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Critique de Zephirine


La jeune fille, narratrice de cette histoire, nous apprend dès les premières pages et en quelques mots comment Igor est entré dans sa vie. Elle le rencontre alors qu'elle remonte les nasses au bord du lac Baïkal. Depuis qu'elle est orpheline, elle vit dans une famille de pêcheurs. Mais quand Igor, cet homme sauvage et mystérieux, la choisit, elle accepte sa demande muette
« Igor n'est pas un homme. » … « C'est un animal. J'aurais pu le deviner dès ce premier jour. Tout était déjà inscrit dans ce corps-à-corps avec la roche »
Elle va le suivre, mettre ses pas dans les siens, traversant des contrées enneigées pour vendre le poisson séché aux vieilles isolées.
Nous sommes dans une contrée sauvage de Sibérie dont les habitants survivent en suivant le cycle des saisons et en obéissant aux traditions chamaniques. Pourtant, il n'en a pas toujours été ainsi sur ces terres glacées et oubliées. Autrefois était l'ancien monde, jusqu'à l'arrivée des oiseaux de feu. Une guerre apocalyptique a décimé ce monde. Les survivants ont dû se reconstruire et, pour effacer l'horreur, ils refusent d'évoquer cette époque qu'ils nomment « le grand oubli »
« Affronter l'histoire était trop douloureux pour les vieilles. le silence seul leur servait d'aveu. Il n'y avait pas plus de place pour les regrets que pour la pitié dans leur coeur racorni. Qui aurait pu leur en vouloir ? »

La jeune fille accepte la rudesse de son existence, vivant avec les esprits que sa grand-mère, sa baba, lui a appris à vénérer.
« C'est en m'engouffrant dans les pas d'Igor que le souvenir de Baba a germé dans ma tête. Baba fait partie des morts qui ne me quittent jamais »
Lors de son périple dans ce nouveau monde où l'on doit se battre dans une nature âpre et pour survivre, elle va rencontrer d'étranges personnages, comme l'invisible qui a perdu la vue. Grisha, cette vieille femme qui vit à l'écart parce qu'accusée d'être sorcière alors qu'elle n'est que guérisseuse, va l'initier aux secrets de la filiation d'Igor.

En choisissant de sceller son destin à celui de cet homme rude, à l'instinct animal, la jeune fille entre dans un monde fait de violence et de légendes aux accents chamaniques. Dans cette vie en osmose avec la nature, le destin de la jeune fille se confond avec les vies passées, les légendes et les croyances qui tissent une histoire où la frontière entre réel et merveilleux est si ténue qu'elle se confond parfois.

Laurine Roux sait à merveille mêler le réel et le fantastique et faire naitre une histoire âpre et fascinante qui interroge sur la vie, la mort, où « les hommes sont simplement de passage ».
L'écriture est magnifique qui arrive à transmettre la sensualité, l'éclatement de la vie dans une langue sobre et poétique.
A la lecture de ce court roman, j'ai retrouvé les mêmes sensations que dans « de Pierre et d'os » de Bérengère Cournut. La narratrice est aussi une jeune orpheline du peuple inuit et dont l'histoire oscille entre réalité et rêves chamaniques.
J'ai vraiment aimé ce roman puissant qui nous emporte dans un monde vaste peuplé de mythes où l'homme ne pèse pas grand-chose.



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