Citations sur Entrevoir - Le front contre la vitre - La halte obscure (62)
Lumière
Lumière plus légère que les paupières
Je ne veux plus t'interroger au seuil de mes jours
Posée comme une libellule sur chacun de mes livres
tu ouvres tout chemin sans me dire où il va
tu illumines le premier de mes pas incertains
me faisant croire encore qu'il est paix et pardon
tout au bout du chemin et la lumière en nous aussi
à ta rencontre et qui te rejoindra.
LA PESANTEUR
Où est la neige, où est le froid ?
Nous savons les fruits sous la terre
à l’état latent dans la graine
qui dort et qui s’éveillera.
Mais pour nous qu’est-ce que neige et froid
– ce qui doucement conduit l’endormi
de la feuille à la fleur, au fruit ?
Est-ce la médiocrité qu’on remâche
est-ce la peine qui vous point
soudain comme un verre casse dans la main
est-ce la mort enfin ?
p.146
Seule la beauté, découvre-t-il,
a le pouvoir de parler, le parfum
de retenir la réponse imprudente.
Les roses, extrait.
Quand une goutte à des milliards de gouttes manque
le printemps ne veut pas entrer franchement dans la pièce
le 25 mars, extrait.
C'est justement ce jour-là que tu aurais eu besoin
de l'ombre d'un pin, de toutes ces aiguilles autour de lui
et de la solitude entre les rochers, un livre ouvert.
On ne trouve jamais le mot qui vous ouvre les bois
on reste à sa table lourdement penché
Les messapiens, extrait.
Une ville sur laquelle il a beaucoup plu
a perdu quelque chose et gagné quelque chose :
la première tu ne la verras pas
la seconde ce sont ces plis du vieux châle
dans lesquels tu enfouis ta tête.
Le 18 octobre, extrait.
Dans sa chemise un moineau
était son seul trésor
le jour qu'il gelait tant.
Un passant, extrait.
Les chemins, la rue
Les doux rayons venus
dilapider la brume
une main rose transparaît
avec sa grande auréole de bleu pâle
— étonné à perte de ciel.
p.45
La lettre d'amour de l'été
dispersée dès fin août avec les feuilles du figuier
mains d'or qui effleurent la pierre du seuil
tandis que les petits fruits verts, durs
dégringolent à travers les branches
rompant la paix des après-midi
encore voués aux cigales.
p.35
UNE COPIE
Parfois le jour comme une copie du jour
et nos vies comme des copies de la vie.
Quand il ne reste que très peu de choses à faire
apparemment très peu: regarder une fenêtre
dans les vitres d'une autre fenêtre, et le ciel
si gris et si terne sur les toits — et regarder encore
comme si tu allais découvrir le tout petit détail
qui montrerait que la feuille a glissé, que c'est l'original
qui se trouve maintenant devant toi.
26 XI 84
p.231