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Critique de Milllie


Vanessa a 15 ans quand elle rencontre pour la première fois Jacob Strane, son professeur de littérature dans l'école privée où elle est interne. Vanessa a 32 ans quand nous faisons sa connaissance au début du roman, le professeur Strane est accusé d'attouchements par une autre élève et la vie de Vanessa vacille : ce qu'elle pensait être une incroyable histoire d'amour vécue à 15 ans avec son professeur de 42 ans cachait-il une autre réalité plus sombre ?

Sombre, glauque, dur, dérangeant, noir... à l'image de sa magnifique et troublante couverture et de son non moins magnifique titre, ce roman est une claque. Une descente en enfer dans laquelle on plonge en apnée et dont on ne ressort que 500 pages plus loin, horrifié, en ayant envie de hurler, de secouer les adultes qui entouraient Vanessa et qui n'ont pas su voir, comprendre, aider la jeune fille. Et en même temps, ce roman est beaucoup plus subtil qu'une simple dénonciation car il pose tout au long de son intrigue la complexe question du consentement : à quel moment une différence d'âge est-elle rédhibitoire ? comment décrire le phénomène d'emprise ? comment peut-on dire oui et penser non ?

L'auteur alterne entre le récit de la vie de Vanessa à 32 ans, une jeune fille cabossée, n'ayant jamais mené au bout les études dont elle rêvait, vivotant de petits boulots et de relations sans lendemain, et celui de Vanessa à 15 ans, élève modèle, pensionnaire du très chic lycée privé de Browick qu'elle a réussi à intégrer alors qu'elle venait d'une famille modeste. La Vanessa de 15 ans a comme seul malheur le fait d'avoir croisé le chemin de Jacob Strane, son professeur de lettres, qui va petit à petit la convaincre qu'ils sont destinés l'un à l'autre et qui à coup de livres, de cours privés, de petits gestes et de belles paroles la mettra totalement à son merci pour mieux abuser d'elle. A partir du moment où commence cette mécanique d'emprise, car c'est bien d'une véritable manipulation et lavage de cerveau qu'il s'agit, l'auteur nous embarque totalement dans son récit : j'ai assisté impuissante à toutes les manoeuvres de Strane pour faire douter Vanessa, la manipuler, j'ai eu envie de la secouer, de lui crier de s'enfuir. Pire que tout, l'auteur nous décrit l'hypocrisie des adultes, l'équipe éducative du lycée, les parents de Vanessa, qui tous savaient ou auraient pu savoir mais dont aucun n'est venu à son aide. J'ai trouvé ce roman particulièrement subtil : alors que cette histoire aurait pu se prêter à une vision très manichéenne des choses, l'auteur nous fait constamment douter, reprend à son compte les arguments de Vanessa, nous fait toucher du doigt la facilité avec laquelle une relation comme celle-ci peut basculer dans le normal ou l'acceptable et en même temps à quel point elle ne l'est pas.

Je ne me suis pas ennuyée une seconde dans cette lecture, au contraire j'ai tourné les pages en voulant savoir la suite, faire le lien entre ce qu'est devenu Vanessa et ce qui lui est arrivé, comprendre. Ce roman est aussi un très bel hommage à la littérature, dans ses aspects positifs comme négatifs d'ailleurs : Vanessa est passionnée par les livres, écrit des poèmes et Strane utilisera cette passion et son aura de professeur de lettres pour la manipuler. A une époque où la parole se libère et où la question du consentement est débattue, déchainant les passions et donnant lieu aux arguments les plus extrêmes, j'ai trouvé ce roman particulièrement essentiel : rien n'est tout blanc ni tout noir, l'auteur explore toutes les nuances entre les deux, avec une grande subtilité et en même temps en appuyant suffisamment là où ça fait mal pour que le lecteur soit frappé par sa lecture. Un livre essentiel, de plus est réellement passionnant et facile à lire, un roman à ne pas rater. Chapeau à l'auteur dont c'est le premier roman et dont je vais guetter la prochaine parution !
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