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Que deux romans sur le même sujet sortent en 2020, avec le prénom Vanessa en titre ou en prénom d'auteur , n'est que pure coïncidence : Vanessa Springora n'est pas "sa" Sombre Vanessa"... mais elles se ressemblent fortement...

La Vanessa qui nous préoccupe est une adolescente de 15 ans. Fille unique , habitant dans un coin assez isolé, elle demande à intégrer le lycée de Browick et son internat , à ses parents qui acceptent, voyant-là une occasion de se préparer à l'université. Elle se fera une amie, mais jalouse de sa nouvelle relation amoureuse , se brouillera avec elle. de sorte qu'en cette rentrée, elle est bien seule et fera une proie idéale pour le professeur de littérature Jacob Strane, 42 ans. Presque 30 ans les séparent. Il n'est pas très beau, mais il a de l'ascendant sur elle.
De petits compliments, en caresses (l'air de rien ), il va progressivement tisser sa toile autour d'elle. Elle manque tellement d'assurance, il a de l'expérience. Elle ne sait rien, il connaît tout de la littérature . Elle sort de l'enfance, c'est un homme avec maison, et voiture : le combat est inégal.
"Ma sombre Vanessa, tu es aussi sombre que moi", lui dit-il ...
Et l'histoire lui donne raison. Alternant passé et présent, Kate Elizabeth Russell passe de la Vanessa de 15 ans, à celle de 32 ans. On voit ce qu'elle est devenue, et ce n'est pas la joie... Vanessa n'a pas eu (encore) le brillant avenir que lui promettait son prof, elle est réceptionniste dans un hôtel,s'envoie en l'air avec des inconnus rencontrés sur internet, elle se drogue et boit un peu trop. Elle en est là quand une ancienne élève de l'internat Browick, à la faveur du mouvement #metoo, la contacte. Elle a porté plainte contre le Professeur Strane, suivie par quatre autres élèves, une journaliste veut interviewer Vanessa. Alors, Vanessa se souvient remonte le fil du temps, téléphone à Jacob. Elle n'a pas pu se tromper à ce point ? Si c'était une agression sexuelle, qu'est-ce que ça dit d'elle , elle qui croyait vivre une magnifique ( mais secrète) histoire d'amour ? Elle qui ne s'est jamais remise de cette relation. Elle qui croyait être la seule...
Vanessa témoignera ? Ne témoignera pas ?
Qu'est-ce que la notion de Consentement à cet âge ? ...

