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Critique de Tachan


Je ne sais toujours pas si c'était une bonne ou une mauvaise idée de partager ce tome en deux dans l'édition française, mais je peux dire que j'ai bien plus aimé la lecture de cette partie que de la précédente, ce qui signifie aussi que l'écriture de Rothfuss commence à être en dent de scie et que je comprends peut-être l'obstacle face auquel il se trouve et l'absence de suite malheureusement…

Après une première partie où l'écriture de l'auteur faisait merveille pour la rendre fluide et facile à lire malgré les pages et les pages de longueurs à l'université puis auprès de ce maître, le Maer, qui lui fait découvrir la grande vie, l'auteur fait à nouveau des merveilles ici, mais dans un style plus nature – épique qui m'a passionnée. J'ai eu l'impression de revenir aux racines du récit avec ces thématiques sur la famille, les romanichelles, la musique, la puissance des mots et de la langue, et les mystères des origines de ce monde. Là, j'étais vraiment au coeur de ce que j'aimais et cherchais dans ce titre, ce qui s'était un peu perdu au fil des trimestres de Kovthe à l'université.

Dans ce récit de la construction de la légende de Kovthe, j'ai ainsi l'impression que parfois l'auteur se perd (Université, Denna…) et que parfois il se retrouve (Interlude, étude du rôle des langues, Kovthe en position d'apprenant, etc), ma lecture est à l'aune de cela. Il y a des passages que j'ai trouvé brillants ici et d'autres passables, ce qui est quand même fort dommage. Cela m'a amené à penser que peut-être l'auteur se sentait ainsi tiraillé et que face à la montagne qui lui reste à franchir à la fin de ce tome, il a pris peur et n'a pas su par quel bout commencer son ascension, car clairement un tome pour conclure après tout ça ou plutôt si peu, c'est difficilement imaginable.

Mais revenons à ce tome. Si une nouvelle fois, je me suis ennuyée et n'ai pas aimé les brefs passages de Kovthe de retour à l'université auprès de ses amis et Denna, qui étaient d'un classicisme et d'une fadeur, je me suis régalée avec tous les autres aspects de cette seconde partie. Plonger son héros au coeur de sa légende, le voir construire celle-ci et la broder avec le recul de l'homme adulte qui raconte ses souvenirs, c'est jouissifs. Cela n'a rien d'inédit, entendons-nous, mais l'auteur confère à ces moments un atmosphère différente du reste, qui nous donne l'impression d'être au coin du feu, ce qui me berce et m'emporte.

J'ai ainsi pris un vif plaisir à retrouver l'ambiance des débuts, quand Kovthe se retrouve avec cette troupe de mercenaires et qu'il vit des aventures en pleine nature avec de faux airs de nature writing et de fantastique merveilleux à l'ancienne, où il est question de divinités rappelant celles hors de tout manichéisme des mythes celtiques. C'est poétique, c'est entêtant et ça devient émouvant quand cela lui rappelle son enfance, ses premiers amours pour la musique, les mots et les sons. le choix de ce passage pour le faire transitionner de l'enfance-adolescence à l'adulescence a sonné très juste chez moi.

De la même façon, quand l'auteur revient au coeur de son histoire, c'est-à-dire la puissance des mots, de la langue, des sons à travers la rencontre entre Kovthe et un peuple totalement différent de lui auprès duquel il va vivre un certain temps, il m'a puissamment touchée et j'ai eu un coup de coeur. J'ai adoré l'ambiance très « Le Guin » de l'épisode. C'était passionnant de voir l'auteur décrire la façon de penser, de raisonner, de concevoir la langue, les dialogues et les échanges différemment de la part de ce peuple. C'était puissant. Et suivre Kovthe se fondre là-dedans, tenter de comprendre leur philosophie de vie pour y puiser ce dont lui-même aurait besoin plus tard, c'était là l'essence de la série. Je n'ai donc pas compris le terrible retour en arrière qu'on subit brutalement ensuite, comme si cette bulle de perfectibilité était rompue. Terrible !

La plume de l'auteur fut ainsi pour moi, tour à tour magie, sublime, fine et totalement plate. Mais elle montre aussi tout ce qui agite Kovthe dans cet univers de contrastes et tiraillements où il vit. Il y a d'un côté la magie, la musique, les langues, qui emportent et éblouissent. Et de l'autre la vraie vie, cruelle, brutale, terre à terre, qui cloue au sol. L'intérêt pour la suite, si jamais il y a un jour une suite, sera de voir comment concilier les deux, de voir ce qui l'emportera entre la philosophie que lui ont inculqué cette magie et ces rencontres, et la vie terrible qu'il a vécue et expérimentée et qui l'a forgé comme il est. Je serais curieuse de voir la réponse de l'auteur et la forme que cela prendra, car pour le moment mon coeur est clairement totalement partagé entre une partie que je trouve sublime et adore, et une autre qui m'endort dans son doux ronronnement classique.

Lecture des plus surprenantes après mon décrochage dans la première partie, j'ai adoré cette suite qui a enfin comblé mes attentes. le retour aux sources du héros, aux sources de l'univers et aux sources de la série dans une ambiance merveilleuse proche du travail de le Guin sur l'altérité et le langage m'a passionnée et émerveillée. Assister à la construction maladroite d'un mythe m'a mis des étoiles dans les yeux face aux promesses faites. Mais le retour à la réalité fut aussi brutal et je n'ai pas aimé l'épisode final. L'auteur parviendra-t-il à réconcilier ces deux parties chez moi ? Seule la sortie hypothétique d'une suite un jour nous le dira, mais je reste orpheline de ce sublime travail sur les mots, la musique, le rapport à l'autre et aux légendes.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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