“Aimer à perdre la raison”
Si
Douce avait sa bande originale, elle ne serait composée que de cette chanson. le vieux tourne-disque rayé repasserait en boucle ces quelques mots. Il tenterait huit années durant de passer à la suite, butant inlassablement sur le même obstacle.
Abnégation de l'amour passion, amour-poison
Comment a-t-elle pu se laisser amadouer, elle, intelligente, belle, et sûre d'elle ? Comment a-t-elle pu succomber aux sifflements de ce serpent, homme qu'elle n'a trouvé ni particulièrement beau ni incroyablement brillant lors de leur rencontre?
Telle une araignée, celui qui la surnomme
Douce parvient à tisser, à force de patience et ardeur, sa toile. Il évalue les réactions de sa proie à laquelle il inocule son venin goutte à goutte. Il la rend inoffensive : ce philtre de faux amour l'aveugle.
Douce n'est plus que le reflet grisé d'elle-même.
Douce devient doute. Attente. Jalousie. Poison. Maladie. Quand
Douce va-t-elle enfin arracher sa perf', et à quel prix ?
La descente de l'amour-drogue
Sylvia Rozelier, avec ce troisième roman, déroule lentement le scénario d'une descente. Un script que notre imaginaire collectif reconnaît. Celui de l'amour impossible, destructeur, narcissique, l'amour-drogue.
Un shoot de celui qui l'empoisonne, plus qu'un seul, un dernier. La délivrance. Prochaine descente.
Bien entendu, l'auteure s'est inspirée d'une période amoureuse de sa vie pour son personnage principal. Néanmoins, le recul et la distance romanesques qu'elle imprime au récit, plutôt que d'interroger sur les motivations personnelles de
Douce à l'attirance vers cette homme, l'inscrivent dans une recherche de la compréhension du « comment » et non du « pourquoi ». Comment une jeune femme habituée de la conjugalité, pleine d'assurance en apparence, forte, féministe, peut-elle devenir la victime d'un Don Juan ?
Sylvia Rozelier répond à la question en décrivant les comportements de
Douce, la mise en place de cette machination bien huilée pour lui, nouvelle pour elle.
Force, puissance et finesse
Douce. Ce surnom aux sonorités si agréables ne raisonnera plus de la même manière après la lecture du roman éponyme. Vous entendrez le susurrement de ce serpent : Doussssse. Aie confiance
Douce. Sois docile
Douce. Sois soumise
Douce. Descends
Douce.
Douce, la narratrice, elle. Mais elle pourrait se transformer en moi, en vous, en votre soeur, votre amie, votre cousine, votre collègue. Nous sommes toutes, et tous, des
Douce potentielles. Des victimes de beaux parleurs désireux de faire nous leurs marionnettes.
Arrachons la perf, les fils, ne leur permettons pas d'abuser de nous. Lisons
Douce, notre amie, qui nous montre le chemin avec force, puissance et finesse.