A travers ce portrait de femme ambigüe et en perdition, Kate Elizabeth Russell nous montre comment un prédateur approche, séduit et met KO sa victime. Enormément de nuances, de finesse d'analyse dans cette plume qui dissèque autant qu' elle raconte.
C'est brillant, on admire autant qu'on est mal à l'aise. D'autant plus , que je n'ai pas pu m'empêcher de faire le parallèle avec une histoire réelle, celle d'un prof qu' ont eu mes enfants, qu'on trouvait bizarre, (à cause de petites choses qu'il disait et qui étaient totalement déplacées mais réparties sur des années...) sans penser qu'il irait jusque là , jusqu'à ce que... Qu'il y ait des bruits qui courent, puis un procès quelques années après. La victime avait le même profil psychologique que la Vanessa du roman , très déterminée à avoir cette relation , mais très vulnérable. dans les faits. Je dirais qu'ils essaient avec toutes, et que seules "succombent" les plus fragiles...
Et du coup cette histoire m'a mise très mal à l'aise.
C'est un roman formidable, puissant, nécessaire mais éprouvant...
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L'auteur, kate Elizabeth Russell prend bien soin dans un préambule, d'insister sur le fait que "ma sombre Vanessa" est un roman et, en aucun cas, un roman biographique et que tous les personnages sont fictifs. Après lecture, je comprends pourquoi il lui a été nécessaire de prendre cette précaution. Sans celle-ci l'histoire lui aurait été assurément attribuée, il y a une telle justesse des sentiments. L'ambivalence des comportements, des désirs est tellement bien décrite que l'on croit aux personnages, cela en est même troublant. J'ai moi-même été tout au long de cette lecture perturbée par des sentiments contradictoires.
La façon dont la relation entre Vanessa, jeune fille de 15 ans et son professeur Jacob Strane, de 42 ans se met en place est troublante car il s'instaure des doutes sur le consentement.
Mais tout cela est en nuances et pas à pas on ressent l'emprise et un malaise grandissant, la culpabilité, les interrogations,l'ambivalence .
Alors bien sûr, on a envie de mettre en garde Vanessa et de la protéger mais sa fragilité ainsi que l'engrenage dans lequel elle se trouve la conduisent vers une relation de plus en plus toxique. Jacob Strane sait s'y prendre pour tisser sa toile et prévenir ses arrières, jusqu'au jour où, plusieurs années plus tard, d'autres élèves vont porter plainte.
Ce roman est extrêmement bien fait car il est criant de vérité. le professeur n'est pas le bel homme caricatural, non il est décrit comme ayant une bedaine, des bajoues, ne sachant pas véritablement s'habiller et puis il peut paraître, par moment, délicat, prévenant. C'est là tout le problème et l'ambivalence de cette relation qui n'aurait jamais dû commencer.
On alterne entre deux périodes, celle où Vanessa est une jeune fille de 15 ,16 ans et celle, 17 ans plus tard, où une plainte est déposée et où les journalistes s'emparent de l'histoire.
Avec beaucoup d'habileté, l'auteur montre combien cette relation a détruit Vanessa et continue à agir sur ses comportements et ses relations aux autres.
Bouleversant, troublant, intelligent, voilà ce qu'est ce livres qui montre la complexité de l'être humain et la notion de consentement.
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Tentée par une critique de Brooklyn by the sea (merci !), me voici empruntant ce livre. Si j'ai aimé le commentaire lu, entre temps j'ai tout oublié du livre, la thématique, la raison de l'approbation de Brooklyn, tout en un mot. Je ne lis pas le 4e de couverture (trop eu de déceptions). Donc je me lance sans idée préconçue....
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Quelle claque ! Quel livre dur.... "Glauque" c'est immédiatement l'adjectif qui me vient pour le qualifier, pour qualifier l'histoire, l'ambiance.... C'est le genre de livre qu'il est difficile de dire qu'on a aimé. Je peux en tout cas vous dire que je ne l'ai pas lâché, dévorant page après page....
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Une jeune fille de 15 ans, Vanessa, un peu isolée dans son lycée privé aux Etats-Unis pour lequel elle a eu une bourse. Un prof de littérature américaine (3 fois l'âge de la lycéenne) compatissant, attentionné, intéressé par la demoiselle.... Ne cherchez pas, il lui offre carrément "Lolita"....
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Tout le livre tourne autour de la notion de consentement, de victime. En effet jamais Vanessa ne se ressent comme victime, elle a toujours répondu oui, même quand elle pensait non. En fait le livre dépeint parfaitement la zone grise qui s'articule entre une relation saine et équilibrée et le viol. Là on est dans l'entre deux car Vanessa est flattée d'être ainsi choisie par son prof. Elle ne se rend pas compte qu'il a organisé une magnifique toile d'araignée autour d'elle, faite de manipulation, de chantage, de douceur, de violence psychologique.
Un texte qui décrypte bien une relation particulièrement toxique car en plus elle touche une gamine de 15 ans.
Un texte rude, qui secoue, accroche et finalement interroge...
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"Viens que je t'adore ; viens que je te caresse, ma sombre Vanessa (...)" écrivait Vladimir Nabokov dans "Feu pâle".
Et c'est ainsi que Vanessa, 15 ans, brillante élève promise à un brillant avenir, succombe aux avances de son professeur de lettres, alors âgé de 42 ans, qui lui susurre ces vers. Des années plus tard, il est accusé d'agression sexuelle par d'autres élèves, qui sollicitent Vanessa pour qu'elle les soutienne dans leur démarche, mais elle s'y refuse. A l'ère #MeToo, pourra-t'elle tenir sa position ?
J'ai aimé la façon dont Kate Elizabeth Russell s'est emparé d'un tel sujet dans le contexte actuel, pour en faire une réflexion pertinente et approfondie sur le besoin d'amour, l'illusion du pouvoir, et la notion de consentement chez une adolescente. Sa description fouillée des tourments de Vanessa m'a paru très juste. J'ai également apprécié sa décomposition du processus de manipulation du pédophile, et sa représentation du rôle toxique des réseaux sociaux et des médias dans ce genre d'affaires.
Le roman alterne deux périodes : les années 2000 et 2017, et j'ai été impressionnée par la façon dont l'auteur tord les deux récits en un noeud complexe et très nuancé. Il est aussi énormément question de Nabokov, et notamment de "Lolita" à laquelle Vanessa s'identifie, mais elle est ici la narratrice, et jamais elle ne se considère comme victime. Ce faisant, Russell met intelligemment en exergue toutes les questions qui se posent dans la zone grise du consentement, et c'est assez salutaire.
C'est donc une lecture perturbante, mais enrichissante, et avant tout un beau portrait de battante (même si cette sombre Vanessa n'est pas sympathique) ; une belle réussite pour un premier roman.
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Vanessa est une jeune lycéenne éblouie par son professeur de littérature qui ne manque pas de valoriser son travail et de lui porter de l'intérêt. Stran sait comment choisir sa cible, se rapprocher à petits pas et surtout sait comment user de stratégies pour que sa victime se croit consentante. Car tout est douceur, caresses légères, demandes d'approbation là où une jeune fille de quinze ans ne sait pas à quoi elle dit oui. Nait alors une histoire poisseuse entre un prédateur sexuel et une jeune fille qui la substitue à de l'amour... Car ça ne peut être que ça... Il faut que ça le soit. Sans quoi elle pourrait bien s'écrouler. D'ailleurs quand il pénètre son corps, elle se dédouble, se dissocie d'elle-même, ne retient que des poèmes de feuilles couleur d'érable qui lui font penser à ses cheveux...

