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Critique de Fandol


Dans le delta de l'Èbre et ses rizières, les paysans travaillent dur et sont exploités sans vergogne par des bourgeois qui se disent marquis et marquise, plus leur fils, Carlos. Ces derniers vivent dans un château dominant les alentours.
Laurine Roux, déjà autrice de deux romans primés, s'adjuge une nouvelle récompense avec L'autre moitié du monde. En effet, c'est le Prix Orange du Livre 2022 qui lui a été attribué fort justement par un jury composé de lecteurs, de libraires et d'auteurs, jury présidé par, excusez du peu, Jean-Christophe Rufin !
Sur les pas de Toya, petite fille un peu sauvageonne, unique enfant de Pilar et Juan, débute une histoire qui m'a pris aux tripes.
En trois grandes parties, j'ai suivi ces paysans qui, peu à peu, sous l'influence de José, un jeune avocat idéaliste, créent une collectivité réussissant à concrétiser un rêve : une société égalitaire.
Autour de ces femmes et de ces hommes, je me suis attaché à leur vie, à leurs peines, à leurs espoirs, à leurs joies tout en redoutant ceux qui ne croient qu'en la dictature, à une société où la masse du peuple est exploitée avec l'aval et le soutien de la religion.
C'est le début des années 1930. L'Espagne est républicaine au service des puissants mais certains espèrent tout de même le rétablissement de la royauté.
L'utopie, le rêve d'une société égalitaire se mettent peu à peu en place. Hélas, les excès inévitables, les dissensions entre idéalistes, marxistes et anarchistes, ne facilitent pas l'instauration d'une vraie république au service du peuple.
Pilar, la mère de Toya, est le symbole de l'exploitation éhontée de celles et de ceux qui donnent leur vie pour le confort, le bien-être de quelques-uns, en l'occurrence, la famille Ibañez. Pilar est une cuisinière hors pair mais la conduite scandaleuse de Carlos pourrit sa vie jusqu'à l'issue inévitable.
Quand Horacio, jeune instituteur, arrive dans le village, Alejandra, une jeune fille, est retrouvée pendue après avoir subi les pires outrages. C'est d'ailleurs Horacio qui organise la recherche du criminel. Mais la Guardia Civil débarque, arrête les meneurs et classe l'affaire.
Toya n'est pas insensible au charme d'Horacio qui, en jouant du piano, déclenche des sentiments insoupçonnés jusque-là dans le coeur de Toya.
Petit à petit, je fais connaissance avec les principaux protagonistes d'une histoire remarquablement contée par Laurine Roux. Elle me fait vivre la collectivisation des terres, la résistance de ces paysans à l'insolant mépris de la señora Ibañez, la Marquise, qui ne paie plus ceux qui travaillent dans les rizières, pour son profit… un simple caprice : « de temps en temps, la Marquise enregistre un décès. Quand il s'agit d'un homme, elle propose à un fils de prendre la relève. S'il n'y a pas de garçon, Madame prie la famille de quitter les lieux. »
Quand, dans la seconde partie, Laurine Roux me fait faire un bond dans le temps, voici Luz et Paco qui vivent à Barcelone. Tous les deux, ils travaillent dans un labo dont le vieux professeur est obsédé par les écosystèmes. Très en avance, il ne croit qu'en l'écologie et à la préservation des zones humides. Pour cela, Luz et Paco doivent étudier le delta de l'Èbre. Victime d'une entorse, Paco laisse Luz partir seule, là-bas.
Débute alors une quête passionnante, faite de rebondissements et de rencontres amenant une troisième partie à la fois terrible et belle. Une femme âgée, toujours vêtue de noir, se prend d'amitié pour Luz et finit par lui raconter ce qui s'est passé quelques années auparavant.
Au travers de cette expérience locale, Laurine Roux réussit à faire un peu mieux comprendre le combat mené par ces hommes épris tout simplement de liberté et de dignité.
L'autrice parsème son roman d'expressions en espagnol, sans en abuser. Elle me fait voler avec les sternes qui reviennent d'Afrique et nager avec « les anguilles qui cherchent toujours à revenir là où elles sont nées. »
L'autre moitié du monde, m'a fait vivre l'expérience de collectivisation des terres par ces paysans sauvagement abattus par les nationalistes, les fascistes aux ordres de Franco. Ceux-ci sont au service des plus riches et des dignitaires de l'église catholique.
L'autre moitié du monde, avec une belle photo de couverture en hommage aux femmes et aux hommes travaillant dur dans les rizières, est un livre qui m'a beaucoup marqué et que je n'oublierai pas.
Je remercie Nicolas Zwirn de Lecteurs.com qui m'a permis une émouvante et instructive aventure littéraire.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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