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« Et me revoilà ici, dans les fils emmêlés qui relient le début à la fin », Oséias, Zézo pour la famille, retourne après dix-neuf ans à Cataguases, sa ville d'origine dans le Minas Gerais. On va l'y suivre durant les premiers jours de mars 2015.
Divorcé, licencié , c'est un homme amer et apathique qui n'est arrivé nul part. Sa famille s'est disloquée, ses parents morts, ses frères et soeurs éparpillés dans divers sphères sociales, ses anciens amis ou camarades de classe dans des contextes assez étonnants, pour lui qui pense avoir raté sa vie n'ayant plus ni maison, ni famille , ni amis , rien que des remords. Ce retour à Cataguases pour lui c'est surtout pour pouvoir comprendre certaines choses et boucler la boucle avant de.........Mais il n'y rencontre qu'indifférence et hostilité avec un minimum de chaleur et un passé en ruines, dont personne ne veut s'en souvenir. On y croise son frère devenu riche et ses deux soeurs, deux portraits de femmes, l'une qui se sacrifie dans le dénuement total essayant de gérer une famille nombreuse avec des moyens de bord misérables, l'autre ne se souciant que de sa personne avec des moyens nettement meilleurs, toutes les deux coincées avec des maris bon à rien. le mariage , une institution qui n'est pas à l'honneur chez l'auteur lui-même originaire du Minas Gerais, cet état qui fut l'Eldorado brésilien vers la fin du XIX éme siècle, et où émigrèrent des familles d'italiens à la recherche de la fortune et dont visiblement une majorité y échouèrent. A travers l'histoire de cette famille et de cet homme inadapté à son environnement , l'auteur nous projette une image peu luisante du Brésil contemporain où les pauvres, la classe moyenne et les riches ne communiquent pratiquement pas, sinon pour se détruire et surtout où chacun oeuvre pour soi pour s'en sortir comme il peut , légalement ou illégalement. Au sein même d'une même famille l'apathie et l'indifférence est à l'ordre du jour, qu'il y ait de l'argent ou non.

Le style de Luiz Ruffato, descriptions méticuleuses de gestes et faits anodins du quotidien, avec moult détails et répétitions qui pourraient lasser à la longue, au contraire m'ont beaucoup plue me permettant de mieux cerner le personnage d'Oséias . Un personnage antipathique qui pourtant suscite compassion grâce à cette approche stylistique, qui montre sa façon de s'attacher à une vie dont il n'en comprend plus le sens . Un exemple intéressant de comment la forme peut radicalement influencer le fond. Pour moi une première rencontre passionnante avec cet auteur brésilien , dont je vais poursuivre la découverte de ses autres livres traduits.

“....on ne peut pas déterminer l'avenir. L'avenir est une projection du passé.”.

Un grand merci aux Éditions Métailié et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#Remords#NetGalleyFrance
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Ce livre a la couleur du remord, jaune soleil, jaune sable, jaune pisse, il a son odeur, à la fois fade et aigre, tenace, sa consistance, gluante. Il distille à son lecteur un vague à l'âme poisseux. Une saudade, qui n'a pas la douceur et l'élégance de la saudade portugaise, une saudade plus âpre, plus désespérée, plus cinglante. Une saudade brésilienne, lancinante et obsédante, sincère, à mille lieux de tout réalisme magique sud-américain.

« Et me revoilà ici, dans les fils emmêlés qui relient le début à la fin »

Oseais revient dans sa ville natale au centre du Minas Gerais, là où il a grandi enfant avec ses parents, ses trois soeurs et son frère. La dernière fois qu'il est venu c'était lors de l'enterrement de leur mère il y a vingt ans, cette mère à qui il n'a jamais présenté sa femme et son enfant. Il n'a désormais plus rien, ni travail, ni maison, ni femme, ni enfant. Un raté, voilà comment il se voit, comment il s'estime être. Éreinté, le corps en décrépitude, au bout du rouleau, il erre durant six jours dans sa ville à la recherche de gens du passé, de souvenirs d'enfance, perclus de remords…et s'il était resté, comment serait sa vie aujourd'hui ?
« Remords » est le portrait d'un homme en errance, d'un homme malade, le portrait également d'une petite ville brésilienne avec ses vies précaires, ses arrangements médiocres, ses petits restaurants crasseux, ses hôtels miteux.