Vanessa n'est pas un personnage facile à aimer bien qu'on la voit prisonnière de ce piège qu'est le mensonge qu'elle se raconte à elle-même.
L'histoire est difficile puisqu'il n'est qu'abus déguisé dans les vapeurs du consentement d'une jeune fille qui n'a rien connu d'autre. La relation qu'entretient Vanessa avec son abuseur est faite d'ambivalence alternant attraction et répulsion et on a des difficultés à saisir ce qui la pousse à revenir sans cesse vers lui si ce n'est son emprise si efficace. C'est aussi un livre qui nous décrit toute la complexité qu'il peut y avoir de se reconnaitre en victime. Car si l'on en est une, alors c'est bien que l'on a été abusée. Il est plus facile alors de se dire que ce que l'on a vécu était de l'amour, jusqu'au bout, même quand on ne peut plus y croire.

C'est donc un livre sombre oui... mais un livre dont les pages se tournent toutes seules et qui nous prend avec lui. Comment s'en sortira-t-elle ? Ouvrira-t-elle les yeux ? Et lui, Strane, son impunité demeurera-t-elle ou la vérité éclatera-t-elle enfin ? C'est une histoire qui nous révulse, nous révolte, mais nous fascine pour tenter de comprendre la mécanique à l'oeuvre entre un prédateur sexuel et sa victime. Mais si la relation est malsaine, l'auteure se garde d'y rajouter de l'impudeur gratuite. C'est la nature psychologique de ses personnages qu'elle décortique et c'est ce qui rend son propos si intéressant.




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Relation prof-élève.

2000: Vanessa aime Strane. Il est le seul à la comprendre, elle l'adolescente solitaire. Peu importe qu'il soit son enseignant et elle son élève. 2017: Strane est accusé d'avoir agressé plusieurs de ses élèves. Vanessa est contactée par une de ses victimes pour témoigner.

C'est un livre extrêmement dérangeant. Vanessa est tombée sous le charme d'un enseignant charismatique alors qu'elle n'avait que quinze ans. Adolescente solitaire, elle cherche désespérément un modèle, quelqu'un qui l'aimera. Grave erreur, Strane l'entraîne en Enfer. Bien des années plus tard, il exerce toujours son emprise sur elle.

Ce roman est brillant. Il montre l'emprise d'un prédateur sur une jeune fille. Ainsi Vanessa est persuadé d'avoir une relation amoureuse authentique avec Strane. Mais la réalité est moins belle, cette relation est toxique, entachée de nombreux abus. Ceux-ci étant explicitement détaillés. Culpabilisation et manipulation sont monnaie courante. Vanessa reste engluée dans le déni dix-sept ans plus tard.

