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Critique de enjie77


« le communisme n'était pas la jeunesse du monde mais il était notre jeunesse ». Phrase prononcée par Jorge Semprun à l'intention d'Ivo Livi, à la fin du livre, et qui illustre parfaitement l'engagement de Jorge et celui de son ami, Ivo.

Il est évident que ce livre m'a touchée puisqu'il me remémore ma jeunesse. J'ai lu Semprun très jeune comme j'ai aimé Montand chantant « Les feuilles mortes » ou « A bicyclette ». Montand, c'est l'époque du beau cinéma, des grands acteurs comme dans César et Rosalie ou François, Paul et les autres. IL est difficile d'oublier « Z » et « l'Aveu » avec Gavras derrière la caméra ou « le Salaire de la peur » de Clouzot.

Gavras derrière la caméra, Semprun au scénario et Montand l'acteur. Les images défilent devant mes yeux : c'est une authentique félicité, un peu comme le plaisir de la cigarette interdite accompagnant un bon café (ancienne fumeuse) même si ce récit est consacré aussi aux évènements terribles qui ont jalonné l'Histoire de ce XXème siècle et de ces atrocités.

Passionnante, émouvante, vibrante lecture ! Patrick Rotman a un style extrêmement visuel, dynamique, je dirais empathique ! Ami de Semprun et de Montand, il leur donne vie sous nos yeux. C'est lui le narrateur. de questions courtes en réponse sans fard, on remonte le cours du temps jusqu'à la jeunesse de Jorge, issu de la bourgeoisie et aristocratie madrilène, et celle d'Ivo, issu du milieu ouvrier marseillais jusqu'à leur rencontre, en 1960, où, malgré leurs différences sociales, ils vont se « reconnaître ». de ce qui se dégage de ces deux hommes, de ce ciment indicible, ils vont pouvoir, mutuellement, échanger, analyser, leurs illusions, disséquer leurs convictions et surtout devoir, sans se mentir, accepter avec lucidité leurs désillusions quant au vrai visage du communisme. Ce sera une amitié absolue, une véritable collaboration pour mieux dénoncer et régler les comptes avec leur engagement politique.

Le récit s'ouvre en juin 1990. Yves Montand, Simone Signoret, Jorge Semprun et Costa Gavras atterrissent à Moscou où ils viennent présenter l'Aveu qui dénonce les crimes du communisme. Dans cette Russie de Gorbatchev, les trois amis, l'émigré italien, l'émigré espagnol et l'émigré grec sont saisis d'une sensation de miracle : le tout Moscou vient voir l'Aveu.

De la situation présente, Jorge se raconte rétrospectivement : l'exil avec la chute de la République Espagnole, la Résistance, Buchenwald où il découvre la fraternité ; « Quand l'histoire galope, l'abject côtoie le sublime et la fraternité s'oppose au mal absolu », la clandestinité en Espagne afin de prendre des contacts et constituer des réseaux communistes, la foi chevillée au ventre.

Pendant ce temps, on assiste à la montée sur les planches du jeune Yves Montand, on le suit des quartiers insalubres de Marseille à son arrivée à Paris, puis on assiste à son ascension, toujours fidèle à son père Giovanni, ouvrier communiste, ayant fui le fascisme. Avec intelligence, l'auteur met en miroir, aux mêmes époques, les deux destinées, afin de permettre une vue individuelle du chemin de chacun, tout en conservant une vision globale.

Quelle époque et quel bouillonnement intellectuel après cette seconde guerre mondiale : c'est ce qui ressort de cette lecture. Mais aussi que d'aveuglements, qu'il est dur de faire tomber le bandeau quand les douleurs du désenchantement, du renoncement sont tenaces. On replonge dans Prague, dans Budapest. le récit n'est jamais assommant, il est riche d'enseignements sur l'être humain.

Montand est décédé en octobre 1991. Il devait être sur scène en 1992 à Bercy, je n'ai donc jamais pu voir ce cow-boy dans les plaines du Far-West. Il aurait eu cent ans cette année !
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