« La ville est laide, sale, pue la pisse. Les ordures se répandent dans les caniveaux. Mendiants et camelots se disputent les passants. Dans les bistros, bars et restaurants, des téléviseurs allumés hypnotisent la clientèle ».

Une ambiance plombée renforcée par le style d'écriture très particulier de Luiz Raffato qui peut dérouter mais dans tous les cas ne laisse pas indifférent : Étonnantes ces phrases primesautières, lapidaires, très courtes, sèches qui s'enchainent jusqu'à l'asphyxie lorsque nous voyons Oseais accomplir spontanément les gestes du quotidien ; phrases qui deviennent plus construites, plus riches dès que les souvenirs affluent où dès qu'une rencontre se fait, qu'un dialogue s'instaure. C'est très intéressant, nous assistons à un réel antagonisme entre un présent en accéléré avant une fin que nous devinons proche, présent accentué par la mise en valeur de scènes répétitives - notamment de scènes urinaires, de scènes de toilettes, de scènes de repas abjects, comme si l'auteur voulait souligner à quel point manger (ou vomir), uriner, déféquer prenaient une bonne partie de notre temps, gestes primaires, souligner l'absurdité d'une vie dans ce qu'elle a de plus animal - ; et les souvenirs narrés de façon plus lente afin de mieux en extraire la substantifique moelle et toute l'humanité. La densité pour exprimer le quotidien indigne et la fluidité pour raviver ce qui fonde notre humanité : l'amitié, l'amour, la famille, l'enfance…

« J'enfonce un doigt dans ma gorge. le jet jaillit. Je me dissous dans un vomi acide. Je me redresse. Je tire la chasse. Je me rince la bouche. Je me lave le visage. Je me mouille la nuque. Mes mains tremblent. Mes jambes tremblent. Je m'essuie. J'éteins la lumière. Je longe le couloir. J'entre dans la chambre, ferme la porte à clé. Je m'écroule sur le lit. Quelque part un chat miaule désespérément la fenêtre j'ai oublié la fenêtre [ ] bruit du portail [ ] Je me réveille en sursaut. le soleil, haut, brûle la peau de ma jambe gauche, à nu. ».

Au-delà de la question des racines et du déracinement propre à toute migration, ce livre met en valeur certains maux de la société brésilienne comme la présence de différentes classes sociales qui divisent la société, parfois comme ici au sein d'une même famille, classes sociales qui n'arrivent plus à dialoguer, qui sont devenues des planètes errantes prêtes à « entrer en collision et à se détruire ». Louiz Raffato souligne également les problèmes de communication dans les familles lorsqu'un drame est survenu et que le deuil n'a pas été fait.
Il montre une société à bout de souffle dans laquelle les intérêts et les calculs ont remplacé l'amour, dans laquelle la lutte contre le vieillissement place mères et filles dans une relation de concurrence. Ce sont des constats amers et glaçants faits par Oseais qui n'existe déjà plus dans ce simulacre de vie, à se demander s'il n'existera pas davantage lorsqu'il sera mort…