J'ai aimé ce roman par sa construction. Il fonctionne en tiroirs. Un chapitre dans le présent alterne avec un chapitre dans le passé. Nous comprenons de mieux en mieux Vanessa au fur à mesure du roman. J'ai ressenti une immense empathie pour elle, son attitude faussement détestable montrant une immense souffrance. La fin apporte heureusement une belle note d'espoir.

En bref, un roman brillamment construit sur une thématique très dure.
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Ma sombre Vanessa est le roman le plus percutant et bouleversant qu'il m'a été donné de lire depuis quelques temps.

Vanessa Wye fait sa rentrée en 2000 dans un pensionnat réputé du Maine. Jeune fille solitaire et complexe, renfermée, elle y fait la connaissance de Jacob Strane, son professeur de littérature. En prenant par la flatterie, en faisant se sentir spéciale une jeune fille qui, forcément, à 15 ans, se cherche, comprend mal ses émois, le professeur tisse lentement sa toile autour d'elle afin de la faire consentir, ou en tout cas lui donner l'impression de le faire, à une relation qui va beaucoup trop loin, trop vite.

Parallèlement, l'intrigue se déploie 17 ans plus tard, quand Strane est accusé d'abus sexuel par une ancienne élève. Vanesse est à son corps défendant obsédée par le post et le profil de l'accusatrice, notamment parce que ce scandale vient remuer la boue des souvenirs de son histoire d'amour, dont elle vient lentement, à regret, remettre en cause la nature véritable.

« J'ai juste vraiment besoin que ce soit une histoire d'amour. […] J'ai vraiment, vraiment besoin que ce soit cela. […] Parce que si ce n'est pas une histoire d'amour, qu'est-ce que c'est ? ».

La navigation entre ces deux versions de la narratrice, la Vanessa adolescente et celle adulte, permet de transcrire ainsi adroitement les rouages de la prédation et la persistance de l'emprise psychologique dont Vanessa va souffrir pendant tant d'années, lui gâchant largement la vie. En pensant avoir provoqué Strane, en se sentant responsable (Strane la persuadant que c'est elle qui est systématiquement venue le chercher, qui l'a attiré sans qu'il puisse y résister, par la « noirceur » qu'il a perçue en elle et qui faisait écho à la sienne) de la dépravation de cet homme à qui elle n'a jamais su (ou pu) refuser quoi que ce soit (au prix de scènes de viol éprouvantes à lire), Vanessa refuse de se sentir victime (« le trope de la différence d'âge n'a plus aucun secret pour moi, et je consomme des livres, des films, et tout ce qui met en scène une histoire d'amour entre un adulte et une mineure. Je me cherche tout le temps dans ces oeuvres, mais je ne trouve jamais rien de vraiment juste. Les filles dans ces histoires sont toujours des victimes, et moi je n'en suis pas une – et cela n'a rien à voir avec ce que Strane m'a fait ou pas quand j'étais plus jeune. Je ne suis pas une victime parce que je n'en ai jamais voulu être une, et si je ne veux pas en être une, alors je n'en suis pas une. Voilà comment ça marche. La différence entre le viol et le sexe est un état d'esprit. On ne peut pas violer une personne consentante, n'est-ce pas ? […] On ne peut pas violer une personne consentante. La blague est terrible, certes, mais elle est censée »), allant de ce fait se sacrifier pour son bourreau, lui chercher perpétuellement des excuses. L'auteur retranscrit ainsi finement la psychologie de la victime d'un pédophile, du déni qui la pousse à penser qu'elle apprécie les traitements de son amant, qu'elle l'aime alors que clairement, la sidération et la dissociation cognitive sont des mécanismes qu'elle a mis en place dès le début pour se protéger.

Un des grands points positifs du roman est d'éviter l'écueil du pathos grâce à la personnalité froide de Vanessa (causée par le stress traumatique) et la carapace qu'elle s'est construite pour survivre. Clairement, ce n'est pas un personnage aimable (pourrait-on l'être avec une vie telle que la sienne ?) sur qui on s'apitoie (paradoxalement). Ce qui est bien joué de la part de l'autrice car elle pousse en cela le lecteur à réfléchir par lui-même à la notion de consentement, à ses conditions d'altération, à ce qui peut en constituer la zone grise. Elle interroge aussi finement la notion de victime : à partir de quel moment en est-on une ? Quand on se sent traumatisé ? L'est-on quand on ne ressent rien ?
On ne s'attache d'ailleurs pas plus aux autres personnages, puisqu'ils sont vus à travers les yeux de Vanessa, qui met tout le monde et sa vie à distance de cette souffrance qu'elle se refuse à éprouver. C'est peut-être de ne pouvoir m'accrocher à un élément positif (même une personnalité comme celle de Henry Plough qui pourrait être sympathique, est rendue de manière distordue par la vision de Vanessa, ce qui nous fait douter de ses intentions) qui a rendu pour moi la lecture de ce roman si difficile.

