers que lui amène son agent ne l’intéresse plus sauf la lettre signée par Sybil…

Commence alors la seconde partie du Rabaissement.

Ici Simon croise la belle Pegeen, la fille de ses amis comédiens Carol et Asa Stapleford, et c’est l’éblouissement. Axler retrouve son appétit de vivre en tombant raide amoureux de cette lesbienne de vingt-cinq ans plus jeune que lui. Et ce rôle lui va à merveille.

Philip Roth est très fort pour parler de la vieillesse et de ses conséquences sur le désir. On pourrait facilement faire le portrait psychologique de Pegeen et dire d’elle qu’elle est narcissique, qu’elle ne sait aimer qu’elle-même rejouant le même scénario perpétuel dans lequel son partenaire ne sera jamais le bon. Pegeen est l’exact opposé de Sybil. Mais le plus intéressant reste le personnage de Simon aux prises avec le sentiment amoureux. Il faut dire que Pegeen fascine tous ceux qui l’approchent. La période où les deux personnages cohabitent pourrait être l’une des plus réussies de sa vie, si elle n’était pas gâchée par la désapprobation que ressentent les parents de Pegeen à l’idée que leur fille vive avec un homme beaucoup plus vieux qu’elle. Mais Pegeen est prise d’une réelle vivacité sexuelle que, quand elle invite une inconnue croisée dans un bar à la rejoindre Simon et elle dans leurs jeux érotiques, tout va basculer très vite, beaucoup trop vite…

L’auteur de La bête qui meurt - une réflexion sur le pouvoir érotique du corps - ou de Exit le fantôme - une rencontre avec une jeune femme qui réveille les pulsions sexuelles d’un vieil homme incontinent - renoue ici avec ses thématiques récurrentes. Il sait comme peu d’autres décrire la vieillesse des hommes, la déchéance du corps, mais aussi le sexe vital qui ramène à la vie, à l’espoir et au futur. Dérangeant sans doute, Le rabaissement est peut-être son livre le plus sombre – mais comme dans Un homme chroniqué par Yohan, Philip Roth fait preuve encore une fois d’une vitalité littéraire peu commune.
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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