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Critique de Acerola13


Voilà une curieuse bande dessinée d'un auteur très très réputé pour les reportages dessinés qu'il a produits. Dès les premières pages, j'ai été dérangée par le trait de Joe Sacco et ses personnages aux traits bruts, bavant sur leurs clopes et le regard hagard. Une lecture malaisée du point de vue du dessin donc, qui est pourtant très fourni en détails et qui en dit beaucoup sur les scènes esquissées ; je pense notamment à cette triste case où des soldats s'éloignent de dos, tandis qu'une culotte abaissée aux chevilles laisse deviner l'horreur que vient de subir la femme, anonyme et hors champ.

Il y a aussi ce personnage, Neven, le "fixeur", et qui représente un type d'homme tout sauf sympathique pour une lectrice européenne : fanfaron, menteur, aux justifications parfois alambiquées, escroquant son compagnon journaliste, jamais en reste pour évoquer ses exploits ou pour trouver une prostituée dont la photographie seins nus fera la une des reportages des journalistes occidentaux.

En surface, The fixer a tout pour me rebuter, surtout que la trame n'est pas facile à suivre entre les récits du journaliste, ceux de Neven, et les analyses du point de vue de tel ou tel personnage...Et pourtant, Joe Sacco parvient au fil des pages à montrer l'importance et le symbole que fut la ville de Sarajevo dans la Yougoslavie aux prises avec une affreuse guerre civile, comment des hommes de toute ethnie ou religion la défendirent, organisés en milices au pouvoir grandissant, incorporées à l'armée par le gouvernement, puis écrasées et jugées pour des exactions qu'elles auraient seules commises...Ce que la guerre a d'incompréhensible et d'absurde suinte des pages et des discours, tandis que Joe Sacco réussit finalement un très bel exercice d'humilité : celui de présenter le journaliste étranger comme un parfait intrus, incapable de vraiment comprendre ce qu'il se passe à quelques centaines de mètres, obligé de s'en remettre à un "local" qui voudra bien l'aider, lui présenter des personnes, le guider à travers un conflit dont il est lui-même partisan...On en viendrait même presque, dans les ultimes pages, à éprouver un peu de pitié, de compréhension pour Neven et sa carapace qui dévoile peu à peu sa fragilité.

Un troublant témoignage de la guerre à Sarajevo, et un livre qui achèvera de vous démoraliser si vous êtes déjà d'humeur noire. Après tout, puisqu'on en est là, pourquoi ne pas poursuivre avec Gaza 1956, en Marge de l'Histoire ou Palestine, puisque c'est dans l'ère du temps ?
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