Le fait que Vanessa soit privée de toute capacité d'action, assister à l'anéantissement d'un esprit aussi brillant par les manipulations de Strane m'ont été très désagréables à lire par le sentiment de gâchis que j'ai ressenti, d'impuissance.

Ma sombre Vanessa est un livre coup de poing, clivant, et malheureusement terriblement actuel. Mais sa force est aussi d'instruire sur ces mécanismes de manipulation psychologique, afin de changer de regard sur leurs victimes et leurs réactions, en les comprenant mieux.
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Vanessa a 15 ans quand elle rencontre pour la première fois Jacob Strane, son professeur de littérature dans l'école privée où elle est interne. Vanessa a 32 ans quand nous faisons sa connaissance au début du roman, le professeur Strane est accusé d'attouchements par une autre élève et la vie de Vanessa vacille : ce qu'elle pensait être une incroyable histoire d'amour vécue à 15 ans avec son professeur de 42 ans cachait-il une autre réalité plus sombre ?

Sombre, glauque, dur, dérangeant, noir... à l'image de sa magnifique et troublante couverture et de son non moins magnifique titre, ce roman est une claque. Une descente en enfer dans laquelle on plonge en apnée et dont on ne ressort que 500 pages plus loin, horrifié, en ayant envie de hurler, de secouer les adultes qui entouraient Vanessa et qui n'ont pas su voir, comprendre, aider la jeune fille. Et en même temps, ce roman est beaucoup plus subtil qu'une simple dénonciation car il pose tout au long de son intrigue la complexe question du consentement : à quel moment une différence d'âge est-elle rédhibitoire ? comment décrire le phénomène d'emprise ? comment peut-on dire oui et penser non ?

L'auteur alterne entre le récit de la vie de Vanessa à 32 ans, une jeune fille cabossée, n'ayant jamais mené au bout les études dont elle rêvait, vivotant de petits boulots et de relations sans lendemain, et celui de Vanessa à 15 ans, élève modèle, pensionnaire du très chic lycée privé de Browick qu'elle a réussi à intégrer alors qu'elle venait d'une famille modeste. La Vanessa de 15 ans a comme seul malheur le fait d'avoir croisé le chemin de Jacob Strane, son professeur de lettres, qui va petit à petit la convaincre qu'ils sont destinés l'un à l'autre et qui à coup de livres, de cours privés, de petits gestes et de belles paroles la mettra totalement à son merci pour mieux abuser d'elle. A partir du moment où commence cette mécanique d'emprise, car c'est bien d'une véritable manipulation et lavage de cerveau qu'il s'agit, l'auteur nous embarque totalement dans son récit : j'ai assisté impuissante à toutes les manoeuvres de Strane pour faire douter Vanessa, la manipuler, j'ai eu envie de la secouer, de lui crier de s'enfuir. Pire que tout, l'auteur nous décrit l'hypocrisie des adultes, l'équipe éducative du lycée, les parents de Vanessa, qui tous savaient ou auraient pu savoir mais dont aucun n'est venu à son aide. J'ai trouvé ce roman particulièrement subtil : alors que cette histoire aurait pu se prêter à une vision très manichéenne des choses, l'auteur nous fait constamment douter, reprend à son compte les arguments de Vanessa, nous fait toucher du doigt la facilité avec laquelle une relation comme celle-ci peut basculer dans le normal ou l'acceptable et en même temps à quel point elle ne l'est pas.