« Remords » est le roman de toutes les personnes qui ont un jour quitté leur terre natale, ou tout simplement déménager loin, le roman des exilés, et qui, sentant leur fin proche, reviennent en pèlerinage sur les lieux de leur passé afin d'y retrouver des traces de soi, des restes d'enfance, des bouts purs de jeunesse, des éclats frais d'innocence, des empreintes de dignité, le début du chemin lorsque tout était encore possible. Son identité. Une saudade lancinante et sombre sertie par le style singulier de l'auteur qui magnifie cette errance tout en la plombant d'un réalisme noir qui n'a rien, mais rien de magique.
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Oséias, le narrateur, n'a presque plus rien. A 54 ans, il est divorcé, n'a plus de contacts avec son fils, a quitté son travail. Il ne lui reste que les souvenirs du passé, la nostalgie du temps – lointain – où tout allait moins mal. Après 20 ans d'absence, il a décidé de retourner dans sa ville natale, au milieu du Minas Gerais, où vivent encore ses frères et soeurs. Il espère y retrouver son identité, se réconcilier avec les fantômes du passé, solder les comptes, boucler la boucle,... quoi précisément, on ne le comprendra qu'au fil de la lecture.
Le récit commence quand Oséias débarque du bus à la gare routière, et s'étale sur six jours, pendant lesquels il va rendre visite à ses frères et soeurs et rencontrer, fortuitement ou pas, d'anciennes connaissances. Plus ou moins bien accueilli par les uns ou les autres, il réalise que ses tentatives de parler du passé et de la mort de sa jeune soeur presque 40 ans plus tôt, sont vouées à l'échec. Personne ne tient à se souvenir, tous esquivent, faisant mine de s'agripper au quotidien et de regarder vers l'avenir. Culpabilité, remords, douleur ? Qui sait...
La narration de ce roman est particulière et demande un temps d'adaptation. On est dans la tête d'Oséias, embarqué dans ses pensées, pris dans un flux de conscience qui saute de la description méticuleuse des gestes anodins et répétés du quotidien aux souvenirs et réflexions sur le passé, le tout sans prévenir, au milieu d'un paragraphe, sans souci de la ponctuation. Deux mouvements s'opposent : celui, centripète, par lequel Oséias tente de revenir au point de départ, au coeur des origines, à la colonie de familles chaleureuses, émigrées d'Italie, et l'autre, centrifuge, qui a conduit ces mêmes familles à l'éclatement et la dispersion en raison de l'exode rural. Et à l'intersection de ces deux spirales, la question sans réponse : que se serait-il passé si Oséias était resté ?
"Remords" met en scène un personnage désabusé, décrit les échecs et les petites victoires des protagonistes dont les vies sont, toutes, étriquées. Dressant le portrait d'un certain Brésil provincial, il parle de déclin économique, de migration, d'incommunicabilité entre les générations et les classes sociales, et de la vie, dans toute sa complexité, des gens ordinaires aux prises avec les difficultés du quotidien. Avec des personnages dont la plupart suscitent l'empathie, voici un roman sombre et suffocant, mais touchant. A lire par grand beau temps.

En partenariat avec les Editions Métailié.
#Remords
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié.

Oséias est un homme au bout du rouleau. La mort le guette mais, en attendant; il effectue un pèlerinage dans sa région natale, le Minas Gerais, à la rencontre de ses deux soeurs et de son frère et de visages familiers de son enfance. Nostalgique, le narrateur de Remords ? Oui, avec cette fichue impression d'avoir raté sa vie dans ses grandes largeurs. Portrait d'un homme malade, le livre trace aussi celui d'une région brésilienne, loin de l'agitation de Rio ou de Sao Paulo, avec ses vies monotones, médiocres et souvent précaires. Remords ne respire pas la joie de vivre et le style de Luiz Ruffato nous enfonce encore davantage dans la grisaille. Dans la tête d'Osais, les événements du quotidien répétés à l'infini (les passages aux toilettes, la sueur sur le front, etc.) se mélangent avec les souvenirs, sans aucune transition entre chaque phase. C'est déconcertant un temps, assez répétitif, il faut bien le dire, mais pas question de lâcher le narrateur, surtout quand il se transporte dans le passé et évoque ses parents, un suicide qui l'a touché de près et les petits moments de joie de l'enfance. C'est triste et émouvant, loin de tout réalisme magique. Malgré les réserves que l'on est en droit d'émettre, Luiz Ruffato est le livre d'un auteur singulier et sincère qui possède sa propre voix et ne fait aucune concession.
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Assurément un style, une écriture dense, et pas toujours facile à suivre, des méandres où s'entrecroisent, présent, passé, personnages, souvenirs, réflexions, saynètes du quotidien et leitmotiv urinaire. ( Oséias va très souvent aux toilettes ).
Puissance narrative, est il écrit en quatrième de couverture.