Je ne me suis pas ennuyée une seconde dans cette lecture, au contraire j'ai tourné les pages en voulant savoir la suite, faire le lien entre ce qu'est devenu Vanessa et ce qui lui est arrivé, comprendre. Ce roman est aussi un très bel hommage à la littérature, dans ses aspects positifs comme négatifs d'ailleurs : Vanessa est passionnée par les livres, écrit des poèmes et Strane utilisera cette passion et son aura de professeur de lettres pour la manipuler. A une époque où la parole se libère et où la question du consentement est débattue, déchainant les passions et donnant lieu aux arguments les plus extrêmes, j'ai trouvé ce roman particulièrement essentiel : rien n'est tout blanc ni tout noir, l'auteur explore toutes les nuances entre les deux, avec une grande subtilité et en même temps en appuyant suffisamment là où ça fait mal pour que le lecteur soit frappé par sa lecture. Un livre essentiel, de plus est réellement passionnant et facile à lire, un roman à ne pas rater. Chapeau à l'auteur dont c'est le premier roman et dont je vais guetter la prochaine parution !
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Je me souviens qu'au sujet du récit de Vanessa Springora, le Consentement, on a entendu qu'il s'agissait de circonstances particulières, d'un milieu particulier et puis aussi d'une époque. Bref, malgré les faits racontés sans se cacher derrière une fiction, certains avaient du mal à percevoir la réalité d'une telle relation et surtout le fait qu'elle pouvait être subie et non consentie malgré les apparences. Ma sombre Vanessa est un roman (la coïncidence du prénom ne doit être prise que pour ce qu'elle est : une coïncidence) et l'auteure prend bien soin de le réaffirmer dans un préambule. Pourtant, les deux livres se répondent, comme en miroir, dans des pays différents, des circonstances différentes, des époques différentes. Mais un point commun : ce processus d'emprise exercé par un homme d'autorité censé être un adulte responsable sur une jeune fille à peine pubère dont la construction mentale et sexuelle est encore vierge et surtout empreinte de fantasmes jamais confrontés à la réalité. le roman de Kate Elizabeth Russell pourrait presque permettre de mieux appréhender le récit de Vanessa Springora, parce que le pouvoir de la fiction est justement d'offrir au lecteur une capacité de projection tandis que le récit cantonne la vie qui y est racontée à une singularité affichée. C'est extrêmement troublant.

Vanessa Wye a 32 ans et travaille en tant que concierge dans un hôtel de Nouvelle-Angleterre lorsqu'elle est contactée par une jeune femme qui a fréquenté le même lycée qu'elle, accuse l'un de ses professeurs d'abus sexuels et demande à Vanessa d'apporter son propre témoignage. En 2000, Vanessa a effectivement vécu une "histoire" avec Jacob Strane, son professeur de littérature. Elle avait 15 ans et lui 42. Mais le regard que Vanessa porte sur cette relation n'a rien de celui d'une victime. Forcée de se replonger dans la réalité de ces années, la jeune femme revisite les quelques mois de cette liaison, les conséquences sur la suite de sa scolarité et même sur sa vie de femme, les liens qu'elle a gardés avec lui. le lecteur évolue à son rythme, d'une période à l'autre, dénouant peu à peu les fils d'un fantasme construit pour mieux cacher les détails d'une réalité sordide. Découvrant la vérité derrière le déni. Happé, scotché par cet engrenage construit autour d'un mécanisme d'emprise psychologique savamment rôdé. Et parfois révolté par certaines scènes difficiles à concevoir et pourtant nécessaires.

Car rien de plus commun que le fantasme universel d'une élève pour son professeur. Cas d'école pourrait-on dire. Admiration, émoi adolescent, envie d'être remarquée, manque d'assurance... la proie est facile. Et ce que met parfaitement en scène l'auteure c'est le déploiement de la mécanique du prédateur, l'exploitation des failles psychologiques de l'adolescence qui peuvent rendre certaines cibles plus vulnérables. Et les dégâts causés, irrémédiablement. La narration est parfaitement menée, ce qui se passe en 2017 est tout aussi intéressant que le récit des années de lycée, la double progression tient le lecteur en haleine parce que dans l'esprit de Vanessa, rien n'est évident. Si je fais le parallèle avec le Consentement, ce n'est pas simplement à cause du prénom de l'héroïne. Il se trouve que l'intrigue est construite autour de Lolita et des écrits de Nabokov (d'où est tiré le titre du livre), que l'influence est celle d'un professeur de littérature qui se sert des textes pour exercer son emprise, à l'exact opposé de son rôle. Il se trouve enfin que la notion de consentement est au centre de ce roman qui se lit comme un thriller grâce à une tension dramatique maintenue jusqu'à la fin. Une réussite.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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"Je ne peux pas perdre ce à quoi je me suis accrochée pendant si longtemps. Vous voyez ?  (…) J'ai juste vraiment besoin que ce soit une histoire d'amour. Vous comprenez ? J'ai vraiment, vraiment besoin que ce soit cela. (…) Parce que si ce n'est pas une histoire d'amour, qu'est-ce que c'est ?"
Ces quelques phrases donnent à elles-seules la tonalité du roman.

Il est difficile de ne pas penser au livre le consentement même si je ne l'ai pas encore lu. L'un est un témoignage tandis que l'autre est un roman. Un roman, vraiment? L'autrice l'affirme pourtant.

Vanessa Rye est une jeune fille de 15 ans qui entretiendra une relation "amoureuse" avec son professeur de littérature, âgé quant à lui de 42 ans. Elle a 32 ans quand une onde de choc la percute de plein fouet, quand une autre jeune femme porte plainte contre ledit professeur pour abus sexuel. Vanessa n'y croit pas, ne veut pas y croire, ne peut pas y croire. Car si elle y croit, elle sera alors obligée de regarder la vérité toute nue et de remettre en question "sa" première histoire d'amour, tellement importante, car fondatrice, dans la vie de tout un chacun.

Glauque, cru, curieux, malaisant, malsain, tous ces qualificatifs peuvent convenir à ce roman. Et pourtant j'ai lu attentivement chacun de ses mots, relisant même certains passages plusieurs fois. Par goût de ce qui est sale, de ce qui est transgressif ? Pas du tout, simplement pour être sûre de ne rien oublier, que personne ne puisse dire qu'elle l'avait bien cherché, après tout. A ce sujet, et bien avant de lire ce roman, mon opinion est faite, je peux même dire qu'elle est ferme et définitive. Il n'y a pas de consentement éclairé chez le mineur, même quand celui-ci a quinze ans et est en capacité de réfléchir. Surtout quand l'adulte est une personne ayant un ascendant sur le ou la mineur/e en question, là il a un boulevard pour la/le manipuler. Car qui ne s'est jamais amouraché d'un de ses professeurs ? Ou sans parler de tomber amoureux, d'au moins chercher à lui plaire ? Je me rappelle mon professeur de français remplaçant de troisième. du haut de mes quinze ans, je le trouvais beau comme un dieu, et fabuleux. Nous étions plusieurs à minauder, sans qu'il ne se passe quoi que ce soit. Car il savait se tenir à sa place.

La grande force de ce roman, qui est aussi sa plus grande finesse, est qu'à aucun moment l'autrice ne laisse planer le doute sur ce qu'elle pense. Contrairement à sa narratrice, la sombre Vanessa, qui est elle toute en ambiguïté. Et c'est ce qui rend justement la narration de ce roman très puissante, ce qui fait qu'on tourne les pages pour continuer à tenter de comprendre le cheminement de cette toute jeune fille devenue une jeune femme fracassée, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, qu'elle-même le veuille ou pas. Car l'adolescente blessée, humiliée, à laquelle un adulte a menti pour mieux faire d'elle sa chose, ne pourra pas pousser, grandir, s'épanouir comme s'il ne lui était rien arrivé. Elle ne se reconnaît pas victime? Elle l'est pourtant. A rebours

Je salue particulièrement la plume de Kate Elizabeth Russell, très réaliste, qui donne beaucoup de souffle à son histoire, qui peut se montrer très crue, mettre mal à l'aise son lecteur en le plaçant en voyeur, mais sans jamais être putassière. Un grand bravo aussi à la traductrice, Caroline Bouet, qui a très bien su retransmettre l'ambiance de ce roman.

Enfin, je tenais à remercier bidule62 car c'est grâce à son billet que j'ai eu très envie de commencer ce roman qui dormait bien au chaud dans ma PAL.

En résumé, un livre dur et d'actualité, servi par une plume de talent. Un livre qui m'a mise en colère. Un livre, croyez-moi, que je ne suis pas prêt d'oublier de sitôt. Continuons à protéger nos enfants et adolescents.


Lu en février 2022




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