Oséias, 54 ans revient sur la ville de son enfance. Malade, mais il ne le dit à personne, il est en bout de course.
Il a tout raté, c'est ainsi qu'il le vit, son mariage, son fils qu'il ne voit plus, un métier alimentaire qu'il a même perdu. Il est seul et n'a presque plus rien.

Il rencontre des connaissances d'enfance, d'école, sa première relation féminine. Chacun a construit sa vie. Certains sont contents d'échanger quelques souvenirs, d'autres n'en n'ont que peu à faire.

Il rencontre ses deux soeurs Rosana et Isinha et son frère Joao Lucio, qu'il n'avait plus revus depuis pas loin de 20 ans. Divergences de vie, de choix de vie, chacun navigue de son côté sans guère de solidarité familiale. résultat de cassures et éternelles jalousies anciennes.
Repasse un de ces jours lui dit Joao Lucio.
Rosana le met à regret dehors.
Isinha aurait aimé qu'il reste un peu plus longtemps.

Et plane l'ombre de Livia, une autre soeur qui a mis fin à ses jours, on ne sait pourquoi, mais dont Oséias s'octroie une grande part de responsabilité sans que quiconque n'ait pu le soulager de ce poids. le poids du silence qui alourdit tout.

Que cherche Oséias, le sait il lui même ?
Que veut nous montrer Ruffato Luiz ?

Une anecdote en fin de livre. Petit, Oséias a fugué une nuit. Il s'est imaginé tout le monde à sa recherche, dans l'inquiétude. Rêve fréquent d'enfant en quête d'importance parentale.

Faute d'avoir existé, existe on davantage en n'étant plus ?

Beau livre qui nous laisse sans réponse, et vision pessimiste de la vie.

On peut voir les choses autrement.
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Passer à côté de ce livre sans l'ouvrir et donc sans prendre le risque de se faire avoir, de se faire happer serait une erreur. Avec des petits bouts de phrases les uns après les autres, qui forment des grandes phrases qui suivent le cheminement de l'esprit d'Oséias, Luiz Ruffato écrit un roman au style personnel envoûtant. Un rythme lancinant, un truc qui vous prend et ne vous lâche plus. Une puissance narrative rare construite avec des mots simples, des répétitions de certaines actions multi-quotidiennes, comme par exemple celle d'aller dans la salle de bain de l'hôtel miteux : "J'arrache mon caleçon, soulève le couvercle des W-C, m'assois. Je soulage ma vessie, mes intestins. Soyez bref. Laissez la salle de bains propre pour le prochain. Au plafond, taches de moisissures, noirâtres, toiles d'araignée. Je referme le couvercle des W-C. J'appuie sur le bouton de la chasse. Un filet d'eau coule, sans pression. J'écarte le rideau en plastique, tourne les robinets, l'eau froide gicle dans tous les sens." et quasi réécrite mot pour mot plusieurs fois. de même l'expression qui revient à moult reprises : "Je nettoie mes lunettes avec le pan de ma chemise." Les phrases parfois ne sont pas finies, car la pensée d'Oséias est interrompue par un interlocuteur, ou son rêve s'arrête par un réveil en sursaut. J'ai trouvé cela assez gonflé et ça permet de rester dans le texte assez dense, sans pause et aisé à reprendre même arrêté en pleine page.

Luiz Ruffato montre combien cet homme ne va pas bien, combien ça lui est difficile mais indispensable de revenir affronter son enfance. Il raconte également le Brésil actuel qui a beaucoup changé ces dernières années, la pauvreté, la violence, la corruption et le fossé entre les classes sociales qui s'agrandit. J'aime quand un écrivain me surprend avec un thème pourtant multi traité en littérature. Très belle découverte.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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